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Revue sociale, ou Solution pacifique du problème du prolétariat. Boussac :  P. Leroux, 1845-1850. ISSN 2021-1066.

. Quelle est la singularité et le contenu de la Revue Sociale, publiée à Boussac par Pierre Leroux entre 1845 et 1850 ? 

. Quel fût son rôle et son importance dans le mouvement Socialiste de l'époque ? 

. Quels sont ses liens avec nous en 2021 ? 

. Peut-on parler d'une recherche d'Ethique de la Science Economique ? 

. En quoi la Doctrine Socialiste de Pierre Leroux inaugure l'Eco-socialisme actuel ? 

Les recherches doctorales seront orientées vers un descriptif, une analyse, qui prendront en compte l'anti-criminalité et le champ de reconstructions des savoirs de l'époque.

Laurent Beaufils-Seyam , écrit à Boussac le 11 août 2021 à 5 heures.

Peut être monsieur veut parler de la Kaballe Lourianique et de Spinoza qui ont acté spécifiquement sur ce rapport et cette situation entre la Science et Dieu par l'Ethique ?

N°18 : Mars 1847 :

. Exposé sommaire de la doctrine de l'Humanité (4)

. La Terre – Luc Desages

. Malthus et la Solidarité U Charpentier

. Souvenirs d'Algérie (5) PH F

. Poésie : Appel de E - Tissier

N°18 : Mars 1847 :

. Exposé sommaire de la doctrine de l'Humanité (4)

" Notre dessein dans ce dernier article est de jeter un coup d'œil sur l'ensemble des principes que nous avons exposés, afin de caractériser la Doctrine de l'Humanité par les différences qui la distinguent entre toutes les autres. Le fondement de cette doctrine est la Solidarité, qui résulte de la véritable connaissance de l'homme et de l'Humanité. En comparant ce principe de la Solidarité au principe de la Charité, qui est le fondement du Christianisme , nous montrerons toute la différence qui sépare la doctrine chrétienne de la doctrine de l'Humanité, rejette la première dans Je passé comme épuisée entièrement, et donne l'avenir à la seconde comme à la seule capable de marcher en avant Mais celle-ci ne diffère pas tant de celle-là, qu'elles n'aient ensemble aucuns rapports, aucune ressemblance; et nous essayerons de faire apercevoir quels traits sont communs à toutes deux, et comment l'une est véritablement la fille de l'autre." ( ... ) 

" En recommandant à l'homme d'aimer Dieu par dessus toutes choses, et en ajoutant, pour donner plus de poids à cette parole, que c'est là le premier commandement, le Christianisme détourne l'homme de la nature et de l'Humanité. Vainement il dit ensuite : Aimez votre prochain comme vous-même pour l'amour de Dieu; l'homme est déjà induit en erreur sur son véritable objet, une fausse route est ouverte, et quiconque sera un peu touché de la première partie du précepte donnera dans cette fausse route, délaissant la nature et l'Humanité. Des millions d'hommes n'y ont pas manqué pendant toute la durée du Christianisme, et il n'en pouvait être différemment. " ( ...) 

" Le propre de la tradition hébraïque a été de distinguer l'Etre infini de tous les êtres particuliers, mais non pas de supposer un rapport face à face des êtres particuliers et de l' Etre infini. Le psalmiste s'écrie dans un chant sublime : Les cieux racontent la gloire de Dieu; la terre, la nature entière publie ses louanges. Il est bien vrai, en effet, que tout parle de Dieu dans ses œuvres; mais pour entendre ce langage, pour arriver à Dieu , il faut accepter les choses qui le manifestent, et avec lesquelles l'homme peut entrer en rapport dans le fini." ( ...) 

" La vie cénobitique, dans les plus beaux siècles de sa durée, s'est toujours ressentie d'être le contraire de la vie véritable. Le cloitre a vu ses hôtes agités par les passions humaines, tourmentés par des regrets incessants, désespérés par leurs vœux irrévocables. Il n' a jamais dit au monde quelles tortures ont été subies dans ses tristes cellules, quelles larmes ont été répandues sur ses dalles insensibles, quels ravages ont brisé les cœurs ensevelis dans son silence. Mais il en a transpiré assez pour que les hommes fussent détournés enfin de cette aberration. Après la vie austère et sérieuse est venue ans les cloîtres la vie impure et hypocrite. Les fondations religieuses se sont multipliées à l'excès, et le couvent n'a plus abrité que la fénéantise, la débauche et l'ignorance. La vie religieuse conçue en dehors de la nature et de l'Humanité s'en allait dans une suite d'orgies dévotes, pieusement voilées pour qu'elles ne fussent pas  sujets de scandale. A la ferveur, à l'enthousiasme, aux sublimes aspirations des beaux religieux épris de l'idéal chrétien, au langage passionné qu'ils avaient tenu à l'objet de leur cœur égaré, avaient succédé une petite dévotion factice, une sorte de marivaudage mystique, des pratiques abrutissantes, de l'afféterie, du mensonge, de l'hypocrisie partout. L'essai avait été fait du principe de la charité chrétienne appliqué dans son précepte le plus impérieux , l'amour de Dieu recommandé par dessus tout. Il n'avait pu en résulter une société religieuse dont l'organisation fournît à l'homme un milieu favorable à son développement. L'homme s'était trompé en se tournant vers Dien comme vers son objet. Examinons si l'autre société, celle qui avait César pour chef, et dans laquelle l'homme acceptait la nature et l'Humanité, était mieux organisée par le même principe que la société religieuse."

" 0 Christ! serait-il possible que votre Evangile n'eût porté dans ses profondeurs que la société du moyen-âge! Serait-il possible que votre parole si divinement inspirée, si féconde, ne fût pas venue abolir, détruire toute iniquité, toute inégalité ? Vous dont les accents sublimes, solennels , majestueux, troublent les âmes, échauffent les cœurs, subjuguent, entraînent, vivifient; vous, qu'un amour infini pour l'Humanité lança parmi les hommes, prêchant la justice, la concorde, la fraternité, l'égalité, toutes les vertus divines et humaines; vous, qui demandiez à votre Père, au Père commun des hommes, que tous les hommes fussent dans l'unité avec vous comme vous étiez dans l'unité avec Lui, prophétisant ainsi l'anéantissement de la caste, de la division, de toutes les distinctions conçues par l'ignorance et entretenues par l'orgueil; vous enfin que le monde regarde comme le plus grand des prodiges, et qu'il a déifié, ne sachant quel honneur vous rendre  digne de vous, Christ, serait-il vrai que votre mission n'eût pas eu pour objet éloigné , mais certain dans le temps, d'affranchir l'homme de l'homme, et d'élever l'oppresseur et l'opprimé à la Liberté, à la Fraternité, à l'Egalité ? " (...) 

Nous avons démontré que le précepte de la charité n'a pas organisé une société véritable. Nous essayerons maintenant de faire apercevoir toute la différence qui sépare !a Doctrine de l'Humanité du Christianisme, en montrant que le précepte de la Solidarité est réellement un principe d'organisation. (...) 

"Si nous voulons aimer Dieu , pour accomplir le plus saint et le plus beau de nos devoirs, aimons Dieu en nous et dans nos semblables. la Solidarité ne donne pas un autre commandement. Elle seule est le principe de la véritable organisation, elle seule est organisable."

Il faut comprendre le rapport à l'égoïsme tel que le définit Leroux pour la Solidarité : du droit de dire MOI au droit du sujet, du droit d'être Soi et de vivre ses Droits et Devoirs, connaissant les limites du MOI dans le sacrifice de l'orgueil pour la Solidarité : or depuis la psychologie et la philosophie du moi de Shelling, Leroux ouvre donc au Droit du Sujet ( Psychanalyse ) et Sujet de Droit ( Sujet de DROIT SOCIAL ) , qui en le Moi " égoïste " se trouve lui-même et qui par le " sacrifice " se limite aussi pour la Solidarité envers les autres, Dieu et l'Humanité :  " Oui, il n'y aura que des égoïstes, mais de saints égoïstes, qui sentiront que leur salut est attaché au salut de tous, est impossible hors du salut de tous, et qui s'efforceront de se sauver tous ensemble, et les uns par les autres, c'est-à-dire de marcher ensemble et les uns par les autres vers Dieu , dans la nature et dans l'Humanité. Et pourquoi ne seraient-ils pas tels, les hommes de l'avenir? est-ce que tout homme n'est pas l'Humanité un fils de Dieu, l'égal de tout homme? est· ce qu'il n'est pas suceptible de développement et de perfectionnement? est-ce qu'il n'est pas l'objet de tout homme? Ce n'est pas une société que toute agrégation d'hommes dans laquelle le plus grand nombre ne peut se développer et jouir de la vie comme sensation-sentiment-connaissance indivisiblement unis. Que de souffrances en ce monde, et que la terre actuelle est triste et misérable, parce que les hommes ne sont pas organisés en vue du développement de chacun et par conséquent de tous! Jusqu'à ce jour il n'y a pas eu de société véritable parce que toujours le plus grand nombre des hommes a été mis en dehors des hommes; un temps viendra où la société véritable existera. Cette société sera une, ni religieuse d'une part et civile de l'autre, ni livrée d'un côté à l'abandon de la terre et des hommes, et de l'autre à la possession de la terre et à l'exploitation des hommes. Elle sera une, et composée uniquement de libres, de frères, et d'égaux." (...)

"Que l'homme ait de l'intérieur, qu'il se rappelle a cellule dans laquelle il a passé autrefois tant d'heures silencieuses devant l'image du Christ, et qu'il se recueille parfois pour se retrouver se connaître et se développer en conversant avec lui même  devant l'Idéal. Qu'il se souvienne des longues oraisons, prières, des lectures du cloître; qu'il se livre à la méditation, à a contemplation: le mysticisme n'est plus possible désormais que pour quiconqne rejettera ou altèrera dans sa droiture le précepte de la Solidarité. Avec les excès du mysticisme sont aussi passés les excès de la dévotion outrée, la superstition, l'idolâtrie, toutes les formes religieuses qui pourraient reproduire et rappeler les religions de l'enfance de l'Humanité. J:Egalité, la Solidarité, bannissent pour toujours toute subordination de l'homme devant l'homme, détruisent tout fétichisme à l'égard de l'homme et à l'égard de Dieu. L'homme demeure posé dans la nature et dans l'Humanité. Ni le matérialisme moderne, ni le paganisme antique sous aucune forme ne sont à craindre désormais. L'homme est sensation-sentiment-connaissance indivisiblement unis, et il peut et il doit se développer. Pour se développer normalement et progressivement, il ne doit négliger ni son corps, ni son cœur, ni son esprit. Sa nature elle-même lui trace sa voie. S'il donne dans les excès de la sensation, il affaiblit et dénature son sentiment et sa connaissance. Et de même pour les excès du sentiment ou de la connaissance. Il doit se développer sous les trois aspects de sa nature et dans l'unité.  " (...) 

( La solidarité et Doctrine de l'Humanité ) : " Elle élèvera la femme à la dignité qui convient à la femme, à l'égalité devant l'homme. Nul être n'a été plus déformé, plus faussé que la femme dans cette douloureuse et humiliante servitude dont elle n'est pas encore affranchie. La Doctrine de l'Humanité retrouvera et lui rendra son vrai caractère; et la femme ne sera plus cet être compliqué, rempli de détours, qui s'est vu forcé d'échapper par la ruse et la dissimulation à la tyrannie stupide et ignominieuse d'un maître dépravé."

. La Terre – Luc Desages

" Vers la fin de juillet dernier, par un beau jour, nous étions tous deux accoudés sur le petit mur qui ferme à l'est notre établissement, entoure la cour de derrière, et termine le jardin. Je lui montrais devant nous un enclos tout brillant de végétation, et des prairies déployant à la suite de riches tapis de velours vert. Voilà, lui disais-je, voilà des terres bonnes et belles, et voilà un joli point de vue. L'horizon est borné, sans doute, mais les arbres sont si beaux, ils ont des proportions si élégantes et si pures; l'encadrement qu'ils forment à ce coin de terre est si vague dans ses contours, que je n'ai jamais vu d'espace à la fois plus fini et plus étendu, de limites plus proches et en même temps plus insaisissables. N'êtes-vous point de cet avis? Ne trouvez-vous pas qu'ici tout a un air de grandeur? Voyez cette belle ligne de verdure qui serpente et suit le cours du ruisseau coulant à ses pieds. Que de richesses sont là réunies! que d'essences diverses! Des aulnes, des bouleaux, des frênes, des ormes, de grands chênes dont les larges branches ressemblent à des mains étendues, des noyers au port majestueux! Çà et là sont creusés des antres de feuillage, retraites aimées par ces belles vaches que vous l'oyez là-bas. Elles y viennent se réfugier contre l'ardeur de midi, et ruminer en silence, presque immobiles, tournant de temps à autre leur tête avec une lenteur pleine lie force et de grâce, pour chasser quelques mouches importunes. Le soleil n'a point encore tons ses feux, et elles paissent tranquillement au milieu du pré, dans une béatitude que nous pouvons à peine concevoir. La vie d'êtres qui diffèrent de nous à tant d'égards nous est cachée dans sa profondeur, et nous ne saurions la pénétrer complètement. Toutefois n'oublions pas que c'est la vie , et soyons impressionnés à ce titre. Admirons et aimons la 'vie partout où elle circule abondamment. La vie est belle dans ces animaux; elle est belle dans ces plantes , dans ces arbres, dans le moindre brin d'herbe, dans la moindre parcelle de terre! Et la vie dans la terre n'est pas seulement belle, elle est bonne aussi; mais les hommes ne comprennent pas la terre, la bonté et la beauté de la terre. " (...) 

" Vous regardez maintenant ces pommes-:de-:terre, pour me les opposer; mais avant peu ces longues tiges vertes qu'elles poussent au-dehors auront quitté leur robe si fraîche, pour se mettre en deuil; vous les verrez, tristement penchées sur la terre, noires et flétries, et ce sera le signe bien connu que le fruit intérieur est blessé à mort. Et la terre , la terre est impuissante à guérir le mal, comme elle a été impuissante à le prévenir. Pauvre terre! Tous ses ·sucs sont épuisés; il ne lui en reste même plus assez pour ces lai tues , qui sont là, près de nous, et dont les feuilles molles et flasques semblent se laisser défaillir. Voici .le jardinier qui paraît, les mains chargées de deux arrosoirs; Il croit pouvoir raviver, par un peu d'eau, tous ses plants que le soleil calcine; mais j'ai bien peur que ses efforts ne soient perdus, et que son potager ne lui offre bientôt le triste spectacle d'un entier avortement, Voyons maintenant vos prairies. Vos prairies se composent de quatre ou cinq petits prés d'une belle apparence, je l'avoue. Combien pensez-vous qu'ils produisent de voitures de foin? Vous n'avez aucune donnée, à cet égard; et vous n'êtes pas habitué à des calculs approximatifs de ce genre. Moi-même, je n'y suis point trop habile. Toutefois, soyez sûr d'une chose : c'est que le propriétaire est trompé, et que chaque année il a moins qu'il n'avait espéré, moins qu'il n'a eu les années précédentes, moins que ses ancêtres n'ont eu. C'est ainsi que tous les produits s'amoindrissent, que tout décline et tend à diminuer. Quant à tous ces beaux arbres, si bien posés pour la satisfaction de l'œil, ils donneraient à peine une centaine de planches, en bon bois. "

" Vous trouvez cruel cet esprit qui dépoétise tout! Sachez qu'il m'a fallu de bien dures leçons , pour arriver à rapetisser ainsi les choses à la mesure d'une pratique sévère. Que voulez-vous! il ne m'est plus possible de m'aveugler ! Du reste vous en viendrez-là , vous aussi; car le pays que vous avez adopté offre le théâtre le plus propice aux expériences qu'on peut faire dans le domaine de la désillusion. Toutefois, il s'y produit un phénomène étrange! Il n'est point de terre convoitée avec plus d'ardeur que celle de vos contrées, il n'en est point aussi qui sache moins payer de retour. Posséder la terre , qu'autrefois avaient seuls le privilège de posséder le seigneur et le moine, tel est le désir qui s'agite dans le cœur de tous les prolétaires de votre pays, et creuse si profondément en eux, qu'ils auraient beau se débattre contre le démon de la possession, le démon serait toujours vainqueur. Sans doute , par une illusion qui a eu son côté vrai dans le passé, la possession de la terre leur paraît encore un signe d'affranchissement. ( les Maçons de la Creuse : ) Aussi , chaque année , vers le printemps , ils partent , ils émigrent , ils abandonnent leur toit de chaume, leurs femmes, leurs enfants, leur vieille mère. Il y a, tout près de leur maison, un champ qui est à vendre. Que de fois en ont-ils fait le tour! que de beau blé ils y ont répandu, quelle belle récolte ils y ont faite, en rêve ! Donc ils se mettent en route, voyageant vers les villes, allant bâtir les palais des riches, les grandes maisons parisiennes ! puis , à l'approche de l'hiver, ils s'en reviennent par bandes, couvrant les routes de leurs pas précipités, envoy;mt à tous les échos les airs du pays et les sons de la musette. Chacun d'eux est content, chacun d'eux est fier, chacun d'eux a, dans les mains, le champ qu'il était allé conquérir; il n'est plus serf, le voilà seigneur à son tour! Le malheureux, combien il s'abuse! N'est-il pas désormais esclave du dieu Pan, ce dieu qu'il adore aujourd'hui, sans Je connaître! Il se couvre de haillons, il  mange un pain plus noir que les sillons de son champ fraîchement labouré, un pain de son et de paille, et qui ferait saigner nos gosiers délicats. Bien longtemps avant l'aube il se lève, plus pâle que les plus pâles matinées, plus sec que l'instrument qu'il porte sur l'épaule. Il pioche, il remue, il fouille la terre; mais c'est en vain, le trésor qu'il cherche n'y est pas! Et puis il avait compté sans la maladie, sans la fièvre aux yeux creux qui le guettait à son chevet. Maintenant sur sa couche, il se tord dans d'atroces douleurs, en songeant que sa récolte, déjà si pauvre, attend d'être coupée, et se dessèche sous un soleil brûlant! Et l'orage donc, quel souci ne lui cause-t-Il pas !, Avec quelle anxiété, il suit des yeux ce nuage jaune qui passe! Quelles superstitions sont alors en lui! Quelles prières il adresse à la Vierge et aux saints! Il se précipite vers l'église de son village, pour ébranler la cloche qui disperse les nuées! Insensé, pendant ce temps la nuée crève, et la grêle écrase ses moissons !"

" Expliquez-moi donc cela, vous? Dites-moi pourquoi la terre rend toujours le mal pour le bien? Ne parlons plus de ces petits propriétaires, qui s'endettent souvent pour acquérir, et sont toujours accablés par le nombre de leurs charges; mais parlons du paysan-métayer, En est-il un qui s'applique à la culture de la terre avec plus de dévouement? En est-il un qui ait plus de regards d'amour pour les brins de blé, quand ils sont verts encore et tout jeunes ? En est-il un qui ait plus de fatigues, plus de tourments, plus de nuits passées auprès des bestiaux, plus de sollicitude, aveugle souvent, mais jamais en défaut? On s'étonne qu'il soit routinier, et ·qu'il voie avec douleur changer l'antique mode de culture, fertiliser un sol où l'épine seule avait le droit d'étendre ses rameaux et d'enfoncer ses racines dessechantes, faire venir du blé là où Jadis l'on ne cueillait que du foin; mais l'on ignore donc que sa terre, c'est sa vie, et que c'est comme si on promenait le fer dans ses entrailles quand on bouleverse ainsi les champs qu'il a connus tout petit et qu'il s'est appris à aimer sous, la. forme qu'on veut leur enlever.' Je vous le demande, si la terre etait vraiment bonne, et savait aimer ceux qui l'aiment, le métayer, même après avoir payé la part de son seigneur, cette part fut-elle, ce qui a toujours lieu , bien plus grosse que la sienne, ne devrait-il pas nager dans l'abondance et avoir par-delà tous ses besoins? Ne devrait-il pas, écoulant ses produits, en avoir toujours de reste pour lui et sa famille? Mais, hélas' il vend tout, et il ne vend jamais assez ni assez cher pour se garantir de la pauvreté. Jamais ses produits ne sont à la hauteur des peines qu'il s'est données. Il vend, sans les goûter, ses plus belles céréales son froment, dont le pain lui paraît si bon, que ce n'est même pas du pain, pour lui; Il appelle cela de la miche, et la miche c'est du gâteau. Voulez-vous vous rendre compte en chiffres de la disproportion effrayante qu'il y a entre la quantité des productions de la terre et le travail de l'homme? Sachez donc qu'un boisseau de blé ne rapporte pas en moyenne plus de dix boisseaux. Or quel cercle de travaux n'a-t-il pas fallu parcourir, pour arriver à ces dix boisseaux. Labourer d'abord et plusieurs fois, herser, mener les fumiers, les épandre , semer, cela va sans dire, passer au rouleau, moissonner. battre en grange, et vanner enfin.  (...) 

" Croyez-vous que ce soit là tout? Il semble que ce soit bien assez vraiment. Croyez-vous que le cultivateur  n'ait a redouter que les mauvaises saisons, les pluies, les orages, les grêles , les sécheresses! Et les animaux donc! Entendez-vous d'ici ce tic-tac continuel qui part du jardin à côté ? C'est un moulin-à-vent, en miniature t , qu'on a perché sur un arbre, afin de faire peur aux oiseaux . Allez. voir ces choux qui sont à notre droite, je parie qu'on les a couverts de cendre: c'est pour les sauver des colimaçons. Quant à ces arbres fruitiers , je suis certain qu'ils sont enduits de quelque essence qui fait mourir les chenilles. Et maintenant je soutiens. que, s1 nous visitions minutieusement ce buisson fourré qui est à notre gauche, nous y trouverions trois ou quatre pièges à lapins. Enfin, ou je me trompe fort, ou la cabane que nous apercevons au bout de la grande allée , renferme un fusil ; et malheur à vos poules , si elles se hasardent à franchir le mur et à aller becqueter les cassis. et les groseilles. Dans certain département on a payé les hannetons un sou le boisseau, et la destruction en a été organisée sur une grande échelle. La terre produit si peu que l'homme est oblige de se mettre en guerre avec toute la nature , pour conserver un peu dans son entier. De quel douloureux enseignement n'est point ce. seul fait ? Envers tous les êtres de la création qu'il n'ait pas pu ré­duire à la domesticité, l'homme tient souvent une conduite stupide. La crainte de manquer de subsistances l'a fait se priver d' une source de subsistances, peut-être abondante, s'il eût su se la ménager. Mais le moindre moineau ·emportant au bout de son bec un ,grain de blé pour nourrir sa petite famille, parait un voleur effronté  à l'homme des champs, qui le livrerait, volontiers à la justice, si faire il se pouvait, ou s'il n'aimait mieux le tuer lui-même d'un· coup de-fusil. La chasse-, jeu cruel et sanguinaire, on, peut  dire, par la façon _grossière dont elle a lieu souvent, la chasse est devenue presque impossible par la rareté des êtres qui en sont les victimes. L'homme a manifesté son droit sur toutes les existences animales dont Dieu sème le champ de la vie par un luxe de mort qui vraiment ferait rire de pitié, s'il ne soulevait le cœur d'indignation! Combien ces lieux sont déserts ! Tous ces arbres ne devraient-ils pas chanter, couverts d'une foule d'oiseaux? " ( ... ) 

" 0 mon ami, vous accusiez la terre! La terre n'est point coupable, le mal est dans nos âmes! Le corps et l'esprit se ·sont désunis autant qu'ils le pouvaient; et la guerre est venue, et le corps a été vainqueur, et l'homme sensation a été plus fort que l'homme sentiment, ou que l'homme connaissance, qui n'avaient ni le vrai sentiment, ni la vraie connaissance. Les castes sont sorties de cette fausse séparation de l'être humain en corps et esprit. Or, aujourd'hui, tous les genres de castes nous asservissent encore; mais celle qui triomphe est la caste de propriété, qui naît de la sensation eu prédominance. "( ...) " Sans doute la terre, à cause de la manière dont les hommes s'en sont emparés, est souvent le fidèle miroir de leurs vices. Elle se présente aux yeux horriblement coupée et morcelée, comme l'Humanité elle-même; et de même que tout homme est !'ennemi d'un autre homme, de même chaque terrain est l'ennemi du terrain qui -est à côté de lui. Les lois ont créé, à cet égard, d'étonnantes combinaisons, auxquelles elles ont donné le nom significatif de servitudes. .Un champ peut donc être asservi à un autre champ. C'est ainsi -qu'il est obligé de recevoir les eaux que celui-ci lui envoyé, quelque nuisibles qu'elles puissent être. La terre alors en devient stérile; mais le mal remonte naturellement à sa source. Qu'importe à la terre, qui ne le sent pas, d'être couverte d'une lèpre produite par les eaux, et de. n'amener que des fruits ergotés et malsains? C'est toujours l'homme qui en souffre !  Et de quel droit s'en plaindrait-il, et le trouverait-il injuste? La cause du mal est en lui." (...) 

" Le problème matériel vous presse à votre tour, et vous êtes forcés d'appeler de vos vœux un nouveau progrès, une science nouvelle en agriculture. Mais cette science nouvelle, elle existe, elle s'est manifestée, et elle a déjà porté ses fruits. Or , si vous la connaissez, vous devez la qualifier d'infame, puisqu'elle a pour effet misérable de dépeupler les campagnes, d'en chasser les habitants. Permettez-moi donc de vous dire qu'à mon sens vous êtes dans une impasse. Vous pensez que la solution du problème matériel suivrait de près l'union fraternelle de tous les hommes, et vous ne vous apercevez pas que précisément cette union n'est possible qu'à la condition que le problème soit d'abord résolu, et la solution présentée aux hommes. Le défaut bien patent de cette solution dans l'Evangile n'a-t-il pas été cause de la distinction du royaume de César et du royaume de Dieu? Donc dites-moi d'abord quelle est cette autre agriculture que vous prévoyez, et je croirai alors à l'avènement d'une rénovation sociale. Mais, d'ailleurs, je le répète, cette nouvelle agriculture existe, et déjà depuis longtemps est pratiquée en Angleterre par le Capital. Car le Capital seul pouvait faire faire un pas à l'agriculture; lui seul a pu réunir assez de terrain pour pouvoir enfin opérer en grand, et faire rendre à cette terre, sans âme, tout ce qu'elle peut rendre. Mais à quels résultats est-on arrivé ? Puisqu'il faut de grandes étendues de terre pour cultiver dans les meilleures conditions possibles qu'en outre treize fois le capital d'acquisition, le calcul a été fait, est nécessaire pour améliorer le terrain , le fertiliser , et le rendre vraiment productif, on a bien été forcé de convenir qu'on ne produirait que pour les riches, et à très peu de frais de main d'œuvre, en substituant des machines aux hommes. De là ce système d'après lequel, faisant passer en première ligne les bestiaux, on cultive surtout un grand nombre de prairies; car il s'agit moins de faire venir du blé et d'avoir du pain, que des viandes de luxe. Ces bestiaux sont destinés à la fois à produire de la graisse et du fumier. Mais voyez quelle excellente preuve de la bonté de la Terre! La science a établi quelle perte enorme c était que le fumier déposé en mille endroits différents par les animaux libres, et l'on est dès lors arrivé à conclure qu'il fallait tenir les animaux dans une stabulation perpétuelle. Vous parliez d'animaux qu'on rend malades en les engraissant outre mesure, et vous oubliiez de dire ceux qu'on tue par la privation continuelle du grand air et du mouvement, tant il est important de ne pas perdre la moindre bribe de fumier. Le mode nouveau, en agriculture, a donc ce double effet de chasser les hommes de la terre, leurs bras étant devenus inutiles; par conséquent de les contraindre d'aller mourir de faim, dans les villes d'industrie; et de sacrifier un grand nombre d'animaux, par intérêt pour la conservation intacte de leurs fumiers. C'est à des impiétés de ce genre, à des attentats, à des crimes contre la vie que condamnent la dureté et l'infécondité du sol. Sont-ce là les progrès que vous attendez de l'agriculture? Et ne voyez-vous pas que, bien loin de tendre à la réunion des hommes, ils tendent de plus en plus à la dissolution et à la mort! Attendez, et vous verrez bientôt cette agriculture passer d'Angleterre en France, et envelopper toute la partie méridionale de l'Europe. Déjà des évènements, qui étonneront et répandront l'épouvante, préparent sa venue. La question du libre échange s'agite, avant peu nous aurons le libre échange. Or les effets prochains et presque immédiats du libre échange se caractérisent par ces trois termes, dont le premier précédera de quelque peu les deux autres : activité dévorante, suscitée par un mouvement soudain imprimé à tout le commerce du monde; recrudescence de tous les maux, et nouvelle invasion.

 La guerre, vous le savez, la guerre n'a plus lieu avec le fer, la guerre se fait avec l'argent, avec le Capital. Eh bien ! nous aurons, à la fois, avec le libre échange et par le libre échange, une invasion des capitaux et une invasion des produits étrangers. Les peuples du nord, à la tête desquels marche l'Angleterre , se feront exclusivement manufacturiers. La France, l'Italie, l'Espagne rentreront dans leurs voies naturelles, et se tourneront vers l'agriculture; mais quelle agriculture, grand Dieu! Comme jadis les barbares, les grands capitalistes du nord, s'alliant avec ceux du midi, s'empareront de toute la terre, et la cultiveront en industriels, c'est-à-dire avec l'esprit anglais. Ils auront donc, comme je vous le disais, des bestiaux et des prairies , des bestiaux pour engraisser les prairies, des prairies pour engraisser les bestiaux; Mais, d'hommes, de travailleurs? point. Vous me demanderez alors: pour qui produiront-ils donc ? Non certes pour les pauvres et les prolétaires, qui seront incapables d'acheter. Ils produiront pour tous les riches de la terre; car n'oubliez pas que , dans ce système , les Anglais devenant les commissionnaires du monde, leurs vaisseaux voyageront d'un bout de l'univers à l'autre. Quant aux pauvres et aux prolétaires, vous savez ce qu'ils deviennent en Irlande; ils iront premièrement s'engloutir dans les ateliers du nord. Mais ils sont si nombreux, ils mourront! ils mourront de maladie, de froid, de faim , . par millions, à moins que ...

Je vous entends!... Ah! vous ne voyez pas d'autre salut pour les prolétaires? Eh bien ! je vous dis moi qu'ils peuvent se sauver par une autre issue; les pauvres, les prolétaires peuvent se sauver ! Vous avez décrit toutes les conséquences funestes du libre échange; laissez-moi ''ous montrer quels pourront être ses effets bienfaisants. Oui, le libre échange sera; cela est fatal, nécessaire, providentiel même, dans un sens très élevé. Les puissances gouvernementales de l'Europe, que meuvent des intérêts de pure conservation, sont en même temps sollicitées par une force irrésistible, qui les entraîne au-delà de tout ce qu'.elles peuvent attendre. La petitesse de leurs vues va servir aux grandes vues de la Providence, tant .est puissante la main qui les pousse et pousse le monde. Vraiment, discuter le libre échange et son admission, c'est discuter la question de savoir si l'empire romain devait être, si l'on ..devait, ou non, arrêter l'invasion des barbares. Enchaînez donc les grands vents, quand ils s'élèvent et couvrent la terre de leurs rafales. Le libre échange viendra, et avec lui s'opérera la fusion de tous les peuples. Toutes les barrières seront brisées, les nationalités dissoutes; les peuples se pénètreront mutuellement. Il n'y aura même plus de peuples, il n'y aura que des individus conduits par l'appât du gain, ou par les nécessités de la vie. Dans cet entraînement, les gouvernants pourront-ils s'arrêter? L'individualisme, manifesté en eux, les poussera toujours. Il faudra bien qu'ils accordent à l'état du monde . A ce spectacle d'une unité matérielle semblable à celle de l'empire des Césars • sans foi, sans idéal er sans moralité ,sans religion, répondra le spectacle de la plus grande liberté individuelle possible, puisque ce sera au nom de cette liberté sous le nom d'affranchissement du commerce, que l'unité grossière dont je parle aura pu se former. La liberté des cultes, la liberté de la presse, la liberté d'association, la liberté de l'enseignement seront donc filles du libre échange, Ceux qui proclameront ces libertés en frémiront peut-être,mais la voix qui parlera en eux sera plus fortes qu' eux-memes. N est-ce pas ainsi qu on vit autrefois les plus vils des empereurs accorder la liberté aux esclaves? Or, des sectes surgiront, s'élevant au-dessus du monde abîmé dans le mal; elles viendront le préparer peu à peu à recevoir une lumière nouvelle. Cette lumière apparaîtra enfin, et le monde l'aura connue. Elle apparaîtra au sein de la secte qui, en elle-même opposée aux sectes, aura le vrai sentiment de l'Humanité, et offrira un type où la religion et la liberté des cultes, la société et l'individu pourront s'accorder, et vivre dans la vraie unité: une unité spirituelle appuyée sur une organisation. matérielle solide.  "

Littéralement VISIONNAIRE :  " Vous blâmiez l'attache de nos paysans à la terre, et vous n'aviez point raison. L'attache de l'homme à la terre est basée sur le sentiment profond, inconscient sans doute , mais indestructible, du lien qui l'unit à elle. Ne tombons pas dans la même erreur que les Chrétiens. L'attrait pour la terre est légitime; seulement il ne faudrait pas que cet attrait se fit sentir à chacun dans la division , dans la caste , dans la propriété caste; mais dans l'association, dans la charité, dans l'amour, dans la Solidarité. « Donc, dirai-je aux prolétaires, quittez vos villes, associez-vous saintement, pacifiquement, sous l'égide des lois; réunissez ensemble tous vos gros sous; et vous aussi, ayant le capital, achetez la terre, achetez les brandes incultes; achetez les communaux, puisqu'on les vend; et vivez, en les défrichant, sur ces brandes et ces communaux. Il v a en France douze millions d'hectares. de terres arides et incultes que les riches possèdent. Comment pourraient -ils songer à vous en refuser la transmission légale? D'eux-mêmes ils courront au-devant de cette idée, de vous en faire l'abandon; car ils verront là, et avec raison, un moyen de vaincre les difficultés qui s'élèvent à l'occasion des salaires et des subsistances. Vous serez mille pour un, mille pauvres pour un riche à posséder la même quantité de terre; et, tels que vous serez, vous vaudrez cent mille riches désunis; vous vaudrez tous les riches du monde, si vous êtes unis dans une religion commune, organisés suivant le fond de la nature humaine, et si, enfin, vous comprenez bien le lien qui vous unit a la terre.  Quel est, allez-vous me dire, quel est ce lien. dont vous avez déjà parlé, et que cachez-vous là-dessous? Mon ami, je ne cache rien. Ce lien, vous le connaissez , vous savez ce que nous entendons par Circulus; c'est le circulus, auquel je fais allusion, c'est lui qu'il faut connaître et respecter (1).(1) Nous ne prétendons pas que ce que nous entendons par circulus soit tout le lien qui existe entre les hommes et la terre : c'est un des aspects de ce lien. et l'aspect plus particulièrement matériel ; mais tous les aspects sont indivisibles, et négliger celui-ci expose à ne pas bien comprendre les aspects plus particulièrement moraux et intellectuels.

Eh quoi ! vous ne niez point que la nature soit la source où nous puisons notre corps , et vous ne voulez pas reconnaître la grandeur et la poésie de ce fait de création, qui veut qu'à son tour la nature reçoive de nous une partie de ce qui renouvèle ses sucs et la fortifie! Pour moi, je ne m'approche point de ce mystère sans être pénétré de respect et d'admiration. L'homme s'empare des plantes et des animaux, de tous les produits de la vie que la terre lui donne; il les mange, et sa vie en est augmentée; la vie a sustenté la vie. Mais, en même temps que l'homme est consommateur, il est producteur; il est producteur à un double titre. Il produit l'homme en lui, et, par cela même, la nourriture spirituelle des autres hommes, ses semblables, puisque l'homme est l'objet de l'homme, et qu'il se nourrit spirituellement de l'homme; mais, du même coup, il produit aussi pour la terre. Ce qu'il ne peut s'assimiler, passe, à l'égard de son être, à l'état de détritus ou d'excréments; or ces détritus, ces excréments sont un produit animal, un composé de forces et de sucs, qui, retournant à la terre et se combinant avec elle, la rendent de nouveau fertile et productive. Tel est d'ailleurs le double lien qui unit tous les animaux à la terre, la terre à tous les animaux. Il s'agit donc , au fond, vous le voyez, d'un rapport général de tous les êtres avec la nature , avec la terre , ce rapport devant finalement servir à la vie de l'homme. Il s'agit , enfin , du rapport particulier entre l'homme à la terre , l'homme , le plus élevé de tous les animaux , étant aussi celui dont les détritus sont les plus actifs." (...) 

Vous, prolétaires, voulez-vous faire votre salut? Votre salut est dans la Religion; votre salut est aussi dans la terre. Achetez, je vous le répète , achetez la terre , avec vos gros sous ; puis oubliez vos gros sous. Cherchez, éludiez, travaillez, et la lumière se fera, et vous comprendrez votre rapport avec la terre : alors vous serez et nourris et vêtus! Vous recevrez, sans désespoir, la marée montante d'un autre déluge. Au Join déjà celle marée mugit sourdement, mais qu'importe, si la foi est en vous! La foi transporte les montagnes, la foi sait aussi surmonter les flots. "

Je m'arrêtai, mon ami ne me répondit pas, et le silence se fit. Les heures avaient passé; nous n'avions pas eu la perception du temps. La nuit était venue nous envelopper, mais la lune se levait. Elle s'annonça d'abord par des lueurs d'incendie , et se fit voir inégale dans sa forme, à travers un réseau de feuillage qui bordait l'horizon. Elle était là retenue, et comme enchaînée; on eût dit qu'elle faisait d'étranges efforts pour dégager son disque, tant ses mouvements étaient pleins de lenteur et d'indécision. Enfin il semblait qu'elle allait rentrer dans la nuit, quand, s'élançant tout-à-coup avec une vigueur surprenante, elle franchit rapidement les plus hautes cimes. Mais un autre obstacle l'attendait : des nuages épais se roulèrent devant elle. La lumière ne coulait plus qu'à travers quelques fissures, par intervalles. Tout devint sombre et triste autour de nous. J'attendis avec anxiété si le ciel, encore pur au zénith, où les étoiles brillaient comme de beaux diamants enchassés dans l'azur, s'obscurcirait partout, ou si la lumière finirait par triompher. Bientôt les nuages, se repliant sur eux-mêmes, s'affaissèrent peu à peu, et la lune apparut sur une montagne d'ébène argentée au sommet. Nous eûmes le loisir de la voir monter dans le ciel, large et brillante, tandis que le trône de nuages qu'elle venait d'occuper, s'abaissait lentement sous l'horizon. Que la nature était calme à cette heure! A peine un souffle d'air faisait frémir les feuilles des arbres, qui se dessinaient en n.oires broderies sur un fond lumineux. Il y eut, dans l'angle des prairies, des mystères profonds, sous des dômes où se posaient de pâles clartés; mais sur les plans plus rapprochés, la lumière s'étendit molle et douce. Heureux, s'écria tout-à-coup mon ami, heureux les grillons! heureuses les petites sauterelles qui boivent la rosée! heureux les oiseaux qui se cherchent et s'appellent doucement! heureux ceux qui s'aiment, ·et peuvent se dire leur amour sous le regard velouté de la lune! Je pars, ajouta-t-il en me prenant la main: vous savez quel attrait m'appelle encore dans le monde, où vous n'êtes plus; mais je pense vous avoir compris, et un jour, si moi aussi je puis me faire comprendre , je reviendrai vers vous , je vous le promets; et nous serons deux à vous aider , à partager vos travaux et vos espérances. " Luc Desages.

. Malthus et la Solidarité : U Charpentier

«Pauvres créatures, en quelque lieu que .vous soyez, vous tous »qui, nus et sans défense , êtes maintenant exposés aux fureurs de cet orage, comment vos têtes sans abri, votre estomac sans nourriture, vos membres énervés sous les haillons qui les couvrent, se défendront-ils contre un temps pareil? Oh! ce sont là des choses dont, jusqu'à présent, j'ai pris trop peu de souci!» Ces paroles que Shakespeare prête à l'infortuné roi Lear, lorsque, chassé par ses filles, il erre sur une lande déserte, au milieu de la nuit, sous la pluie et le vent déchaîné, ces paroles respirent un sentiment profond de la Solidarité humaine. Shakespeare, qui sentait, comme tous les grands poètes, l'Humanité .vivre en lui, n'a jamais manqué de montrer le lien qui unit l'homme à son semblable, ·et de le faire toucher, pour ainsi dire, du doigt à l'orgueil et à la grandeur. Les rois et les puissants, les riches et les vaniteux, il les courbe sous la main de la souffrance, il les abreuve de toutes les amertumes de la misère et de l'isolement, il les abaisse au niveau des pauvres, des faibles, des mendiants, qu'il rapproche d'eux par la communauté des douleurs; et il enseigne à tous l'égalité et la similitude de leur nature. C'est ainsi que le grand poète est en même temps grand philosophe. Le sentiment de la Solidarité humaine, qui si souvent inspira Shakespeare, a de même inspiré tous les grands penseurs éclairés de l'idéal. .Mais, à côté de ceux-là, il s'est ·trouvé des génies terre à-terre, qui, plus spécialement épris du fait, et ne s'élevant jamais à une conception idéale de la vie, ont vu dans l'homme, non plus un être solidaire de l'Humanité et uni à l'Humanité, mais un être purement libre, vivant d'une existence propre, particulière, et tout-à·· fait indépendante de celle des autres hommes. C'est à ces maigres esprits que nous sommes redevables de cette . économie politique sous le régime de laquelle nous vivons aujourd'hui. Epris du fait, disons-nous, et ne reconnaissant pas d'autre loi morale, ils ont tourné toutes leurs spéculations vers le côté matériel de la vie; mais de leurs spéculations, il n'est sorti qu'une théorie erronée et fertile en conséquences funestes, égarés qu'ils étaient par leur faux principe de l'homme purement libre et tout-à-fait indépendant. Après avoir appelé tous les individus, mais isolément, à la conquête des biens matériels , voyant que ces biens étaient limités , tandis que les désirs de l'homme sont infinis, ils ont conclu à la nécessité des riches et des pauvres, et à la perpétuité du prolétariat."

Puis à propos de Malthus : " Or, ces principes, nous les connaissons; nous connaissons aussi . .cette conclusion. Tandis que la Solidarité dit:" Chaque homme est uni à l'Humanité, chaque homme est l'Humanité en germe; dans tous les hommes sont égaux et frères, et souffrent ou jouissent les uns dans les autres; ,, Malthus dit à son tour : " Il n'y a pas d'Humanité; il n'y a que des individus, qui ne se doivent réciproquement rien, et qu'aucun lien n'unit entre eux; donc tout homme qui naît dans un monde occupé n'a pas le droit de vivre; la nature le condamne à mourir. " ( ...) Ainsi le principe de l'individualisme absolu conduit tout droit à l'homicide. Malthus, esprit lucide et puissant, a tout de suite aperçu cette conséquence extrême ; mais en même temps, esprit logique, il n'a point reculé devant les nécessités farouches de sa théorie. " L' Homme qui naît dans un monde occupé, dit-il, n'a pas le droit de vivre; car il n'est uni par aucun lien aux autres hommes , car il ne porte point l'Humanité en lui. IL EST RÉELLEMENT DE TROP SUR LA TERRE, ET LA NATURE LUI COMMANDE DE S'EN ALLER.» ,Voilà, dans sa hideur, mais dans sa vérité, la théorie de l'individualisme absolu. C'est là toute la politique et toute la morale de nos gouvernants actuels. Ils l'ont si bien prouvée, cette théorie, si bien célébrée depuis tantôt vingt ans ( 170 années note de la Rédaction Seyam blog...) , qu'elle semble avoir acquis toute la certitude d'une science véritable, et qu'elle infiltre chaque jour son virus dans les entrailles de la société. Nos hommes politiques se sont chargés de la résumer dans des aphorismes courts, mais profondément corrupteurs, afin sans doute que le poison se répandît plus vite. <•Chacun chez soi, chacun pour soi •> a dit M. Du pin ; "L'homme »est chargé de sa destinée, et ce n'est point à d'autres à la faire,•> a dit M. Duchâtel (1). Et la société tout entière, faisant écho à ses patrons, a répété après eux : " Chacun chez soi, chacun pour soi; - l'homme est chargé de sa destinée, et ce n'est point à d'autres à la faire. » - Mais alors que deviendront donc les prolétaires et les mendiants, les petits enfants trop faibles et les vieillards trop infirmes pour se charger de leur destinée ?-La nature, bonne mère qu'elle est, n'est-elle pas là pour régler leur compte et leur dire de s'en aller, s'ils sont de trop : Mais la nature se révolte, au contraire, et le sentiment humain recule devant les conséquences d'un tel principe. -Oui, sans doute; mais la logique étouffera le sentiment; et le sentiment, révolté d'abord, sera bientôt obligé de se retirer devant la raison parlant au nom de la science. Oui, fatalement la société sera forcée de marcher de plus en plus dans la voie de Malthus; car que peut-elle faire, que peut-elle essayer pour résoudre ce triste problème de la population et du prolétariat toujours pendant devant elle comme une menace et comme un défi ? Elle ne peut rien faire, rien essayer sans manquer à son principe, sans faillir à sa loi. Elle hésitera sans doute, elle hésite déjà; mais la logique la pousse malgré elle en avant. C'est en vain que le sentiment lui dit : Arrête-toi! la raison lui crie : Marche! Elle hésite donc entre ces deux appels; elle cherche à concilier le sentiment et la logique. Mais il n'y a point de transaction possible avec le principe de l'individualisme et du sauve qui peut. Aussi toutes les tentatives qu'elle peut ou pourra faire dans ce but sont d'avance et fatalement condamnées à mourir impuissantes.

TRAVAIL DES ENFANTS : Ainsi voilà de pauvres petites créatures de sept à huit ans qui font sept lieues par jour; voila des enfants que la Loi, comme dit M. l" inspecteur, a voulu protéger: contre la cupidité ou l'imprévoyance ; leurs parents, et qui travaillent 12 et 14 heures de suite! Qu'est-ce donc qu'une loi semblable, et à quoi a-t-elle servi ? Ah! c'était une loi illogique, et qui a voulu s'occuper malardroitement de ce qui ne la regardait pas. Tout homme n'est-il pas chargé de sa destinée comme dit M . Duchâtel ? comment donc une loi pourrait-elle prétendre à régler les rapports de maîtres à ouvriers ? On répond en vain que les enfants étant mineurs, l'Etat leur doit aide et protection. Cela est faux, répond la science malthusienne; car si l'Etat doit aide et protection aux enfants à cause de leur faiblesse, pourquoi refuserait-il la même protection et le même aide aux autres ouvriers, qui ne sont évidemment pas les égaux des Maitres en richesses et en intelligence? De plus, ajoute le disciple de Malthus, cela est immoral; car vous détruisez ainsi ma liberté, vous touchez à ma conscience : or je veux être libre de faire le bien', si je veux, ou de ne le pas faire, si je ne veux pas (1). Donc une loi comme celle qui a la prétention de protéger les enfants contre la cupidité ou l'imprévoyance de leurs parents, était frappée d'avance d'impuissance et de stérilité. Dictée par le sentiment en opposition avec la science, la logique devait la tuer, et la logique l'a tuée.

Eh bien, il en sera de même de toutes les tentatives où la société se hasardera en dehors de la ligne tracée par son principe d'individualisme. Une bonne intention ne saurait suffire pour donner la vie à des institutions anormales: pareilles à des fruits aux belles apparences, mais qui sont piqués au cœur, elles doivent périr, car elles portent en elles le germe de la corruption. Telles sont, par exemple, les crèches et les salles d'asile pour les petits enfants. C'est le sentiment qui en a inspiré la création. Mais de quelle utilité peuvent être les salles d'asile dans les villes qui possèdent en même temps des fabriques et des filatures ? Dans ce cas, la salle d'asile véritable, c'est la fabrique; et puisque l'homme est chargé de sa destinée, et que ce n'est point à d'autres à la faire, c'est à la fabrique que les pères enverront leurs enfants, c'esl à la fabrique qu'ils les envoyent en effet. La fabrique est le centre de leur vie : c'est là qu'ils trouvent à manger le pain quotidien, ce pain que la société leur refuse, ou qu'elle n'a pas le droit de leur donner, suivant M. Duchâtel, ce pain qu'il leur faut gagner à la sueur du front et en faisant sept lieues par jour. C'est là qu'ils grandiront, à côté des machines à l'image desquelles ils doivent se façonner, eux créés à l'image de Dieu; c'est de là enfin qu'ils sortiront infirmes ou vieillis avant l'âge, pour mendier au coin d'une rue, ou languir dans quelque dépôt de mendicité.

Les dépôts de mendicité! voilà bien encore une institution qm semble inspirée par le sentiment, et qui cependant, à .vrai dire, n'est qu'une concession de Malthus. Que faire des vieillards .que l'âge a courbés, et dont le travail a brisé les muscles et affaibli les organes? Que faire des prolétaires infirmes, pauvres victimes de l'industrie, que l'industrie rejette de ses rangs comme des soldats inutiles? La logique ne serait point embarrassée : "La nature'. dirait-elle, leur commande de s'en aller. Mais le sentiment, qui ne marche pas encore de front avec la logique, s'effraye à bon droit, et recule devant une conclusion pareille. Malthus concède donc. les dépôts de mendicité; et l'on y pousse, bon gré mal gré, et ces veillards et ces prolétaires infirmes que le sentiment ne peut pas laisser exécuter par la nature. « Ce n'est point là sans doute une solution tout-à-fait conforme aux principes, se dit la science; car I'homme est chargé de sa destinée, et ce n'est point à d'autres à la faire : Mais devant la nécessité des situations et des temps, les principes son obligés de fléchir quelquefois. Au reste, on trouvera bien le moyen de faire travailler ces vieillards et ces prolétaires infirmes, de façon que la société en soit quitte aux moindres frais possibles. » La science pourrait encore ajouter que les riches, à tout prendre, permet bien payer de quelques oboles la disparition du spectacle de la misère, qui jette toujours un peu d'ombre sur leurs joies, si un qu'ils puissent être des doctrines de Malthus. , ·on Non, ce n'est point le sentiment seul qui a présidé à la creation des dépôts de mendicité, ni la pitié qu'inspirent la souffrance et les fortune; car au lieu d'en faire une retraite pour les victm1es et  invalides du travail, on en a fait une succursale de la maison d'arrets non, car au lieu d'être un malheur, la mendicité est un DELIT de yeux de la loi; et c'est par la prison que le pauvre passe d'habitude avant que d'arriver dans l'asile de la charité. Aussi, je n'ai jamais pu voir, sans un affreux serrement de cœur, se dresser, comme épouvantail, un de ces poteaux sinistres où la société officielle écrit en lettres majuscules : DANS LE DÉPARTEMENT ou LA COMMUNE DE .... LA MENDICITÉ EST INTERDITE. " ( ...)

" Là aussi , au pied de ce fatal poteau, les pauvres qui viennent vers leurs frères, pour demander l'hospitalité et la vie, doivent laisser toute espérance. Oui, Malthus, il faut bien en convenir, a passé par là! C'est encore lui, Malthus, ou du moins c'est sa pensée qui a fait disparaître les tours pour les enfants-trouvés. S'il était une institution qui portât fortement empreinte la marque de la charité évangélique, à coup sûr c'était celle qui, se substituant aux parents dénaturés ou malheureux, ouvrait un asile à ces pauvres petits êtres, fruits de la débauche et de la faim, que la débauche et la faim abandonnent aux hasards de la pitié étrangère ou aux soins de la Providence, et qui s'empressait également ainsi de prévenir les crimes du désespoir et de la honte. Eh bien ! l'impitoyable et sourde logique malthusienne est venue fermer cet asile, dernière et touchante inspiration du Christianisme. Dans son horreur sauvage de ce qu'elle nomme l'excès de la population, elle a déclaré immorale l'œuvre d'un homme auquel l'Eglise a décerné la couronne des .bienheureux; et, quand cette farouche et vertueuse logique permet aux vices dorés de fleurir et de s'épanouir en plein soleil, et à la richesse d'étaler tous les fruits vénéneux de l'inégalité, elle a osé appeler cette œuvre d'un saint une prime et un encouragement à l'immoralité et à l'imprévoyance. Amère dérision! Vincent de Paule jugé par Malthus et M. Duchâtel ! L'élan généreux d'une sublime charité étouffé sous les froids calculs d'une fausse science ! "

" Or cette morale et cette science, nous avons vu en quoi elles consistent; nous avons vu quels préceptes elles enseignent, et à quelles conclusions elles aboutissent : elles aboutissent à l'homicide, après avoir enseigné l'égoïsme le plus absolu, la dureté de cœur, les froids calculs de l'intérêt personnel, l'insolidarité radicale des hommes, et l'indifférence réciproque et nécessaire pour leurs misères et leurs souffrances. Eh bien! ce sont cette morale et cette science de l'individualisme que la société , fondée sur l'individualisme , est obligée d'appliquer et qu'elle applique. C'est avec cette science qu'il lui faut résoudre les problèmes sociaux qui 8e dressent. sur sa route; c'est avec cette morale qu'elle doit former les âmes des générations qui naissent et qui la continueront. Mais cette morale est un dissolvant de toute société humaine, puisqu'elle nie la réalité du lien qui. unit les hommes, qu'elle enseigne à chaque individu à rapporter toutes ses manifestations à lui seul, à se considérer comme centre et comme but unique de sa vie. Mais cette science ne résout pas les problèmes sociaux, puisqu'à l'accroissement continuel de la population dont le monde officiel s'effraye, elle n'a d'autres remèdes à opposer que les sages conseils de la prévoyance d'abord, qu'elle donne gratuitement aux pannes, puis l'abandon de ces pauvres à l'inexorable justice de la nature, et enfin, à la limite, l'homicide (1) (1).On sait, en effet, que des sectaires de Malthus ont proposé sérieusement d'asphyxier tous les nouveaux-nés qui dans chaque famille, dépasseraient le nombre de quatre. "

Donc c'est un abîme que la société a devant elle. Donc elle ne peut avancer sans s'y précipiter et périr. EI1e ne peut reculer non plus ,gans cesser d'être; car il lui faudrait pour cela condamner la morale et la science de l'individualisme, comme une erreur coupable et funeste; il lui faudrait saper elle-même les fondements qui la soutiennent, et ,s'effacer, comme impuissante et indigne, devant une société nouvelle inaugurant une morale et une science nouvelles. Voilà l'alternative qui s'offre à la société présente. Elle le voit bien, ~t c'est pourquoi elle se jette à droite et à gauche, essayant d'échapper à cette double'· nécessité. Mais _c'est en vain: il lui faut Choisir. "

En présence de la plaie toujours grandissante du prolétariat , en présence de la misère qui monte et s'étend chaque jour et plus haut et plus loin, continuera-t-elle de dire avec M . . Duchâtel : "L'homme est chargé de sa destinée, et ce n'est point à d'autres à »la faire;" ou bien s'écriera-t-elle enfin comme le roi Lear : " Oh! ce sont là des choses dont, jusqu'à présent, j'ai pris trop peu de souci ? »

. Souvenirs d'Algérie (5) : PH F

Ou à propos d'une grotte à l'eau " miraculeuse" , l'auteur évoque une forme de " Socialisme " dans la punition du riche méchant , convertis aux soins des pauvres et des Justes pour l'Humanité.....

( ...) Enfin Ahmed rappela. ces paroles: « Nous avons envoyé des apôtres ., pour qu'on leur obéît. Si les hommes iniques reviennent au Pro- >> phète, s'il intercède pour la rémission de leurs péchés, il trou~era >>Dieu prêt à leur pardonner. Ils rentreront dans la communion » des prophètes , des justes, des martyrs , des hommes vertueux »que· Dieu comble de bienfaits. Quelle· belle communion!. .. (Z.) » Sidi Dedeyop ne résista plus; il se mit en prières, ainsi qu'Ahmed ; et tous deux passèrent trois jours et trois nuits, jeùna1'lt et priant sans relâche. Puis Sidi Dedeyop évoqua les génies, purifia la grotte, et, resserrant le cercle mystérieux que le sage (maître Je la-science) peut seul tracer, il déli~ra le corps d' Ahmed des esprits malfaisaars. Il brisa la chaîne qui les attachait au réprouvé ... Fraj)pant du pied le roc desséché, il pria; une source bouillonnante jaillit soudain, s'éleva peu à peu autour du1 lépreux, brûlant ses pieds, déchirant ses genoux, heurtant ses épaules; enfin, l'enveloppant tout entier, elle le ren~ers~ mourant .... Sidi Dedeyop priait avec ferveur; et, malgré l'effroi,qm remplissait son âme, le riche priait aussi, résigné à la volonte de Dieu .... Enfm Sidi Oedeyop le releva; la source avait creusé un b~s· sin profond, et s'était ouvert un passage vers la mer; les espnts avaient disparu; et le lépreux était guéri.

. Poésie : Appel de E - Tissier

( ...) 

L'ancien moule est brisé : ce monde est en poussière.

Laissons les négateurs du progrès, pleins d'orgueil, S'épuiser à construire au fond d'un cimetière

Ce qu'ils nomment un temple, et qui n'est qu'un cercueil

Architectes nouveaux de la cité nouvelle, Inspirés par l'esprit de toute vérité,

Donnons à notre Eglise une assise immortelle.

Qu'elle soit assez grande, assez sainte, assez belle, Pour contenir l'Humanité ! 

( ...) 

Association sublime, universelle,

Qui comprends dans ton sein toute l'Humanité,

De nos âmes vers toi l'hymne monte et ruisselle,

Et nous vivons d'espoir et d'immortalité.

Qui pourrait limiter notre force infinie?

Nous-mêmes, savons-nous ce qu'au fond de nos cœurs

Roulent de flots sacrés d'amour et d'harmonie?

Car tous nous sentirons la flamme du génie

Nous couronner de ses lueurs.

Doctrine du Progrès, sous ta large bannière,

l'Humanité s'élance à ses brillants destins;

Et l'histoire, évoquée à ta pure lumière,

Rend, au nom du passé, des oracles certains

En avant !  en avant !  l'avenir se révèle ! 

 Prolétaires, la mort, c'est l'immobilité.

La route est périlleuse et l'obstacle rebelle;

Mais nous arriverons sur la terre nouvelle :

N'avons-nous pas l'éternité?

Consultez Criaeau.org : 

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