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Revue sociale, ou Solution pacifique du problème du prolétariat. Boussac :  P. Leroux, 1845-1850. ISSN 2021-1066.

Ce blog Seyam se transforme, dans le projet de recherches doctorales, d'un blog de Défense des Droits Humains, en sa complémentarité d'études en devenir. Sans ne rien abandonner de la défense des Droits Humains, acquis et à appliquer, ou nouveaux à créer et à appliquer aussi, nous allons encore aussi revenir à la Revue Sociale crée par Pierre Leroux dès Octobre 1845 à Boussac dans la Creuse.

La raison en est simple : le créateur du Socialisme, journaliste et philosophe, tente alors l'expérience concrète de mise en appplication de sa doctrine du Socialisme et , joignant l'industrie à l'agriculture, il y développe une communauté et ou association, un nouveau journal et une ferme que l'on dirait aujourd'hui éco-socialiste : ce nouveau journal, La Revue Sociale, paraît alors telle la synthèse de 15 années de recherches, d'écrits et propositions depuis la révolution de 1830.

Au fondement du Socialisme contre ce que le capitalisme industriel et financier tentait alors d'une hégémonie entière sur déjà la terre, les hommes et le droit de 1789, cette Revue Sociale reprend tant la synthèse doctrinale de Leroux que des articles de la Revue Encyclopédique créée 15 ans auparavant, pour donc actualiser au su et vu des faits, témoignages et idées en cours, le réel de la synthèse et de son application concrète.

Cette Revue Sociale paraîtra pendant 3 années à Boussac pour mener directement à la Révolution de 1848 et la refondation de la république française , laïque et sociale en Liberté, Egalité, Fraternité, à nouveau au fronton des mairies et de l'état républicain et social.

Or tant les thématiques que l'origine de nombre de questions et critiques sur " la société libérale" sont exposées, discutées et analysées en cette Revue Sociale : au coeur des noeuds sociétaux d'alors, les critiques et propositions, qui seront repris plus tard par la Commune, ont jeté les bases d'un Socialisme Républicain contre un capitalisme, religieusement aussi raciste que colonisateur, et qui, par la révolution industrielle, commença alors à exploiter déjà outrageusement la nature comme les êtres humains.

C'est à l'exact de ces questionnements que nous revenons aujourd'hui en 2021, après 170 années d'oubli et de censure de Leroux, qui avait anticipé la Shoah et l'écocide, en sa critique du capitalisme criminogène.

Obligés de revenir aux causes et fondements des dérives de l'idéologie libérale, nous voici à l'étude de Pierre Leroux en cette Revue Sociale, tant pour nous ressourcer de questionnements premiers et refondateurs, que pour encore en analyser les applications et transformations d'alors .

Puissent ces études combler un manque historique et scientifique d'une période pourtant primordiale tant pour le rétablissement de l'état de Droits Humains que pour l'EGALITE pour l'Humanité.

Quand l'analyse concrète du mode de vie de l'Association Leroussienne à Boussac en 1845, semble avoir été l'expérience d'un laboratoire intellectuel et éco-socialiste pionnier, dans une Praxis de l'Egalité qui accompagna la réalisation de la Revue Sociale, très inter-disciplinaire : c'est exactement là qu'est la modernité, l'anticipation, la force et la raison toujours gardée de Pierre Leroux à Boussac, dans une actualité qui ne nous invite qu'à bien comprendre tant les questions orginales, qu'à travers ces 170 années d'écart, ce qu'elles nous invitent à encore corriger aujourd'hui de notre perfectibilité interdisciplinaire.

Très bonnes études.

Laurent Beaufils-Seyam, écrit à Boussac le 13 juillet 2021 à Boussac, à 4 heures 15 minutes

N°1 : Octobre 1845 :

. De l’abolition des castes et de l'organisation de l’Égalité – P Leroux

. Politique : du manifeste de la réforme - PL

. Impuissances de la politique libérale – PL

. Théâtre : dialogue ¨Prolétaires – Jules Leroux

. Statistiques : chiffres des faillites

. Morale : aux Travailleurs : Paix et Courage ! par Tamlot Mahlet – Typographe

. Chronique : éventrement de Dahra Algéie

. L'académie des sciences morales : M. Passy et le prix Beaujour

. Nécrologie : Raban

N°1 : Octobre 1845 :

.1 De l’abolition des castes et de l'organisation de l’Égalité – P Leroux

 - " Les amis qui écriront avec moi dans cette Revue me confèrent l'honneur de marquer, dès le début, le caractère de l' œuvre que nous entreprenons de concert. Trop souvent les journaux ne sont qu'une spéculation : vendus au capital, consacrés à l'intrigue, ils n'ont pour but que les passions, pour levier que les passions. Pour qui connaît Dieu, un journal est un temple. Nous consacrons cette Revue à Dieu sous l'invocation de l'ÉGALITÉ HUMAINE. J'ai démontré ailleurs (1) que la société actuelle, sous quelque rapport qu'on la considère, n'a d'autre base que le dogme de l'égalité, ~e qui n'empêche pas que ce soit l'inégalité qui règne."

Leroux commence ainsi le premier numéro de la Revue Sociale en octobre 1845 à Boussac. Le dogme de l'Egalité est celui que les pères fondateurs de la révolution française de 1789 ont forgé et édicté : il reste à le mettre en pratique : il critique aussitôt Monstesquieu qui adhérait à la monarchie pour rendre hommage à Rousseau, contre les sophistes qui l'ont traité de sophiste, pour son oeuvre qui initia l'Egalité contre la tyrannie, en sa plainte pour l'Humanité, dans la supériorité de l'âme humaine sur la condition humaine. 

"En mettant l'idéal dans la forêt primitive, Rousseau a pu se tromper; mais il a fait voir l'idéal, et a excité les hommes à le chercher dans l'avenir." Si nous nous bornons à rendre compte et décrire les articles de la Revue Sociale, nous ne laisserons pas passer ce qu'en les lectures analytiques, résonne de nos jours différemment...Ainsi de cette réflexion sur les forêts primitives, quand, en 2021, l'exploitation des forêts jusque aux techniques de brûlage, met en péril l'éco-sytème terre, où toute la question de l'éco-socialisme de Leroux expérimenté à Boussac, s'actualise ainsi de nos nouvelles données, mais sur les bases justes d'alors déjà.

Si depuis Rousseau la science a fait des progrès, si la révolution française a proclamé l'Égalité humaine, si la tradition de l'Humanité est aujourd'hui' mieux comprise, si le Christianisme et toute la Religion antérieure expliqués, ne demandent qu'à nous prêter des armes, c'est grâce à lui! Ô ! si j'avais sa force! Je joindrais à cette force les secours que l'histoire et la philosophie offrent de mon temps. Mais ·qu'importe ma faiblesse? Il ne· convient à personne de décliner le devoir qu'il sent dans son cœur, et je ne veux pas défaillir à la cause sacrée pour laquelle Rousseau a souffert, et dont il m'a transmis, comme à toute ma génération, la défense. . Je vais donc reprendre, dans ce joumal, avec la méthode rigoureuse que comporte notre temps, le problème posé par lui. Je vais chercher les causes de l'inégalité des conditions humaines; et je prouverai l'égalité par cette tradition de l'Humanité qui lui manqua et par les dogmes mêmes de la religion. _ J'aurai l'histoire devant les yeux. J'aurai l'appui d'une véritable définition de la nature humaine. J'aurai enfin dans mon cœur la sainte doctrine qui, regardant le mal comme une imperfection nécessaire et réparable, justifie la Providence et excuse l'Humanité, en faisant disparaître les taches et les péchés dans la progression des créatures et le but final de l' œuvre."

La Loi du Passé

Après ce préambule où Leroux cite encore Jésus pour justifier de se mettre du coté des pauvres et opprimés, l'auteur de la Revue Sociale entre dans le vif du sujet du premier chapitre de son article :

Voici la loi du passé, telle que la métaphysique ef l'histoire me l'ont fait connaitre: LE GENRE,HUMAIN, suivant l'idée de Lessing, PASSE PAR TOUTES LES PHASES D'UNE ÉDUCATION SÙCCESSIVE. IL N'EST DONC ARRlVÉ A LÀ PHASE DE L'ÉGALITÉ Qu'APRÈS- AVOIR PASSE- PAR LES TROIS SORTES D'INÉGALITÉ POSSIBLES :

1° LE RÉGIME DES CASTES DE FAMILLE,

2° LE RÉGIME DES CASTES DE PATRIE,

3° LE REGIME DES CASTES DE PROPRIÉTÉ.

L'esprit humain aspire à sortir de ce triple régime des castes, qui est l'esclavage, pour entrer dans la liberté. Voilà ce qui caractérise le point du temps où nous vivons. Nous SOMMES AUJOURD'HUI ENTRE DEUX MONDES, ENTRE UN  MONDE D'INÉGALITÉ ET D'ESCLAVAGE QUI FINIT ET UN MONDE D' ÉGALITE QUI COMMENCE. "

Dans le second chapitre, Leroux explique l'origine du mot caste : Comment, dans la suite des âges et du développement de l'Humanité, ces trois modes d'esclavage ont prédominé tour à tour dans les sociétés humaines, en commençant par l'esclavage qui résulte de la famille, en continuant par l'esclavage qui résulte de la cité, et en finissant par l'esclavage qui résulte de la propriété."

Dans le troisième chapitre , Leroux différencie l'antiquité de l'Homme moderne au 19ème siècle :J'entends seulement que, pour qui comprend l'histoire, trois grandes époques, caractérisées par trois prédominances diverses, ·partagent la vie du genre humain jusqu'à nous : 1° l'epoque des castes de naissance, ou l'époque orientale, l'Inde, la Perse, la Babylonie, l'Egypte; 2° l'époque des castes de patrie, ou l'époque méditerranéenne, les Grecs, les romains; 3° l'époque des castes de propriété, ou l'époque féodale, qui se prolonge encore aujourd'hui. Le régime des castes de naissance, le régime des castes de patrie, le régime des castes de propriété, sont en ruines autour de nous. Du moins, l'idéal de l'esprit humain a dépassé tout cela. Du milieu de toutes ces ruines sort un homme nouveau; c'est l'homme des temps modernes : c'est l'homme qui a recu dans son cœur les enseignements du Christianisme et de la Philosophie. L' homme moderne a d'autres ancêtres que ceux de la chair; aussi Il n argumente pas de ses ancêtres : il est homme et ce titre lui suffit.  L'homme moderne ne se sent pas dépendre, dans son essence, du lieu qui l'a vu naître, ni même de la nation qui lui a donné naissance. Il se sent non pas seulement citoyen dans cette nation dont il est sorti, mais membre du souverain. Il se sent même quelque chose de plus; car, comme s'il craignait d'aliéner sa liberté, il met en tête de ses constitutions une distinction entre les droits de L'homme et ceux du citoyen. "

Quelle conscience nouvelle a du sortir pour l'homme d'une pareille pensée! L'Humanité, autrefois divisée en une multitude de ruisseaux, nous apparaît aujourd'hui comme un seul tout. L'homme antique, avec ses dieux particuliers et sa race isolée des autres, se sentait comme un flot dans le courant d'un fleuve : l'homme moderne, avec son Dieu unique et son genre humain solidaire, se sent partie d'un océan. C'est ce sentiment nouveau que l'homme prend aujourd'hui de lui-même qui constitue au fond ce qu'on appelle l'égalité. Se sentant partie d'un grand tout, l'homme se met en rapport avec tout, se conçoit lié à tout, et arrive finalement à comprendre qu'il a droit à tout. Ce sentiment nouveau, cette conscience nouvelle que l'homme prend aujourd'hui de lui-même n'est au fond que la transformation et le développement du sentiment et de la conscience qui constituaient l'homme antique. La différence, comme je l'indiquais tout à l'heure, est seulement celle d'un fleuve à la réunion de tous les fleuves, à l'océan."

Or, comme c'est en sa seule qualité d'homme qu'il se sent ce droit à tout, il ne peut pas s'empêcher de reconnaître ce droit aux autres, qui ont également cette qualité d'homme. C'est parce qu'il est homme qu'il a droit : donc c'est l'homme qui a droit, l'homme en général; donc tous les hommes ont droit. De là une certaine notion incontestable, primordiale, absolue, du droit de tous à tout. De là deux faces dans l'égalité, deux faces qui se répondent et dont l'une ne peut exister sans l'autre. L'égalité se trouve être le sentiment personnel, individuel, égoïste, que chaque homme prend de lui-même ; mais en même temps elle ne peut pas être cela sans être la reconnaissance la plus positive et la plus certaine du droit des autres. Egalité, ce mot résume tous les progrès antérieurs accomplis jusqu'ici par l'Humanité; il résume pour ainsi dire toute la vie passée de l'Humanité, en ce sens qu'il représente le résultat, le but, et la cause finale de toute la carrière déjà parcourue. C'est pour que l'égalité pût apparaître, que tous les initiateurs et tous les révélateurs  se sont succédé, que toutes les découvertes ont été faites, que tant de  guerres ont eu lieu, que tant de sang a coulé sur la terre, que tant de sueur a éte repandue pendant tant de siècles par la masse entière du genre humain. Les souffrances individuelles des hommes, comme les souffrances collectives endurées par eux, ont eu pour but providentiel l'égalité, le sentiment de l'égalité, la notion de l'égalité. C'est pour que l' esprit humain arrivat a cette notion que Socrate et Jésus sont diviniment morts; mais c'est aussi pour ce but que la boussole a été découverte, l'Amérique découverte, l'imprimerie découverte toutes les grandes inventions, découvertes. C'est encore pour ce but que les  Alexandre, les Cesar, et les Napoléon, ont passé sur la terre; mais c'est aussi pour cette même cause finale que les esclaves ont laborieusement aplani les routes qui ont servi aux armées des conquérants."

Pierre Leroux synthétise en ce premier article de la Revue Sociale, tant ces deux oeuvres majeures que sont De l'Humanité et de l'Egalité, que l'ensemble de sa pensée et réflexion historique, religieuse et philosophique.

2. Politique : du manifeste de la réforme - PL

Le second article prend fait et cause pour un autre journal, La Réforme, où un manifeste vient d'être signé par le comité de rédaction du journal et s'intitule Au Parti Démocratique.

« La Chambre, et le corps électoral qu'elle représente, livrent au pouvoir la fortune publique, à la condition de partager. La corruption descend du sommet de la pyramide sociale, et s'infiltre dans toutes ses couches; la doctrine de l'intérêt personnel étouffe dans leur germe tous les sentiments patriotiques. Deux partis divisent en apparence le pays légal et ses représentants; mais au fond tous ont la même doctrine, et tous concourent au même but. La conduite de l'opposition depuis près de quinze ans, la mollesse complaisante avec laquelle elle a cédé pas à pas tout le terrain conquis en 1830, ses fautes systématiques, et, en dernier lieu, son vote dans la quest1on de l'armement, doivent prouver à tous que l'opposition s' est séparee de la cause nationale, et que son rôle se borne à masquer et à protéger les empiètements du pouvoir par une feinte résistance. »

Si le mal est à ce point, si chaque année, chaque jour, depuis 1830, n'a fait qu' éloigner de nous la possibilité d'un gouvernement fondé sur la raison et sur la justice; si aujourd'hui la chambre et le corps électoral livrent au pouvoir la fortune publique, à la condition de partager; si la doctrine de l'intérêt personnel étouffe dans leur germe tous les sentiments patriotiques; si les partis qui divisent en apparence le pays légal et ses représentants ont au fond la même doctrine et concourent au même but, que reste-t-il donc à faire? La Réforme répond qu'il faut laisser le pays légal s'abîmer dans cette voie de corruption à laquelle. il n'y a pas de remède, et qu'il faut sortir à tout jamais de la politique libérale : il faut le reconnaitre signentles rédacteurs de la réforme : la politique libérale est MORTE."

" Mais qu'entend la Réforme par cette politique libérale qu'elle déclare aujourd' hui morte, en présence du spectacle que présente la France? La Politique libérale dont parle la Réforme, c'est la presse démocratique poursuivant la chimère d'une rénovation politique sans renovation morale, sans idées nouvelles, sans science sociale. ,Qui ne sait, en effet, qu'après 1830, il s'est formé un parti républicain bourgeois qui a prétendu, par le hasard d'une sorte d imbroglio, opérer dans le pays la plus importante des transformations politiques, substituer à la monarchie le gouvernement des Etats-Unis ou telle autre forme républicaine. Ce parti s'est imaginé qu'il atteindrait d' autant plus facilement à son but, qu'il soulèverait moins de difficultés; et pour ne pas soulever de difficultés, il n'a voulu soulever aucune question importante, traiter aucun problème. Il a pris en aversion, en horreur, en exécration, les idées nouvelles, les novateurs à quelque école qu'ils appartinssent; il a même eu la faiblesse de les livrer aux écrivains du pouvoir, qui, pour cette œuvre, ont trouvé accès dans les colonnes des journaux les plus hostiles à la dynastie. Il est résulté bien du mal de cette hydrophobie pour les idées nouvelles; car on ne trompe pas facilement l'égoïsme, et quand on ne soulève dans le cœur humain d'autre mobile que l'intérêt personnel, Il arrive ce que la Réforme constate si bien comme un fait évident aujourd'hui, que la doctrine de l'intérêt personnel étouffe dans leur germe tous les sentiments patriotiques."

Ainsi, si Pierre Leroux pose d'emblée, telle l'oeuvre à réaliser par la Revue Sociale, le dogme de l'Egalité , depuis les sciences des religions et Philosophie, par l'Histoire et l'Histoire de la Philosophie, c'est encore en Sciences économiques et sociales, Sociologie et Sciences Politiques que le second article du Manifeste de la Réforme, transcrit la nature interdisciplinaire qu'acte la Revue Sociale : encore, ce second article met le doigt sur ce qui fait mal en insitant sur le déni depuis 1830, de toutes les idées et recherches nouvelles, dans une société désormais en ruines.

Cette interdisciplinarité posée et actée relève tant de la critique d'une société tombée en ruines, que de la nécessaire matrice de réparations proposée. Les deux premiers articles de la Revue Sociale sont prégnants à ce sujet. 

La Nouvelle Science SOCIALE

" Puissent-ils, éclairés par les flots de lumière que l'état actuel de la France répand sur cette question de la politique libérale opposée à la politique que les novateurs et le peuple appellent sociale, puissent-ils délaisser enfin de vaines et dangereuses illusions, et répéter avec la Réforme : « La politique libérale est morte; mais sur ses ruines s'élève une politique nouvelle, immense , radicale, qui atteint et frappe tous les abus, qui résume toutes les réformes, et qui introduit sur la scène du monde tous les progrès. C'est la politique démocratique, telle que l'ont comprise les grands génies de notre immortelle Révolution; c'est la nouvelle science sociale, dont ils ont posé les principes, et qui a été fécondée, éclaircie par  les agitations et les souffrances de toutes les nations.

L'écrit que nous venons d'analyser se termine par une déclaration de principes.

«Nous avons cru, disent les signataires, devoir résumer en quelques lignes nettes, concises, formelles, les principales vérités démocratiques, en prenant pour base les éternels principes proclamés à la face du monde par cette grande Révolution qui a fait de la France le guide de l'Humanité.  Voici cetté déclaration :

«Tous les hommes sont frères.  Là où egalité n'existe pas, la liberté est un mensonge.  La société ne saurait . vivre que par l'inégalité des aptitudes et la diversité des fonctions; mais des aptitudes supérieures ne doivent pas conférer de plus grands droits: elles imposent de plus grands devoirs.  C'est là le principe de l'égalité: l'association en est la forme » nécessaire. Le but final de l'association est d'arriver à la satisfaction des besoins intellectuels, moraux et matériels de tous, par l'emploi de leurs aptitudes diverses et le concours de leurs efforts.  Les travailleurs ont été esclaves, ils ont été serfs, ils sont aujoutd'hui salariés: Il faut tendre à les faire passer à l'état d'associés " Ce résultat ne saurait être atteint que par l'action d'un pouvoir démocratique. "Un pouvoir démocratique est celui qui a la Souveraineté du peuple pour principe, le suffrage universel pour origine, et pour but la realisation de cette formule : Liberté, Egalité, Fraternité. " Les gouvernants, dans une démocratie bien constituée, ne sont que les mandataires du peuple : ils doivent donc être responsables et révocables. Les fonctions publiques ne sont pas des distinctions elles ne doivent pas être des privilèges : elles sont des devoirs.  Tous les citoyens ayant un droit égal de concourir à Ia nomination des mandataires du peuple et à la formation de la loi, il faut pour que cette égalité de droit ne soit point illusoire que toute fonction publique soit rétribuée.  La loi est la volonté du peuple, formulée par ses mandataires. Tous doivent à la loi obéissance, mais tous ont le droit de l'apprécier hautement, pour qu'on la change si elle est mauvaise.  La liberté de la presse doit être maintenue et consacrée, comme  garantie contre les erreurs possibles de la majorité, et comme instructiont nécessaire des progrès de l'esprit humain. L'éducation des citoyens doit être commune et gratuite C'est à l'Etat qu'il appartient d'y pourvoir. Tout citoyen doit passer par l'éducation de soldat. Nul ne peut se decharger, moyennant finances, du devoir de concourir à la  défense de son pays. C'est à l'Etat de prendre l'initiative des réformes industrielles propres a amener une organisation du travail qui élève les travailleurs de la condition de salariés à celle d'associés. Il importe de substituer à la commandite du crédit individuel celle du crédit. de l'état. L'Etat, jusqu'à ce que les prolétaires soient émancipés, doit se faire le banquier des pauvres. Le travailleur a le même titre que le soldat à la reconnaissance de l'état. Au citoyen rigoureux et bien portant, L'Etat doit le  travail; au vieillard ou à l'infirme, il doit aide et protection. "

Arago député; E .. Baune, A. Dupoty, Etienne Arago, li Felix Avril, Ferdinand Flocon Guinard, Joly député. Ledru-Rollin, député; A. Lemasson, Ch. Lesseré, Louis Blanc, Pascal Duprat, Recurt, V. Schœlcher et Vallier , membres du conseil de rédaction de la Réforme. "

Et Leroux de conclure ce second article : " Oui, ces principes sont vrai, et ce n'est pas seulement la Révolution française qui les a proclamés, c'est le Christianisme, c'est la Philosophie. La raison, le sentiment, l'intérêt du genre humain en réclament l'application. Seulement, et nos amis qui ont signé cette déclaration ne seront pas à ce sujet d'un autre avis que nous, des principes isolés, loin de constituer la connaissance humaine, ne constituent pas même la science particulière à laquelle ils se rapportent. C'est donc à une science complète qu'il faut tendre. La politique n'est qu'une face de cette science que les rédacteurs de la Réforme appellent de leurs vœux, et qu'ils nomment LA SCIENCE NOUVELLE."

La nouvelle science sociale, la Science nouvelle, dont la politique n'est qu'une face, relève donc de l'interdisciplinarité traversant depuis la religion et les sciences des religions, les sciences économiques comme la philosophie, les sciences et techniques comme le Droit, le Droit Social et , in fine, les sciences politiques jusque aux arts et sciences humaines à travers la biologie, la médecine : la révolution industrielle s'accompagne donc d'une révolution sociale que Leroux et la Réforme appellent de leurs voeux et écrits : la Revue Sociale en deviendra à Boussac l'organe actif, précisant la synthèse et les critiques de Leroux qui semble oeuvrer à rassembler et unir tous les courants socialistes et tous les hommes et femmes de bonne volonté alors.

Puis Leroux ré-édite " Impuissance de la politique libérale" , un article paru dans l'Encyclopédie nouvelle en 1832 : tant pour étayer et argumenter son préambule, premier et second article, que pour justifier son intervention en rappelant sa raison anticipatrice 15 années auparavant...

3. Impuissances de la politique libérale – PL

" L'égalite dans et par l'association, voilà où conduisent toutes les avenues du passé, où tendent tous les efforts du présent, où menent toutes les lueurs que nous jette l'avenir."

" Cela étant, il y a deux voies à parcourir simultanément. Perfectionner l'instrument de la législation, c'est-à-dire arriver, par voie de réforme parlementaire, à une représentation de plus en plus vraie du peuple; et en même temps préparer, sous une multitude de rapports , les solutions législatives que la convention nationale aura à promulguer pour accomplir de plus en plus le but social, si clairement entrevu aujourd'hui."

" Certes on ne saurait nier sans impiété et sans folie qu'à toutes les tendances scientifiques, artistiques, politiques, religieuses, qui préoccupent aujourd'hui notre époque , il existe certainement un but et une unité qui se cache encore sous des voiles. C'est cette unité que le dix-neuvième siècle cherche, et qu'il trouvera. »Toutefois l'œuvre est déjà si fort avancée, qu'on pourrait presque dire que ce n'est plus qu'une question de temps et de moyens. Car le sentiment générateur de la société de l'avenir est trouvé: la fraternité du C.hristianisme s'est dégagée des voiles du passé; l'égalité du Dix-Huitième Siècle et de la Révolution Française est parvenue à sa maturité. Il ne faut maintenant pour la réaliser qu'un vaste travail de moyens organiques. » Nous avons déjà indiqué le plus puissant de ces moyens. C'est, suivant nous, une refonte générale de la science proprement dite , à posteriori et à priori, qui, employée par la politique, et passant dans l'éducation des générations nouvelles, devjenne ainsi la base d'un criterium commun de foi et de certitude. Nous avons fait voir et nous démontrerons de plus en plus que toutes les sciences tendent en ce moment à résumer en un certain nombre de principes harmoniques entre eux et inattaquables, ce qui permettra de les rattacher à la législation et à la politique. » Mais pendant que ce progrès se fera dans les sciences , la législation, en tant que science spéciale, a aussi ses voies et moyens à trouver, ses inventions à faire. De même que l'industrie a trouvé sa machine à vapeur et ses chemins de fer, de même la législation a à découvrir et à proposer ses moyens pour changer ce qui est , et le transformer pacifiquement en ce qui doit être. » Quand les idées organiques auront été ainsi partiellement élaborées dans toutes les directions, l'instant viendra où elles se rapprocheront par leur affinité; car la logique rapproche les idées les plus éloignées en apparence, comme l'attraction rapproche les molécules de la matière. Alors une infinité d'esprits pris chacun par des côtés différents, s'uniront dans une même doctrine politique, qui, par sa largeur et son universalité, sera véritablement une foi religieuse. Il s'élèvera de la société tout entière comme un vent puissant qui renversera tous les obstacles et fera germer la fraternité. On verra se former un grand parti unitaire; et si, comme il n'est que trop croyable; les gouvernants résistent à l'impulsion, une opposition toute-puissante commandera la réforme sociale; et, une fois l'œuvre commencée, la transformation s'accomplira d'autant plus rapidement que les idées orgarniques auront été davantage élaborées et auront germé plus profondément au sein du peuple. "

Anticipateur de la matrice de Khun en observateur de l'évolution des sciences et techniques, Leroux avait déjà posé, dès 1832, le schéma de l'évolution de ces 15 dernières années : le constat en 1845, aussi terrible soit -il, n'invite qu'encore davantage à l'application de la Transformation : et en l'expérience boussaquine de l'association éco-socialiste, la Revue Sociale transcrit et diffuse, la synthèse Leroussienne, de manière active et dynamique à travers toute l'Europe.

Avec Jules Leroux et les 80 éclaireurs financés par Georges Sand, l'interdisciplinarité s'inscrit dans les sciences économiques et sociales ( cf la revue Encyclopédique et l'article sur l'Economie de Jules Leroux en 1835 ) mais aussi jusque en Théâtre : avec le journalisme et l'écrit scientifique, l'écrit théâtral participe tant de la diffusion des idées et principes, que des formes d'accès de tous à toutes les idées et niveaux de langues et langages alors.

4. Théâtre : dialogue ¨Prolétaires – Jules Leroux

PREMIER DIALOGUE OU L'ON DÉMONTRE QUE LA BAISSE DES SALAIRES NE PROFITE A PERSONNE.

LE PROLÉTAIRE. Je vous le disais bien, bourgeois, qu'il était inutile de vous parler davantage sur ce sujet! Vous ne voulez pas me· comprendre, ou vous ne le pouvez pas. Est-ce que la question est d'avoir de l'ouvrage à quelque prix que ce soit? Nous autres prolétaires, nous n'en sommes plus là : c'est trop bas. Nous voulons bien travailler, mais travailler pour vivre, et non vivre pour travailler. C'est l'esclave qui vit pour travailler, l'homme libre travaille pour vivre. Or, ce principe posé, voici que vous autres maîtres, vous professez le principe contraire, en diminuant d'une part vos propres bénéfices, et de l'autre en exploitant notre ignorance et nos divisions, à nous autres prolétaires, à effet de faire baisser nos salaires? Qu'avons-nous donc à faire, je vous prie? Vous suivre sur votre terrain? mais c'est déserter le nôtre; c'est manquer à notre dignité d'hommes, à notre principe; c'est nous dégrader, c'est nous plonger en même temps dans le gouffre d'une misère de jour en jour plus profonde! Ce que nous avons à faire, ce que nous devons, ce que nous pouvons faire immédiatement, c'est de vous rappeler à la pudeur, vous autres maîtres; c'est de ne pas accepter vos prix; c'est de souffrir, sans travailler, des douleurs physiques qui auront infailliblement leur terme, plutôt que de travailler en souffrant des douleurs morales et physiques sans fin assignable; c'est de nous réunir dans ce but légitime; c'est d'éteindre parmi nous, prolétaires, toute hainè, toute division ; c'est de nous aider, de nous enseigneer tous dans cette sainte et pacifique croisade contre ce flot de l'habitude qui trop souvent nous emporte, nous autres prolétaires, qui toujours vous emporte, vous autres maitres, flot terrible! flot immense! Derrière chacun de nous est une énorme masse qui roule et se précipite vus un abime, sans fond. Vous en convenez volontiers. Qu'y a-t-il donc à faire ? Résister. Mais nous sommes seuls? Qu'importe! Nous serons infailliblement écrasés? Qu'importe encore! la masse ne nous écrasera pas sans éprouver du moins dans son mouvement de chute un ralentissement secourable. Or nos enfants en seront d'autant plus forts pour l'arrêter un jour complètement

( ...) Nous autres prolétaires nous ne comprenions pas d'abord, et nous vous prenions pour des insensés! ·Mais au bout d'un million ainsi perdu, votre habileté, votre sagesse nous furent révélées. Plus de concurrence pour Tous! vous restiez seuls; et alors vous augmentiez les prix, et vous rentriez dans vos pertes, et ces pertes se trouvaient avoir été d'immenses bénéfices. Vous pensez bien que de pareils exemples ne peuvent faire autrement que fructifier. Il faut semer pour récolter, proverbe aussi vieux que le monde. Eh bien, nous, prolétaires; en refusant désormais toute baisse de salaire, nous semons pour récolter. Dans le moment, l'effet inévitable d'une pareille mesure, c'est d'empêcher certains travaux de se faire : nous le savons; mais quand le laboureur jette un sac de blé dans les sillons, c'est un sac irrévocablement perdu pour le boulanger, il faut attendre la récolte : Nous attendrons la récolte

 LE BOURGEOIS. Et si la récolte se fait attendre long-temps?

LE PROLÉTAIRE. Tout n'est pas fini quand nous mourons; au contraire, tout continue.

LE BOURGEOIS. Fort bien; mais moi qui suis un maître, que dois-je faire aujourd'hui même, à votre compte?

LE PROLÉTAIRE. Ce que vous devez faire, bourgeois? Vous unir à nous, résister au torrent dévastateur, qui, sans cela, nous engloutira tous, vous comme nous! Vous devez refuser hardiment toutes conditions nouvelles de travail! ...

LE BOURGEOIS. C'est-à-dire courir infailliblement à ma perte, à ma ruine!

LE PROLÉTAIRE. On ne se ruine pas avec le peuple, on se sauve.

Ainsi bien avant Bertold Brecht, Jules Leroux fonde le Théâtre politique, celui du prolétaire, par la Revue Sociale à Boussac : de la question des Maîtres à celui de la réprésentation politique de l'ouvrier et du pauvre, de la question des salaires à la grève, c'est jusque la Dignité Humaine contre l'esclavage que se dresse l'auteur et avec lui ses personnages : car le gouffre qu'il décrit alors s'est approfondi des crimes contre l'Humanité tel la Shoah et la récidive de génocide contre les Tutsi au Rwanda, et jusque encore l'anthropocène capitaliste des multinationales, destruction de la planète et pandémie en l'écocide : ce gouffre, nous y sommes , et le bourgeois meurt comme tout le monde de la pollution et de la pandémie : 170 années après l'arrrivée à Boussac, ce dialogue résonne dans l'actualité contre le déni fait à Leroux et à sa doctrine Eco-Socialiste : 2021 nous y ramène quasi de force, et le Théâtre, en la qualité singulière de son écriture, nous donne à voir et entendre tant la pensée Leroussienne que sa raison gardée, son actualité et sa force Philosophique, interdisciplinaire, à différents niveaux de langages.

.5 Statistiques : chiffres des faillites

Du Théâtre à l'Economie politique, ce cinquième article entre de plain pied dans l'Economie boursière pour situer l'ampleur des faillittes :  "  On est pressé de s' enrichir, s'écrie-t-il ; Le » commerce devient un jeu, et l'industrie une aventure; on joue  tantôt sur les huiles, tantôt sur les savons., et tantôt sur les esprits. »La bourse des marchandises et la bourse dés fonds publics deviennent également un tripôt. En 1828, la spéculation se portait sur la rente; en 1837, les sociétés par actions ont fait fureur, tant que »la friponnerie s'en mêlant a fini par tout gâter: aujourd'hui la vogue »est aux chemins de fer; c'est là-dessus que l'on fait et que l'on » défait les fortunes. i> Eh! oui, c'est là-dessus aujourd'hui, et demain ce sera sur autre chose: ne voyez-vous pas déjà poindre à l'horizon les spéculations sur l'agriculture, sur les irrigations, sur la mobilisation de la propriété foncière, etc. , etc. Ah! savant professeur, vous en avez pour toute votre vie à découvrir sur quoi se font et se défont les fortunes, quel est le tapis neuf du tripôt, à quel jeu on joue aujourd'hui après avoir joué hier, à quel jeu on jouera demain. Vous dites qu'on est presse de s'enrichir, que le commerce est devenu un jeu, et l'industrie une aventure. Puisqu'il en est ainsi, ce que vous ajouterez ne nous intéresse guère. Qu'importe en effet à quel jeu on joue, à la roulette, à l' écarté, ou au whist! Ce qui est certain, c'est qu'il y a eu cette année à Paris quarante-et-un million de francs de faillites! Or combien d'existences d'ouvriers cela représente-t-il, savant professeur du Conservatoire des Arts-et-Métiers !"

.6 Morale : aux Travailleurs : Paix et Courage ! par Tamlot Mahlet – Typographe

Pierre Leroux : " Considérez l'état· pitoyable de ceux qui sont pressés par la faim : c'est l'impression que produisent ces pages est que celui qui les écrites possède assurément un esprit religieux. Cela se voit au ton même du style, qui, depuis le premier mot jusqu'au dernier, est à la fois simple et empreint de solennité; cela se voit aux passages cités des pères de l'Eglise, aux versets de l'Evangile qu'on y rapporte et qu'on y commente. L'auteur commence par dire les titres qu'il a à notre confiance, et le but qu'il s'est proposé:

" S'il fallait, pour étre entendu de l'ouvrier, posséder un nom haut placé dans l'échelle des grandeurs sociales, je ne pourrais prétendre à cet honneur; mais, né et vivant parmi ceux pour lesquels j'écris, je crois connaître assez leurs souffrances, avec lesquelles le malheur m'a initié, pour en parler d'une manière sûre et certaine, et essayer de leur apporter quelques consolations. C'est ce qui m'a engagé à publier cet opuscule, dans lequel j'essaie de faire connaitre à mes frères, les travailleurs, la cause de nos maux et la remède que nous pouvons employer pour les combattre efficacement. Cet écrit est l'œuvre de cette instruction chétive que l'ouvrier reçoit au village, mais qu'il peut compléter à force de courage et de persévérance. ( comble des afflictions humaines et le genre de mort le plus dur de tous. L'épée fait mourir en un moment; la violence du feu étouffe bientôt; et une bête qui nous déchire nous tue presque tout d'un coup : mais la faim est un mal qui dure bien plus de temps; c'est une maladie qui ne cause pas une douleur passagère, mais durable et continuelle; elle consume lentement; elle ne tue que je puis doublement parler des misères du prolétaire; car, une à une, j'ai vu les illusions de l'enfance faire place à la triste réalité qui nous attend tous au sortir de l'adolescence; et, suivant que je les voyais disparaltre , je me disais : Cela doit-il être ainsi ? aux uns tous le bonheur, aux autres tout le malheur. Je le croyais, car j'étais imbu des principes prêchés par nos prêtres, qui nous présentent les lois humaines comme des lois divines. Mais, pour celui qui réfléchit, qui étudie ce qui l'entoure, la méditation ne tarde pas à faire comprendre que ce qui existe aujourd'hui n'est pas naturel; par conséquent, que des réformes peuvent y être apportées; de sorte que la terre ne devra plus être partagée en deux camps ennemis, mais régie par une loi harmonique qui ne connaîtra qu'une grande famille humaine, sans avoir égard aux castes et aux couleurs. •Que mes frères me lisent et me comprennent; qu'ils suivent la direction que je leur trace, et cette faible ébauche servira à les pousser dans la voie du salut et j'aurai apporté un grain de sable dans la reconstruction de l'édifice social'. en attendant cette époque, je ne puis que répéter: PAIX ET COURAGE."

Telle est la préface; l'ouvrage s'ouvre par une comparaison du trapiste et de l'ouvrier:

" Frères, il faut mourir, telles sont les paroles que le trapiste doit prononcer dans son cloître.-Freres, il faut travailler, voici celles que l'ouvrier doit sans cesse faire entendre et surtout mettre en pratique; et il y a entre ces deux situations un rapprochement bien triste, qui n'est même pas en faveur du travailleur. Ordinairement, quand le trapiste prononce ses vœux, il connaît le monde qu'il quitte alors sans regrets, parce qu'il n'y a trouvé que déceptions; il sait d'avance la vie austère qui l'attend, la sombre pensée qui doit sans cesse l'occuper, et avec laquelle il finit par se familiariser. Mais nous, pauvres ouvriers, ilotes de la société, comment entrons-nous dans la carrière du travail? Quel est celui d'entre nous qui peut s'en exempter? Dès notre naissance , un sceau fatal semble nous avoir marqués au front d'un signe de réprobation; dès nos premiers Jours, nous sommes voués à la misère; souvent même au sein de notre mère nous ressentons les premières atteintes de la faim : la sève nous manque dès notre formation humaine, et, chétifs, étiolés, comme un arbuste qui, ayant senti la morsure du ver rongeur, devient rabougri et se dessèche, toute notre existence se passe dans la douleur. Toutes nos actions, à mesure que nous croissons, dénotent que notre route est tracée, roule de labeur et de peine, où on ne trouve que des ronces et pas de roses, et sur laquelle la plus grande partie d'entre nous meurt à la tache.  Si tant de millions.d'homnes ont le sort des trapistes, c'est que d' autres vivent en épicuriens. Nous ne citerons que quelques traits du contraste de l'existence du riche prédestiné et du pauvre également prédestiné:  Un peu de pain, de l'eau, des légumes, rarement de la viande de médiocre qualité , est-ce là une nourriture pour un corps qui travaille de douze à seize heures par jour? 0 riches, souvent nous mangeons des mets que vos meutes refuseraient; dans un instant, vous dépensez en Caprices, en fantaisies, de quoi nourrir nos famillles pendant plusieurs années.

Voilà le problème que Rousseau se posait au dernier. siècle, le problème de l'inégalité des conditions. L'auteur de Paix et Courage répond à peu près comme Rousseau . l'origine de l inégalité est pour lui dans l'établissement de la propriété. Cette solution est incomplète et fausse. Rousseau, frappé du vice présent, n' a pas compris la source multiple d'où l'inégalité s'est répandue comme un fleuve ténébreux sur l'espèce humaine. D ailleurs, en attribuant tout le mal à la propriété, il n'a nullement résolu le problème. Certes la propriété est un mal, elle est ausi un bien; et l on ne saurait concevoir comment l'Humamté eut fait pour progresser sans elle. ... Mais qu'importe que l'auteur prolétaire dont nous analysons l'écrit se trompe avec Rousseau sur ces hautes questions de philosophie sociale, sur lesquelles tant d'autres se trompent aussi, soit qu'ils suivent la trace de Rousseau,. soit qu ils s en écartent ou marchent en sens contraire. Notre ami (car sans le connaitre, nous aimons à lui donner ce nom ) , notre ami ne se trompe pas assurément lorsqu'il s'écrie que tout le mal vient de ce que le genre huain est sorti de l'unité, qu'il faut rentrer dans l' unité, que c' est l'unité qui sauvera tous et chacun.

Tout le livre ensuite a pour but d' engager les travailleurs à quitter le cabaret pour les bibliothèques; le cabaret où ils vont boire, il est vrai l'oubli de leurs douleurs, mais la lecture leur sera un enivrement plus doux. L'idée de cercles ou bibliotheques populaires a déjà été préconisée dans un journal, le Moniteur des conseils de Prud'hommes. Certes, de pareils etablissements seraient faciles à réaliser et rendraient de grands services, si le gouvernement voulat les favoriser; mais nous craignons bien qu'il ne s'attachât à les prosctire. Ce serait mal de toute façon, ce serait une faute politique : car enfin , si l'immense masse de la nation veut prendre cette route de l'instruction et de la moralisation, pourquoi ne pas l'encourager dans cette voie pacifique? L'auteur de Paix et Courage, tout plein qu'il est de sentiments religieux, ne soupçonne pas même, le mauvais vouloir qu'on pourrait opposer à ces plans de cercles, d' ouvriers et de bibliotheques populaires, et Il tire des Plans genéreux un argument pour exciter le zèle de ceux à qui Il s 'adresse.  Terminons ici l'analyse de cet intéressant écrit Nous voudrons bien pourtant citer encore quelque chose des dernières pages. L'auteur, trouvant dans plusieurs livres italiens, anglais, allemands, dont la traduction est tombée sous ses yeux, des idées analogues aux siennes, des sentiments identiques à ceux qui font vibrer son cœur, reconnaît dans ces étrangers des frères, des hommes, comme Il dit, et s'attache à détruire les haines stupides qui divisent, par degrés de latitude, par pays, par provinces, par métiers mêmes et par profession, le peuple des hommes, l'espèce humame solidaire : UNITÉ, UNITÉ! . Voici le mot de ralliement que les peuples doivent adopter; Union des idées, tel est le but des efforts des amis de_l'Humanié; car le bonheur doit être commun. Un peuple ne doit pas pouvoir se réjouir quand un autre peuple est dans la douleur. La famille humaine est semblable à un corps qui souffre tout entier du malaise d'un de ses membres. Ainsi un ouvrier comprend ce que ne comprennent pas tant d'esprits orgueilleux, nourris abondamment de tous les produits spirituels de l'Humanité, leur mère. N'est-ce pas le cas de répéter ce mot de l' Evangile : Spiritus lat ubi vult ! Quant à nous, ce petit écrit d'un prolétaire, œuvre de l'instruction chétive que l'ouvrier reçoit au village, mais qu'il peut compléter à force de courage et de persévérance,  nous paraît cent fois plus profond, plus attachant, que tout ce qui se débite dans les académies de Paris; ou plutot nous n'établissons aucune comparaison entre un écrit de vérité et des paroles de mensonge."

.7 Chronique : éventrement de Dahra Algérie

Si les frères Leroux inclut dès le premier numéro de la Revue Sociale, interdisciplinarité jusque au Théâtre en sciences économiques, politiques, des religions, philosophies, le résumé de l'auteur du livre précédent, un typographe, nous instruit dans les suites de la ploutocratie sur la criminalité du capitalisme, jusque la faim. Or, dans ce septième article intitulée " chronique ", Leroux traitera du capitalisme jsuque contre la colonisation et les crimes contre l'Humanité déjà perpétrés par l'armée française en Algérie :Nous venons tard pour parler de cet événement, qui, malgré l'habileté et les ruses des prôneurs officiels, révoltait, il y à un mois, et soulevait tous les gens de cœur. Mais il faut que de semblables faits laissent leur empreinte. C'est un devoir de les rappeler, de peur qu'ils ne disparaissent du souvenir. De nos jours, la vie est à ce point superficielle, que tout passe, s'efface, s'oublie avec une rapidité qu'on dirait fatale. Autrefois les faits n'avaient point tant de retentissement, mais ils restaient longtemps dans la conscience des hommes. Eh quoi! plus de huit cents Arabes, hommes, femmes et enfants, composant la tribu des Ouled-Riah, fuient devant la cavalerie française entraînant sur leurs pas d'autres tribus. Tout(e)s vont se cacher dans de vastes grottes qui leur servent d'abri. Ces grottes autrefois avaient arrêté la fureur des Turcs. Mais il était réservé à un officier supérieur des armées de France d'être plus inspiré, en 1845, par le génie de la destruction que ne l'ont été des Turcs dix siècles auparavant . Une idée infernale a traversé le cerveau de ce chef. On a pns des villes par famine, on a incendié des villages : avait-on jamais songé à l'asphyxie comme machine de guerre !  La bouche des grottes est étroite; tant mieux! On Ia remplit facilement avec du bois, dont on accumule ensuite des masses, sur lésquelles on fait tomber des gerbes enflammées; et tout un jour se passe à animer cet auxiliaire du courage français , sans lequel avaient compté les Arabes. Des offres de se rendre sont faites par les assiégés, elles ne sont point acceptées, il faut qu'ils se rendent à merci. La mort est préférable. Ils rentrent dans leur tombeau, et les feux se rallument! Alors l'on entendit comme une seule plainte, sourde mais profonde, mais prolongée, mais effroyable; c'étaient les cris mêlés des femmes, des enfants, et des animaux, lesquels se ruaient et luttaient contre les hommes."

Dans l'ouvrage " De Pierre Leroux aux Lumières du Rwanda ? Matrice de Réparations éco-socialiste", nous situons historiquement et en les enjeux de la Philosophie , l'oeuvre de Pierre Leroux en ce qu'elle donne à comprendre encore aujourd'hui d'anticipation sur la Shoah en tant que crime contre 'Humanité et ce, jusque au Rwanda où le courant socialiste français avili par Mitterrand s'est effondré et a mis la France en faillite dans cette collaboration, 50 ans après les crimes dits de Vichy, avec les génocidaires du nazisme tropical ayant perpétré le génocide des Tutsi en 1994 : plus loin, l'ennemi désigné sous des fallacieux critères dits " ethniques " et qui ne résolvait rien d'un PROBLEME SOCIAL, ont donné à voir en le FPR, l'authentique du courant socialiste qui par Marx Lénine pour vaincre la dictature raciste, sont remontés à Pierre Leroux pour refonder un Etat de DROITS HUMAINS, de 1994 à 2003 : Une République laïque et sociale. Or c'est le même mouvement capitaliste criminogène qui, de l'Algérie au Rwanda et jusque l'écocide aujourd'hui, a perpétré ces crimes contre l'Humanité et l'actuel de l'écocide : Leroux en donne l'analyse en anti-criminalité et démontre en interdisciplinairté combien une Matrice de Réparations active est possible : la Revue Sociale à Boussac dès 1845 traduit, transcrit et acte de tant les critiques que les propositions, que de l'expérience même de l'Egalité hommes -femmes, paysans citoyens, dans une qualité, densité et panoramique qui nous permettent d'aprécier à sa juste valeur, l'expérience éco-socialiste du laboratoire intellectuel de Boussac durant ces 5 années de refondation de la seconde République : La Sociale, dont la Commune reprendra les bases pour passer encore en 3ème République jusque l'instruction publique, et les Lois sur les Associations et Laïcité, toujours fondamentales aujourd'hui en 2021. L'actualité de l'analyse de Leroux se situe pour nous jusque en cette phrase en 2021 :Alors l'on entendit comme une seule plainte, sourde mais profonde, mais prolongée, mais effroyable; c'étaient les cris mêlés des femmes, des enfants, et des animaux, lesquels se ruaient et luttaient contre les hommes."

Pierre Leroux, après la description des crimes atroces et la condamnation ferme de la colonisation et des massacres immondes perpétrés par la France, écrit : " C'est en vain que l'armée est de plus en plus séparée de la nation. Laissez l'Afrique former, pendant quelques années encore d'un régime aussi corrupteur, beaucoup de soldats: combien compterez-vous de criminels en France! Alors, législateurs que l'évènement du Dahra a trouvés si froids et si indifférents, et qui vous inquiétez peu des peines qu'on applique en Algérie, vous serez peut-être moins calmes, moins froids, moins indifférents; vous aurez à craindre des attentats imprévus , et vous ne serez peut-être point assez protégés par vos peines actuelles. Alors qui sait jusqu'où s'étendra votre peur? Vous verrez peut-être avec plaisir la pénalité exceptionnelle de l'Afrique appliquée en France! ". 

.8  L'académie des sciences morales : M. Passy et le prix Beaujour

Ou Luc Desages reprend " la réfutation de l'éclectisme de Leroux" pour moquer Victor Cousins et l'académie, qui voient dans tous les nouveaux mémoires des " communistes " :Moraliser? mais au nom de quel principe supérieur de morale? quelles sont vos règles à cet égard? Vous ne le .dites point. Moi, je crois que vous en manquez complètement, et que le mot de morale, dont vous avez plein la bouche, n'est tant honoré par vous et vos pareils que parce qu'il résonne dans le vide. Puis à qui faites-vous la leçon? Aux socialistes ? mais, dans cette voie, ils ont bien de l'avance sur vous; car ils demandent, eux, une transformation morale de tous sans distinction. Seulement, ils vous disent : Ce n'est pas en prêchant la conservation de ce que vous appelez l'ordre, et qui est le désordre, que vous arriverez à cette moralisation. Tous vos grands mots ne feront rien sur le peuple, qui soulîre de la faim. L'inégalité terrestre va à son comble, et il n'y a plus d'espoir de compensation céleste pour le pauvre; il ne croit plus au paradis : que signifient donc vos exhortations à l'ordre et à la prévoyance ! Le pauvre ne peut prévoir qu'une chose: c'est l'augmentation de son mal, si la société continue de suivre la pente où elle est. ! Mais vous n'avez pas encore résolu la question. Vous le savez, on demandait aux concurrents l'application la plus utile d'une association volontaire et privée au soulagement de la misère. Voyons votre mode d'association. «Il ne me semble pas difficile, répondez-vous, d'annexer aux caisses d'épargnes des caisses où s'effecturaient des versements à fonds perdus, destinés à assurer aux » déposants des pensions de retraite. »

Ô Sganarelle, où es-tu? sors du tombeau, grand homme, et viens voir que tes principes sont admis à l'Académie des Sciences morales et politiques.

MARTINE. J'ai cinq enfants sur les bras.

SGANARELLE Metsles par terre .

MARTINE.Ils demandent du pain. 

SGANARELLE    Donne-leur le fouet.

UN PAUVRE OUVRIER.  Je n'ai pas de pain pour nourrir moi, ma femme, et mes cinq enfants

 M. PASSY Mets à la caisse d'épargne, pour te ménager une pension de retraite. Monsieur Passy, vous avez mérité le prix Beaujour.

Luc Desages achève la critique en pamphlet mettant à l'honneur Molière pour situer la grossièreté de M Passy, de Cousin et de l'académie des Sciences, situant encore une fois par le Théâtre, la transcription populaire de la Matrice de Réparation socialiste et de la critique qu'elle porte contre la ploutocratie de l'époque.

.9 Nécrologie : Raban

Un hommage à Raban, démocrate républicain qui fut actif dans les révoltes violentes des années 1830 puis emprisonné : là, une forme de résignation l'enclint à pardonner aux bourreaux mais sa part active continua, à travers un tour de France où il constata l'ampleur du mouvement social, ses différences, écoles, chapelles mais aussi unité et rassemblement sous la devise Liberté Egalité Fraternité : l'Hommage de Luc Desages est très intéressant pour comprendre le réel de tous ces courants socialistes et ce en quoi Pierre Leroux et la Revue Sociale dès 1845 à Boussac, en devinrent les fédérateurs et aussi fer de lance, pionniers et diffuseurs dans toute l'Europe.

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