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Revue sociale, ou Solution pacifique du problème du prolétariat. Boussac :  P. Leroux, 1845-1850. ISSN 2021-1066.

N°2 : Novembre 1845 :

. Correspondance parisiennes par T..

. De la recherche des BIENS MATERIELS (1) : De l'individualisme et du Socialisme (P. Leroux )

. MORALE : Lien de l'Homme et de l'Humanité – Grégoire Champseix

. Hygiène : De la réversibilité des maladies  (1): Charles Soudan

. Économie Politique : Encore l'académie des sciences Morales : Luc Desages

. Poésie : André Chenier et Hégésippe Moreau ! Myosotis

.1 Correspondance parisiennes par T..

Un lecteur ou une lectrice du premier numéro de la Revue Sociale est chois pour ouvrir le numéro 2 de novembre 1845 : après une introduction référant à Shakespaere et à Jonas tel le peuple dans le ventre de la baleine religiusement capitaliste, l'auteur approfondit sa réflexion en reprenant l'Histoire de l'Humanité tel celle d'un enfant, devenu enfin émancipé par la révolution française de 1789 : 

" Le premier numéro de votre Revue est apparu au milieu de la  presse parisienne comme un phénomène tout-à-fait étrange. Les  Persans de Montesquieu et le Huron de Voltaire n'étaient pas si exentriques dans la société française du .dix-huitième siècle que votre Homme moderne, qui a la fatuité de se dire son propre prêtre et  maître à lui-même, de se sentir noble et roi, par cela seul qu'il est homme. L'insolence a dû sembler bien téméraire à ces baleines  voraces dont parle Shakespeare. Et cependant, chers amis, votre homme utopique ne date pas d'hier. Il a été conçu par Dieu à la première création. Il était latent sous la côte d'Adam, lorsque Dieu  en sépara la femme, qui malheureusement, depuis ce temps-là, est toujours restée séparée de l'honune. Il a été porté en fœtus  pendant une longue gestation dans la tête des philosophes antiques,  comme la Sagesse dans le cerveau de Jupiter. C'est une vierge qui  le mit au monde dans une étable, il y a deux mille ans. Durant son  enfance, la Philosophie a fait son éducation, et, finalement, la  révolution française l'a déclaré majeur, et lui a délivré son passe-port au travers de l'Humanité. Pour ma part, je ne suis pas inquiet de son avenir. Un jour ou l'autre, aujourd'hui ou demain, le nouvel émanipé fera ses affaires, comme disent les financiers et les  bourgeois."

Puis l'auteur situe la Qualité de la Revue Sociale imprimée et éditée à Boussac, contre la presse parisianiste médiocre de l'époque en 1845 : 

" Vous voyez de loin, n'est-ce pas, la folie et en même temps l'insignifiance des journaux de Paris? Folie dans toutes ces tentatives absurdes de créer un journal sans âme, sans cœur, sans tête sans opinion, par le seul ressort automatique d'une combinaison matérielle. On peut faire ainsi une machine utile à l'industrie, mais une voix humaine qui ait de l'écho, non pas. En aucun temps on n'a jamds rien vu de pareil à cette abnégation misérable et honteuse de toute croyance, de tout système, de toute tendance quelconque, bonne ou mauvaise. Un journal n'est plus représenté par une doctrine quelconque, ou même par un homme qui peut avoir de certaines opinions, n'importe le parti politique et la moralité de l'œuvre. Tout est d'ailleurs confondu dans la polémique. Les vieux démocrates s'allient avec M. Thiers et les bourgeois, tandis que le journal des conservateurs hasarde parfois des thèses économiques assez avancées. Le plus cynique de tous les journaux, celui qui est  payé par les colons pour perpétuer l'esclavage, par la cour pour  perpétuer le prolétariat, met les pétitions des ouvriers en tête de ses colonnes. Il. envoie des circulaires à messieurs les concierges, ayec les Mémoires du Diable, pour les divertir, ou les pervertir.  Le Diable allait mourir, c'est le dix-neuvième siècle qui cherche à le galvaniser. La littérature est encore plus démoralisée que la politique. Les  lettres se vendent au mille, comme une denrée grossière, au spéculateur le plus offrant. L'art littéraire, la poésie, la pensée, l'imaganation, ne sont d'aucun parti. On écrit chez les blancs, chez les  noirs, chez les jésuites et chez les philosophes, chez les aristocrates  et chez les républicains. Il faut dire que toutes ces nuances politiques sont bien ternes dans le haut du journal. Du reste, plus la littérature est insignifiante, plus elle a de succès. Le grand monologue appartient à un éjaculateur d'eau tiède. On se dispute cette  abondance, et il y a aujourd'hui six procès d'engagés autour de  cette fontaine publique, qui fournit indifféremment tous les  Avergnats de la presse."

Décrivant le tentative d'un bourgeois d'acheter un peintre qui refuse ses avances boursières, l'auteur porusuit en références à Darah en Algérie :La dignité , la conscience, la loyauté, le respect de soi-même, sont égaÏement bannis des autres. classes de la société .  Vous rappeliez, l'autre jour, cette abominable atteinte au droit des gens que le colonel Pélissier a commise sur les Arabes du Dahra. Aujourd'hui voici un maréchal de France qui se dément comme un écolier timide. Les lettres de M. Bugeaud montrent a la fois une anarchie des consciences les plus rudes et l'anarchie du gouvernement. Cet épisode de nos revers en Algérie a beaucoup occupé le monde politique. Mais il nous semble que personne n'a vu le dessous des cartes. C'est la cour qui joue la partie à son profit, et ses associés eux-mêmes ne connaissent pas encore toutes ses finesses. Le coup est d'importance. Il s'agit de donner au duc d'Aumale la vice-royauté i'ndependante de notre conquête en Afrique...." ...Et d'achever : "  Vous êtes les Spartiates des Thermopyles, bien décidés a vaincre, mais peu nombreux devant l'armée des Barbares. Léonidas et ses héros périront-ils encore dans le défilé glorieux ? "

.2 De la recherche des BIENS MATERIELS (1) : De l'individualisme et du Socialisme (P. Leroux )

Ou l'auteur traite d'une forme de déshumanisation entièrement criminogène, en une réflexion anti-criminelle qui est constitutive de la pensée Leroussienne : avec les caissons à gaz dénoncé dans Malthus et les économistes, cet article fonde l'anticipation de Leroux sur les crimes contre l'Humanité dont la Shoah, les crimes staliniens, et le génocide perpétré contre les Arméniens et les Tutsi entre autres , tout le long du 20ème siècle : il stiue aussi l'aggravation criminogène de cette déshumanisation de manière corrélative à l'émergence du capitalisme, de l'industrialisation coloniale et religieusement raciste, enocre injustement déployée contre la population française, des Canuts aux paysans et ouvriers ouvrières, pauvres.

(Ecrit, il y a douze ans, après les massacres de la rue Transnonain : https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_la_rue_Transnonain.)

" Il arrive. quelquefois aux cœurs les plus fermes et les plus solidement' fixés dans les saintes croyances clu progrès, de perdre courage, et de se sentir pleins de dégoût en voyant le présent.

Au seizième siècle, quand on assassinait dans nos guerres civiles, c'était au nom de Dieu et un crucifix à la main; il s'agissait des choses les plus saintes, des choses qui, lorsqu'elles ont obtenu notre conviction et notre foi, dominent si légitimement notre nature, qu'elle n'a plus qu'a obéir, et que c'est même son plus bel apanage que de s'éclipser ainsi volontairement devant la volonté divine.

Mais au nom de quoi assassine-t-on aujourd'hui dans nos guerres civiles ? Au nom de quel principe envoie-t-on lâchement par le télégraphe des ordres impitoyables, et transforme-t-on les prolétaires soldats en bourreaux des prolétaires ?

Pourquoi notre époque a-t-elle vu des cruautés qui font souvenir de la Saint-Barthélemy ?

Pourquoi a-t-on fanatisé des hommes au point de leur faire égorger froidement des vieillards, des femmes, des enfants ?

Pourquoi la Seine a-t-elle roulé des meurtres qui rappellent les arquebusades de la fenêtre du Louvre ?

Ce n'est pas au nom de Dieu et du salut éternel que tout cela s'est fait: c'est au nom des BIENS MATERIELS. Notre siècle est donc bien vil, et nous avons dégénéré même des crimes de nos pères !

Tuer comme Charles IX ou comme Torquemada, au nom de la foi, au nom de l'Église, parce que l'on croit que Dieu le veut, parce que l'on a l'âme exaltée par la crainte de l'enfer et l'espérance du paradis, c'est avoir encore dans le crime quelque grandeur et quelque générosité.

Mais avoir peur, et, à force de lâcheté, devenir cruels ; être pleins de sollicitude pour des biens qu'après tout la mort vous enlèvera, et devenir féroce par avarice ; n'avoir aucune croyance sur les choses éternelles, aucune certitude sur le juste et l'injuste, et, dans ce doute absolu, s'attacher à son lucre au point de rivaliser avec le fanatisme le plus exalté, et trouver dans ces sentiments infimes des ressources assez énergiques pour égaler en un jour, les jours les plus sanglants des guerres religieuses, voilà ce que nous avons vu et ce qui ne s'était pas encore vu." (...)

" Les ouvriers de Lyon s'associent pour maintenir le taux de leur salaire; voilà les intérêts de toutes les boutiques en péril par cet exemple: guerre donc et guerre à mort aux ouvriers de Lyon. Toujours au fond de tout, les intérêts des boutiques. Dans ces jours de deuil si souvent renouvelés depuis trois ans, a-t-on dit au peuple : Voilà une idée sainte, juste, légitime, en vertu de. laquelle tu peux tuer des hommes. Non ; mais chaque veille d'émeute on crie au peuple: Demain ton lucre sera diminué, ta recette journalière sera moindre, les satisfactions de ton corps seront gênées. "

L'auteur décrit cette guerre civile comme une régression qui a substitué aux valeurs religieuses , l'absolue défense criminelle des biens matériels : " Pris sous cet aspect, notre siècle est aussi bas que possible. Les intérêts matériels, voilà le grand mot d'ordre de la société; et bien des novateurs eux-mêmes ont ignominieusement supprimé de leur devise, l'amélioration morale et intellectuelle du peuple, pour ne conserver que l'amélioration matérielle."

" Nous connaissons de nobles cœurs, de hautes intelligences qui le crignent. Nous retombons, s'écrient-ils, dans la corruption romaine el dans les mœurs des barbares : à quoi nous servent dix-huit cents ans de Christianisme et les conquêtes de la science et de l'industrie? C'est à ces cœurs généreux, mais découragés, que j'ai dessein de répondre en m'occupant d'économie politique, c'est-à-dire de l'aspect matérielle de la société. J'essaierai d'abord aujourd'hui de leur faire découvrir le sens de cette avidité qui se montre, il est vrai, dans toutes les classes,_ mais qui, chez les hommes du pouvoir, se pavane i hideuse a l'abri des baïonnettes de nos soldats; et dans des articles subséquents ! Je tenterai de démontrer que si la question sociale se présente principalementde nos jours sous l'aspect d'un probleme de richesse matérielle, c'est que la science humaine est bien près d'en trouver la solution."

" Le Christianisme a pu dire: " Mon royaume n'est pas de ce monde; " mais par là même il a puissamment modifié la constitution matérielle de ce monde, en dehors duquel il dirigeait la contemplation des hommes vers un avenir mystérieux. En présence de la société païenne, fondée sur l'individualisme et l'esclavage , le Christianisme posa la vie Essénienne et la communauté des biens ; et de cette forme nouvelle donnée à la vie matérielle résulta la dissolution de la société païenne, le renversement du monde romain, et par suite l'inutilité de l'esclavage et sun abolition. A l'époque du Protestantisme, n'a-t-on pas vu quelque chose d'analogue? n'a-t-on pas vu alors le Christianisme, essayant de se régénérer, lutter pour les biens terrestres contre l'Eglise, détentrice de ces biens? Les intérêts matériels jouent un rôle immense clans la Réforme. La Réforme commence dès le quatorzième siècle par une lutte violente et générale en Europe contre les ordres rel,igieux. C'est que les ordres religieux, cette société en communauté sans femmes et sans enfants, qui, par conséquent n'était qu'une exception et laissait subsister en dehors d'elle la grande, la vraie société, avait cependant amassé une si énorme portion de la propriété, que l'autre société ne pouvait plus vivre; il fallut donc lui reprendre la terre et tous les instruments de travail qu'elle avait accaparés. Ainsi aux époques les plus grandes et les plus religieusement exaltées, on retrouve toujours la question de la vie matérielle. Mais aujourd'hui il est évident que ce qui n'était qu'un caractère secondaire dans les révolutions antérieures doit devenir le caractère principal. " ( Penser le Socialisme tel une Ethique de l'économie et des sciences économiques " ) 

" Par le Christianisme, a été élaborée et prêchée à tous les hommes l'idée d'un monde meilleur que celui qui existait alors, d'un monde d'égalité et de fraternité, d'un monde sans despotes et sans esclaves. Le Christianisme a relevé l'Humanité par l'espérance; il lui a annoncé mystiquement sa destinée; il a relié aux souvenirs de son berceau, à sa liberté primitive et naturelle, à ses traditions d'un âge d'or passé, de l'Eden et du paradis natal, le sentiment ferme et assuré d'un âge d'or à venir, d'un paradis sur la terre, où le bien règnerait après la défaite du mal, et où l'homme, racheté par la divine parole, retrouverait le bonheur, et jouirait d'une inaltérable félicité. Et, à celte prophétie, on vit la société humaine se diviser en deux : la société religieuse, indifférente aux Jouissances actuelles de la terre, ou ne s'en servant que pour s'exercer à l'égalité complète, à la communauté, à la non-propriété individuelle, comme symbole de ce que serait un jour la justice du ciel ; et la société laïque, qui continua, sous l'enseignement de l'autre et sous son gouvernement spirituel, la vie humaine telle qu'on l'avait connue jusque-là. Or, par le Protestantisme et par la Philosophie, la société religieuse a été détruite, et il n'y a plus aujourd'hui qu'une seule société. La conséquence, je le ré pète, n'est-elle pas claire et évidente? N'est-il pas évident qu'il faut que les principes du monde prophétisé et attendu pendant tant de siècles par la Société religieuse se réalisent de plus en plus dans la seule société qui existe aujourd'hui ? "

Puis l'auteur reprend la Loi de Continuité entre les siècles pour exhorter à une vision historique assumant l'idéal de progrès entre âme et corps , contre un manichéisme et une résignation que Leroux a déjà analysé et réfuté contre Cousin et une vision réductrice de tant l'histoire des religions que de l'histoire de la Philosophie.

" Soit donc que nous en appellons aux traditions religieuses et à la vie antérieure de l'Humanité, soit que nous consultions seulement la raison moderne et le consentement général des hommes à notre époque; loin de condamner l'usage des biens matériels, nous devons voir qu'aucune de nos facultés les plus généreuses ne peut s'exercer sans l'intermédiaire de ces biens. De là il suit que tous ayant été appelés à la vie spirituelle et à la dignité d'hommes par la parole des philosophes, tous doivent s'élancer, et cela légitimement, vers la conquête des biens matériels. C'est sa dignité, c'est sa qualité d'homme, c'est sa liberté, c'est son indépendance, que le prolétaire revendique, lorsqu'il aspire à posséder des biens matériels; car il sait que sans ces biens il n'est qu'un inférieur, et qu'engagé, comme il l'est, dans les travaux du corps, il participe plus de la condition des animaux domestiques que de celle de l'homme. C'est le même sentiment qui pousse ceux qui possèdent ces biens à les conserver. Certes nous ne sommes pas les apologistes des classes riches, nous sommes avec le peuple, et nous serons toujours pour les pauvres contre les privilèges des riches; mais nous savons que, quels que soit la mollesse et l'égoïsme qui règnent dans ces classes, les hommes absolument corrompus et mauvais sont l'exception. Dans la lutte actuelle des prolètaires contre la bourgeoisie, c'est-à-dire de ceux qui ne possèdent pas les instruments de travail contre ceux qui les possèdent, la bourgeoisie représente même, au premier aspect, plus évidemment que les prolétaires, le sentiment de l'individualité et de la liberté. Les riches possècdent cette liberté, et ils la défendent, tandis que les prolétaires sont si malheureux et en sont tellement privés, qu'un tyran qui leur promettrait de les affranchir en les enrichissant pourrait peut-être, dans leur ignorance, en faire quelque temps ses esclaves. Nous trouvons donc bonne et légitime cette tendance de ceux qui possèdent la liberté et l'individualité à les conserver; mais pourraient-ils ne pas trouver également juste et légitime la demande de ceux qui ne les possèdent pas, et qui veulent les posséder ? "

Leroux crtique alors le dévouement, non en pas en soi, mais comme une chimère au su et vu des avidités de biens matériels en toutes les classes sociales, qu'il synthétise de manière critque sous le vocable " individualisme " alors  : " Aussi repoussons-nous de toutes les forces de notre âme le Catholicisme sous tous ses déguisements et sous toutes ses formes, soit qu'il se rattache encore, par je ne sais quelles puériles espérances, aux vieux débris qui sont à Rome avec les ruines de tant de siècles, soit que, ' par je ne sais quelle escobarderie, il prétende s'incarner à neuf dans Robespierre, devenu le légitime successeur de Grégoire VII et de l'inquisition. Et en même temps nous regardons comme un fléau, non moins funeste que le papisme, l'individualisme actuel, l'individualisme de l'économie politique anglaise, qui, au nom de la liberté, fait des hommes entre eux des loups rapaces, et réduit la société en atomes, laissant d'ailleurs tout s'arranger au hasard, comme Epicure disait que s'arrangeait le monde."

Individualisme et socialisme : 

" Liberte et sociéte sont les deux pôles égaux de la science sociale.

Ne dites pas que la société n'est que le résultat, l'ensemble, l'agrégation des individus; car vous arriveriez à ce que nous avons aujourd'hui, un épouvantable pêle- mêle. avec la misère du plus grand nombre. Théoriquement vous aurez pis encore; car, la société n'étant plus, l'individualité de chacun n'a pas de limite, la raison de chacun n'a pas de règle : vous arrivez en morale au scepticisme, au doute général, absolu et en politique , à l'exploitation des bons par les méchants et du peuple par quelques frippons et quelques tyrans. 

Mais ne dites pas non plus que la société est tout et que l'individu n'est rien, ou que la société est avant les individus, ou que les citoyens ne sont pas autre chose que des sujets dévoués de la société, des fonctionnaires de la société qui doivent trouver, bon gré mal gré, leur satisfaction dans tout ce qui concourt au but social; n'allez pas faire de la société une espèce de grand animal dont nous serions les molécules, les parties, les membres, dont les uns seraient la tête, les autres l'estomac, les autres les pieds, les mains, les ongles ou les cheveux. Au lieu que la société soit le résultat de la vie libre et spontanée de tous ceux qui la composent, n'allez pas  vouloir que la vie de chaque homme soit une fonction de la vie sociale que vous aurez imaginée : car vous n'arriveriez par cette voie qu'à l'abrutissement et au despotisme; vous arrêteriez, vous immobiliseriez l'esprit humain, tout en prétendant le conduire.

N'essayez pas de nous ramener le gouvernement de l'Eglise; car ce n'est pas en vain que l'esprit humain a lutté pendant six siècles contre ce gouvernement, et l'a aboli.

N'essayez pas d'appliquer à notre époque ce qui a pu convenir aux époques antérieures, le principe d'autorité et d'abnégation; car précisément l'autorité et l'abnégation de la vie antérieure de l'Humanité avaient pour but d'arriver à l'individualité, à la personnalité, à la liberté. Cela fut bien autrefois, mais cela fut bien précisément à la condition que cela mènerait à un but, et qu'une fois l'Humanité arrivée à ce but, cela cesserait d'être, et que ce gouvernement du monde ferait place à un autre.

Nous sommes pourtant aujourd'hui la proie de ces deux systèmes exclusifs de l'individualisme et du socialisme, repoussés que nous sommes de la liberté par celui qui prétend la faire régner, et de l'association par celui qui la prêche." (...) 

" Demandez aux. partisans de l'Individualisme ce qu'ils pensent de l'égalité des hommes: certes ils se garderont de la nier, mais c'est pour eux une chimère sans importance; ils n'ont aucun moyen de la réaliser. Leur système, au contraire , n'a pour conséquence que la plus infame inégalité. Dès lors leur liberté est un mensonge, car il n'y a que le très petit nombre qui en jouisse; et la société devient, par suite de l'inégalité, un repaire de fripons et de dupes, une sentine de vice, de souffrance, d'immoralité, et de crime.

Demandez aux partisans du socialisme absolu comment il concilient la liberté des hommes avec l'autorité, et ce qu'ils font, par exemple, de la liberté de penser et d'écrire : ils vous répondront que la société est un grand être dont rien ne doit troubler les fonctions.

Nous sommes ainsi entre Charybde et Scylla, entre l'hypothèse d'un gouvernement concentrant en lui toutes les lumières et toute la moralité humaine, et celle d'un gouvernement destitué par son mandat même de toute lumière et de toute moralité; entre un pape infailllible d'un côté, et un vil gendarme de l'autre. Les uns appellent liberté leur individualisme, ils le nommeraient volontiers une fraternité : les autres nomment leur despotisme une famille. Préservons-nous d'une fraternité si peu charitable, et évitons une famille si envahissante." (... ) 

Nous arrivons ainsi à cette loi, aussi évidente et aussi certaine que les lois de la gravitation : « La perfection de la société est en raison de la liberté de tous et de chacun. » · En définitive, adopter soit l'individualisme, soit le socialisme, c'ést ne pas comprendre la vie. La vie consiste essentiellement dans la relation divine et nécessaire d'êtres individuels et libres. L'individualisme ne comprend pas la vie ; car il nie cette relation. Le socialisme absolu ne la comprend pas davantage; car, en faussant cette relation, il la détruit. Nier la vie ou la détruire, voilà l'aternative de ces deux systèmes, dont l'un ,-par conséquent, ne vaut pas ·mieux que l'autre."

A la suite de cet article publié 12 ans auparavant dans la Revue Encyclopédfique, Leroux joint une lettre d'un Fourriériste qui avait tenté de joindre Fourrier et Leroux , et pour encore inviter Leroux à s'exprimer sur le modèle de Fourrier : Leroux nous apprend alors 12 ans plus tard que ce " fourriériste" a profondément changé d'avis et a abandonné Fourrier : aussi Leroux se propose de répondre dans les prochains numéros à cette lettre pour rendre compte du système de Fourrier et de leurs différence profondes.

.3 -  MORALE : Lien de l'Homme et de l'Humanité – Grégoire Champseix

" Je m'arrête; je sens qu'après avoir répondu à ceux qui font abus de la sensation et de la connaissance, aux matérialistes et aux mystiques, il me faudrait répondre à ceux qui abusent du sentiment. Oui, il me faudrait répondre à ceux qui abusent de cet art même que je viens d'attester, de cet art né de la troisième faculté humaine, le sentiment; de cet art qui prend directement sa source dans le rapport de l'homme individuel à i' Humanité, mais quii, se retournant pour ainsi dire contre son origine, tend souvent à constituer l'individualisme et l'égoïsme sous les beaux noms d'amitié, d'amour, de famille, de patrie. C'est un trop grand sujet pour que je l'aborde dans cet article; c'est la question de l'art même. Il y a un art faux qui marche en parricide contre l'Humanité, qui s'allie avec la sensation ou avec la fausse connaissance, pour diviniser les passions, au lieu de tourner les attributs de la nature humaine vers leur but, le perfectionnement de l'Humanité sous tous les aspects. C'est sur les ruines de cet art faux, comme sur celles de la fausse science et de la sensation brutale, que ie genre humain doit marcher, s'il veut atteiindre l'âge promis par toutes les prophéties. Avec le matérialisme, point de salut; avec le mysticisme, point de salut; avec l'égoisme sous le nom d'amour, d'amitié, de famille, de patrie,' point de salut . Le salut, c'est l'Humanité constituée sur le lien naturel qui unit l'homme individuel à l'Humanité collective.

Hélas! la société présente semble ne pas soupçonner ce lieu. Je vois encore dans son sein cette honte innommée , l'homme esclave de l'homme, de son semblable, de son égal; je vois encore le plus grand nombre fatiguer avec larmes et douleurs pour gagner le pain aimer qui trompe sa faim. N'importe! tout nous paraît inviter l'homme à s'unir à l'homme. L'Humanité l'appelle, et la nature et Dieu le rejettent vers l'Humanité. Quand ce lien sera senti de tous les hommes, le mal moral disparaîtra de la terre. Alors il n'y aura plus de castes, plus de divisions, plus d'inégalité fondée sur la naissance ou la fortune; il y aura dans le monde, la grande famille humaine, rétablie dans sa vraie dignité, et marchant avec unité dans l'accomplissement de ses destinée inépuisables.

.4 -  Hygiène : De la réversibilité des maladies  (1): Charles Soudan

" Nos profonds politiques du jour, sir Robert Peel entre autres (voyez son dernier discours au parlement), et 1\1. Guizot aussi, le partisan du travail incessant et fort peu payé, disent que la misère est une des conditions du developpement de la civilisation. En ce cas les scrofules , la syphilis, et la pellagre, sont une des conditions du développement de la civilisation. Mais que sir Robert Peel, l\I. Guizot, et tous les politiques qui mènent en France et en Angleterre les affaires des deux peuples boutiquiers, comme disait Napoléon, ne s'y trompent pas, et que les classes riches et bourgeoises le sachent bien aussi; si les scrofules, la gale, la syphilis, et la pellagre sont une des conditions de la civilisation, elles ne s'arrêteront pas, elles ne s'arrêtent pas aux classes qu'on nomme classes inférieures; elles iront, elles vont plus haut...

Il nous serait facile de montrer la réversibilité dans une foule d'autres maladies. Il n'est peut-être pas une seule maladie épidémique qui, arrivée à un certain degré, ne devienne contagieuse. Les conditions hygiéniques du peuple agissent donc de la façon la plus immédiate sur la santé des riches. Mais ce tableau suffit. Il reste aux pauvres une large voie ouverte à l'espérance, puisque les maux de toute espèce dans lesquels ils sont plongés remontent jusqu'à leurs frères plus heureux. S'il en eût été autrement, leur chaîne était rivée, et une misère éternelle était leur partage. "

.5 -  Économie Politique : Encore l'académie des sciences Morales : Luc Desages

L'auteur ridiculise tour à tour plusieurs personnages de l asoit disant haute société parisienne libérale, pour montrer leurs inconséquences et contradictions, tous hargneux et complotistes contre le principe premier d'ASSOCIATION.

Ainsi contre M . Blanqui, qui, perdus en quatre fonctions ( auteur de précis d'économue , professuer d'économie, académicien, et auteur d'histoire de l'économie, se contredit selon les casquettes pour choir dans l'inconséquences à deux reprises : d'abord en hurlant que les Socialistes exagèrent quand il faut lui même le constat horrible et criminel d'un capitalisme assassin jsuque dans tou les atelirs de productions : et d'une. De deux quand après tous ces précis, écrits et réflexions contradictoires, il prône l'ultra-concurrence et la multiplication des machines industrielles,  du sans foi ni loi du Liasser Faire de SAY.

Ainsi contre M Passy, ridiculisé dans le premier numéro de la Revue Sociale, et qui croit pouvoir poursuivre ses caisses d'épargnes, Luc Desages raille l'ignorant du niveau de misère en France, des ouvriers aux paysans  : " Vous avouez ensuite que la condition des paysans est toutefois supérieure à celle des ouvriers. Si la condition des ouvriers est inférieure , à celle des paysans, comment est-elle donc! Tenez, monsieur Passy, là, sans façon , je vous invite à venir pisser quelque temps à Boussac; je vous conduirai chez un paysan, le premier venu. Une fois là, si vous parvenez, après beaucoup d'efforts, et en prenant bien votre temps, à manger d'un certain pain, qui fait la nourriture habituelle des campagnes, je m'engage à prôner partout vos caisses d'épargne."

Ainsi contre M Beaumont qui, de l'association ets passé aux caisses Passy ....trahissant pour sa carrière les principes et idéaux qu'il défendait avant...

Puis c'est le tour de M Dunoyer qui refuse la Loi de diminution des heures de travail des enfants, sous préetxte que ce n'est pas l'Eta le tuteur masi le Père, quand tous les autres sont néanmoins in fine d'accord avec une Loi protégeant les Enfants. Mais Desages démontre combien cette Loi ets insuffisante au regard de l'autre exploitation des enfants qu'est la prostituion quand ils ne travaillent pas à l'usine ....

C'est pourquoi nous dirons à M. Dunoyer, s'il ne veut pas se mettre en colère et· s'emporter dès le premier mot : Que prouve votre fait tiré de l'Angleterre? Que les ouvriers sont dàns cette horrible alternative ou de livrer leurs enfants à un travail qui dépasse leurs forces, et less tue peu à peu , ou de les voir manquer de pain; ce qui milite beaucoup, comme vous voyez, en faveur de la règle des salaires.

D'où résulte que ... Voyons, du calme! Mon dieu! vous me répondrez!. .. l'association .... C'est fini, voilà que vous devenez féroce à cause de ce mot. .. . Du reste, la séance est levée.

Tous les économistes s'en vont, apres avoir bien discuté, mais sans avoir rien résolu. Cependant ils s'accordent sur un point, à savoir l'intempérance et l'inconduite des ouvriers. Voici M. Passy, Blanqui, et Dunoyer, qui sortent ensemble; écoutons leur conversation.

M. PASSY. On a beau dire, il faut toujours en revenir là; moraliser les classes pauvres.

M. DUNOYER.- Ah! les ouvriers sont des mange-tout, ils passent leurs journées au cabaret.

M. BLANQUI. C'est vrai, cela.

M. PASSY. Eh! sans doute; c'est bien pour cela qu'il faut les moraliser.

M. BLANQUI. Vous avez raison.

M. DUNOYER. Moraliser ! moraliser! et comment? Est-ce encore l'Etat que vous chargerez de cette besogne! l'Etat peut-il y faire quelque chose? en a-t-il le droit? peut-il empêcher les ouvriers d'entrer chez le marchand de vin? Pardieu! s'ils sont pauvres, c'est leur faute.

M. BLANQUI. C'est juste ce que vous dites là.

M. PASSY. Oui, oui, je ne dis pas autre chose. Croyez-vous qu'il n'est pas affreux de voir des travailleurs, qui gagnent trente sous, je suppose, en dépenser quinze au café! Ils n'y vont pas seulement le dimanche. Allez maintenant visiter_les cafés, vous verrez qu'ils sont pleins. Ils viennent se plaindre ensuite! devrait-on avoir pitié d'eux! ce sont des ivrognes !. .. lMessieurs, quelle heure est-il? cinq heures. Si nous allions diner ensemble! je connais un restaurant où l'on vend d'excellent champagne-Montebello, nous en boirons...."

. 6 Poésie: André Chénier et Hégésippe Moreau : Myosotis

 

Une étude comparative de la Poésie de Chénier et de Moreau, en Hommage au receuil de Moreau intitulé Mysotis.

 

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