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Revue sociale, ou Solution pacifique du problème du prolétariat. Boussac :  P. Leroux, 1845-1850. ISSN 2021-1066.

N°8 : Mai 1846 :

. De la recherche des BIENS MATERIELS (6) : Relations du Travail et du Capital

. Du principe de la fonction pour l'Organisation de l’Égalité (2) : L Desages

. Lettres sur la religion(2) : De la Vérité ou de la Volonté de Dieu : Jean Terson

. Hygiène : De la réversibilité des maladies (2) : Charles Soudan

. De la réhabilitation du travail Physique : par LP de Belgique

. Fusillade à St Étienne

. Poésie : par Edmond Tissier

. 2 annonces pour livres de P Leroux

N°8 : Mai 1846 :

. 1 - De la recherche des BIENS MATERIELS (6) : Relations du Travail et du Capital

Nous poursuivons notre critique de l'immorale théorie. nous ne voulons pas appeler cela une doctrine, qui gouverne aujourd' hui les relations humaines sous le nom pompeux et sonore d' economie politique. Chemin faisant, nous avons eu à combattre d'étranges auxiliaires de cette école; car, par un miracle difficile à comprendre au premier abord, mais qui s'explique pourtant, l' économisme qui n'est au fond que l'athéisme, se trouve faire cause commune avec la fausse théologie, la protéger et en être protégé.

Depuis trois mois, les journaux conservateurs retentissaient des sermons de l'abbé Lacordaire, de l'abbé Dupanloup, de l'abbé de Ravignan, et d'autres abbés, la fleur des prédicateurs qui occupent aujourd' hui les cheffes catholiques. Comme s'ils s'étaient donné le mot, tous ces abbés prêchent à qui mieux mieux la religion de Malthus, la doctrine du Capital, abaissant la divine vérité devant l'imposture, foulant aux pieds l'idéal, déracinant dans les âmes de ceux qui les écoutent la foi, l'espérance, et la charité.

C'était un devoir de leur répondre. Nous l'avons fait, sans craindre de nous éloigner -par là du but que nous voulons atteindre; les digressions de ce genre sont toujours utiles. Il était juste qu'il nous vînt, en compensation, quelque secours du côté des économistes. La chose n'a pas manqué : le temps actuel est si fertile en contrastes! Si le pape s'allie avec l'autocrate russe, avec le pape hérétique du schisme grec, contre la malheureuse Pologne restée catholique, il ne manque pas de se trouver quelques bons prêtres qui prient Dieu de tout leur cœur pour les Polonais. Pourquoi du sein de l'école de Smith, de Say, de Malthus et de Ricardo, ne s'éleverait-il pas une réclamation courageuse en faveur du genre humain crucifié par les scribes du Capital? Nous avons lu avec bonheur un livre qui vient de paraître; c'est l'Essai sur les relations du Travail avec le Capital, par M. Dupont White. L'auteur est connu, et il est impossible de lui refuser une parfaite intelligence. de toutes les élucubrations des économistes. M. Dupont-White n'est pas ce qu'on appelle un novateur; il n'appartient à aucune école socialiste, bien qu'il revendique aujourd'hui les droits de l'humanité, les droits de toute société véritable, contre le despotisme du Capital et de l'industrialisme régnant; il ne conclut à aucun système, n'expose aucun plan, .ne procède logiquement d'aucune théorie métaphysique et religieuse. Mais, nourri .dans ce qu'on appelle l'économie politique, il en a vu les erreurs, l'immoralité, l'absurdité. ( ...) 

M. Dupont-White nous ayant adressé son livre avec une lettre, dont nous lui sommes reconnaissant, nous avons voulu tirer de son présent le plus grand fruit possible, en faisant participer nos lecteurs aux révélations que cet ouvrage renferme. Il nous a paru que cette réfutation des économistes par un économiste entrait dans notre plan. L'excellent traité que nous avions sous les yeux ne nous laissait que l'embarras du choix des citations. Le lecteur va juger si nous avons bien choisi.

Extrait de la lettre du Dupont White à la Revue Sociale : " Il y a une puissance, une domination inhérente à la richesse. Si la nature fil le plus fort maître du plus faible, toute société fait celui qui a maître de celui qui n'a pas. Les Barbares, qui se partagèrent le sol de l'Europe conquise, n'avaient pas besoin de lois pour instituer des seigneurs et des vasseaux : le possesseur du sol était le souverain nécessaire de ses habitants, qui devaient subir sa loi en mangeant son pain. Tout l'appareil des institutions féodales ne fit que régulariser ce fait primitif né de la conquête. Le jour où ces institutions périrent, la richesse n'y perdit que des titres, des apparences oiseuses, des distinctions honorifiques; il lui resta cet ascendant inné qui réside eù elle, et qt.i peut se passer de sanction légale. »Nous avons vu tomber, il est vrai, les lois qui consacraient les castes; mais nous avons vu se former en même temps des mœurs qui tendent à les entretenir et à les perpétuer, en appelant tous les hommes sur le terrain de la production. A côté de la plaie féodale qui venait de se fermer, une plde nouvelle s'est ouverte, celle de l'industrie libre et illimitée. " (...)

C'est chose ancienne comme le monde que la prépondérance du riche, que la sujétion du pauvre; mais l'emploi de la richesse exerce une influence marquée sur le caractère de cette relation.

Le riche qui achète à l'artisan le produit de son travail, ou qùi achète au serviteur son travail r:1êrne, ne se propose pas, comme but essentiel de ce marché, un bénéfice d'argent. Or tel est l'ohjet unique et le fond même de la transaction qui intervient entre le producteur et l'ouvrier. Quand la richesse, d'une part, quand la pauvreté, de l'autre, se transforment en agents de la production, et traitent ensemble pour concourir à cette œuvre, la domination inhérente du capital apparaît dans toute sa rigueur, dans toute sa crudité. C'est le triomphe de ces grandes agglomérations où le maître et l'ouvrier sont étrangers l'un à l'autre, où le capital et le travail représentent deux forces abstraites et simples, dont rien n'altère et ne complique les rapports nécessaires. Le pauvre y perd son carac-tère d'homme pour celui de machine à produire, de matière à spéculation , et pour se classer parmi ces frais géneraux que le génie industriel s'évertue sans cesse à réduire et à limiter." (...)

"Dans l'ardeur de cette lutte entre les capitalistes, celle au capitaliste et de l'ouvrier prend quelque chose de plus dur et plus inexoble. Accroître le salaire, il n'en saurait être question, quelles que soient la rigueur de la saison, l'inclémence des récoltes , la haussé des denrées; car il serait impossible de reprendre au consommateur, protégé par la concurrence, la bonification consentie à l'ouvrier. Réduire le prix du travail, en aggraver le poids, en augmenter la durée, telle est au contraire la meilleure chance ouverte au capitaliste; car c'est à peu près l'unique élément du bon marché, l'unique véhicule de la vente. - "Ajoutez que le capital, sous le coup de cet aiguillon , ira droit aux moyens les plus sommaires et les plus péremptoires d'écraser la concurrence. Ce bon marché si vital, il le demandera aux machines et au crédit. Par les unes, il obtiendra une économie de main d'œuvre, par l'autre, l'économie inhérente aux capitaux concentrés, aux travaux ordonnés sur une grande échelle. · "Résultats désastreux pour le travail, moins demandé desormais, et moins intelligent! Ne faut-il pas d'ailleurs qu'il soit serré et rationné de plus près, quand le capital du maître, emprunté en partie, doit supporter avant tout le prélèvement des intérêts dus au prêteur? Dans ces diverses influences, nous n'avons noté jusqu'ici que ce qui affecte le montant des salaires. Il y a quelque chose de pis encore, c'est leur intermittence. leur instabilité: effet qui appartient en propre à la concurrence. ( ... ) 

" Ainsi la production, abandonnée à elle-même, exempte de tout règlement et de tout contrôle public, n'a pas un procédé quine soit une entreprise contre le travailleur. Le pouvoir inhérent au câpital, pouvoir oppressif dès qu'il s'agit de réaliser un gain, n'a plus cle limite ni de pudeur, dès que la concurrence apporte dans cette œuvre ses entraînements et ses aiguillons. Le salaire de l'ouvrier est en quelque sorte le champ cle bataille de ces athètes acharnés. C'est en frappant là qu'ils se portent les plus rudes coups, parceque c'est le salaire le plus restreint qui permet les plus bas prix et qui assure le plus de ventes. Ainsi la prospérité du maître est en raison directe des privations et des misères infligées au travailleur. Qu'on ne nous accuse pas de déclamation et de parti pris; il n'y a point d'observation plus constante et qui s'abrite d'un plus grand nom, d'une . plils grande autorité. C'est Ricardo qui l'a dit : de LA HAUSSE DES PROFITS RÉSULTE UNIQUEMENT DE LA BAISSE DES SALAIRES. »

Résumé de Pierre Leroux ( de la lettre de Dipont White ) : " Je pourrais extraire du livre de M. Dupont-White d'autres chapitres non moins intéressants. J'engage le lecteur à réOéchil' sur cette dernière phrase du dernier paragraphe : L'UN DOIT S'APPAUVRIR, L'AUTRE DOIT S'ENRICHIR DE PLUS EN PLUS. Cette phrase contient la destinée des nations qui s'obstineront dans la roie de l'industrialisme par le Capital et au profit du Capital. CELUI QUI DOIT S'APPAUVRIR DE PLUS EN PLUS, c'est LA NATION: c'est par exemple TOUTE LA FRANCE moins les Capitalistes, qui doivent s'enrichir de plus en plus.

Ricardo, en effet, a raison; toute l'économie politique repose dans la considération du revenu net, d'une part, et des salaires, de l'autre. J'ai prouvé ailleurs (2) que la France produit, au minimum, par le travail et l'association de tous ses citoyens, neuf milliards de re-venu, et que sur ces neuf milliards, il y en a , au minimum , trois milliards huit cent millions (formant le revenu net de la France) qui sont concentrés dans les mains de deux cent mille propriétaires. Reste donc à la nation tout entière , moins ces deux cent mille propriétaires et leurs familles, cinq milliards 200 millions, au maximum. En outre, les propriétaires du revenu net, ayant exclusivement le privilège politique , disposent à leur guise , et suivant leurs idées, d'un milliard et demi d'impôts prélevés pour la majeure partie sur les salaires. Dans la période de 1815 à 1830, le revenu net a augmenté de plus d'un milliard; c'est-à-dire que les deux cent mille capitalistes se sont trouvés avoir en 1830 un milliard de revenu annuel de plùs qu'en 1815. Depuis 1830 jusqu'à présent, l'augmentation du revenu net a été bien plus forte encore. Voilà donc ce qui croît, et croît sans cesse; c'est le revenu net, le privilége du Capital ! Mais ce qui ne s'augmente pas et ce qui décroît, c'est la France." ( ... ) 

. 2 - Du principe de la fonction pour l'Organisation de l’Égalité (2) : L Desages

La société, avons-nous dit, c est la fonction. Cette proposition paraît n'embrasser que l'avenir. Si cependant elle est vraie, si elle est l'idéal, il faut qu'elle ressorte de l'existence des choses, qu'elle se dégage comme une aperception du fonds même de la société.

Remontons dans le passé, et demandons-nous si la tradition ne fait point foi qu'en essence toute réunion d'hommes a été basée sur la fonction; si elle ne fait point foi que toute société en état de vie, et non pas tournée vers sa chute, a réalisé un milieu où l'homme était en même temps membre de l'association ou citoyen, et fonctionnaire. Sans doute cette réalisation n'a pu avoir lieu que dans les formes imparfaites où se trouvait l'Humanité .

 Le passé, c'est le mal, c'est la division, c'est la caste : mais c'est le bien aussi, et il est juste de dire que c'est le bien ; car ce passé n'a pu être, même dans sa forme mauvaise, qu'à cause de la portion de bien qui accompagnait le mal. Nous voulons montrer cette portion de bien, afin précisément d'établir la justesse de notre proposition.

En présence de cette loi du passé: «L'Humanité a jusqu'ici traversé trois sortes de castes,

1° les castes de famille ou de race;

2° les castes de cité ou de patrie;

3° les castes de propriété,

 nous voulons montrer que dans la caste même il existait la fonction, la fonction qui détruit la caste et qui doit la remplacer; la fonction, cependant, à la faveur de quoi la caste, c'est-à-dire le mal, a pu se maintenir.

La fonction est ce bien dont nous parlions tout à l' heure ; mais eIle n'était pas aperçue comme devant être le seul bien et le bien de tous;  Elle était l'âme de la société; les hommes ne le savaient point.

Voire les études sur l'Inde, l'Egypte, Rome et la Grèce, le Moyen-Age, etc ...ou la FONCTION SOCIALE sert l'EGALITE contre les castes de familles, patries, et ou propriétés 

Nous devons mentionner pour le Moyen-Age un élément nouveau à quelques égards, nouveau surtout par l'importance qu'il acquiert: c'est l'élément industriel, qui prend naissance avec l'affranchissement des communes et crée ce qn'on appelle la bourgeoisie. Dans la haute antiquité, cet élément est du ressoirt de la troisième caste, et l'industrie est alors une fonction. Chez les Grecs et les Romains l'industrie est aux mains des esclaves ou des affranchis de bas étage, et se tient à part de l'Etat; elle a du reste peu d'importance. Au Moyen-Age son caractère est la liberté. Les commerçants, les bourgeois, les industriels sont libres, et leurs titres de liberté sont monumentés dans les chartes royales. Le besoin d'ordre se fait toutéfois tellement sentir parmi eux, qu'ils arrivent à la fonction au profit d'eux-mêmes, par les corporations, les jurandes, et les maîtrises. Il n'en est pas moins vrai qu'on doit regarder l'élément industriel d'alors, par cela seul qu'il n'est pas ordonné, ainsi que l'élément féodal et propriétaire, en fonction sociale, comme un élément révolutionnaire et dissolvant.

Voici venir quatre-vingt-treize; et quatre-vingt-treize, qu'est-ce donc? C'est en essence la Nation reprenant à la royauté absolue et le droit de souveraineté et le droit de fonction qu'elle avait accaparés, afin qu'ils viennent le fait de tous et de chacun. Voilà ce qui n'a point été compris.

(...) Nous voici reenus à.notre point de départ, et nous n'avons pas a recommencer l' historique des cinquante et quelques années qui nous séparent de ce point. Mais avons-nous tenu parole? avons-nous démontrer que la fonction a été le fondement et le point d'appui de toute société ? 

Que ce point d'appui manquant, la société s'est dissoute, et est arrivée à l'état de désordre et d'anarchie que nous avons sous les yeux? Si nous avons fourni cette démonslration, nous sommes fondés a soutenir que la Société idéale est celle qui doit réaliser d'une façon plus parfaite et plus vivante ce qui n'a eu lieu qu'imparfaitement dans les sociétés derrière nous. Nous avons les éléments de ces sociétés , nous avons le prêtre, le guerrier le laboureur, ou, mieux, le savant, l'artiste, l'industriel. Mais nous avons encore ces éléments dans la caste, dans l'asservissement , dans l'inégalité ?

Le moyen unique d' arriver à l'Egalité, c'est de délaisser tout à fait le regime des castes pour ne conserver et n'avoir que la fonction. Parla fonction, par l'industriel fonctionnaire dans l'Etat en même temps que citoyen, par l'artiste fonctionnaire dans l'Etat en même temps que citoyen, par le savant fonctionnaire dans l'Etat en même temps que citoyen, on réalisera vraiment l'Egalité:  c'est ce qui nous reste à établir.

.3 -  Lettres sur la religion(2) : De la Vérité ou de la Volonté de Dieu : Jean Terson

Lettre d'un curé défroqué, apparemment Jean Terson donc, qui écrit aux bons catholiques contre le mensonge de l'Eglise, à propos de sa perte de foi catholique , dans sa foi pourtant gardée, en hommage aux Saint-Simoniens qui lui ont ouverts les yeux : On choisit de prendre ici une note qui explique le trajet de cette reconversion qui, contre les athées et le mensonge, vient donc se donner en la Revue Sociale, tel un témoignage de ce qu'aujourd'hui on peut nommer d'un Chrétien Socialiste, tel qu'il en existe encore en Belgique et ou en Amérique du Sud, dans l'exact de la transformation du clergé par l'Intervention de Pierre Leroux en sa doctrine Socialiste, qui se donna aussi jusque en théologie de la libération pour les croyants, ou pour les prêtres ouvriers en Europe, sociaux-chrétiens donc : 

 " Voici quelques passages de cette profession de foi nouvelle qui prouvent que quatorze ans d'étude, de réflexions, et, je pourrais ajouter, de souffrances. de tout espèce, n'ont pas ébranlé mes convictions : a Lorsque j'entrai dans le sacerdoce, j'étais plein de foi dans la sainteté clé mon ministère. Ce ne fut ni le désir des honneurs, ni celui des richesses qui m'engagèrent à embrasser l'état ecclésiastique, mais bien l'amour de Dieu et de mes semblables. Les yeux sans cesse tournés vers l'Orient, je voulais aller porter le flambeau de la foi à ces peuples que je voyais encore plongés dans les ténèbres de l'idolàtrie. C'est dans ce but que je me rendis au séminaire des Missions étrangères, à Pans, Deux ans après, lorsque le vaisseau qui devait me porter en Chine allait mettre à la voile, je tombai malade et fus obligé de revenir chez moi, où, dans l'espoir de partir dès que ma santé Je permettrait, je fus mis à la tête d'une paroisse. C'est là, quand je voulus mettre la main à l'œuvre, que je compris bientôt que la religion (catholique) n'avait plus de force, et que mon ministère élait nul. » La lecture des philosophes des trois derniers siècles ébranla ma foi. La vue des désordres de la société et de la misère des classes pauvres m'épouvanta. . Tandis que le peuple criait «malheur ! malheur ! j'interrogeais la religion ; (telle qu'on me l'avait enseignée dans les séminaires et que je la comprenais alors), cherchant les moyens de le soulager; mais elle me répondait : Mon royaume n'est pas de ce monde; .•• et moi qui aimais le peuple, qui souffrais de ses souffrances, qui brulais de travailler à l'amélioration de son sort, je frémissais d'être ministre d'une religion dont le royaume n'était pas de ce monde .•• Aussi, dès que j'eus compris que la religion n'était plus en harmonie avec les besoins de la société, je me hâlai d"abandonner un sacerdoce qui n'était plus selon Dieu. »Si j'avais cru pouvoir rester prêtre catholique sans mentir à Dieu, aux hommes et à moi-même, je le dis en vérité, je le serais encore. Si j'avais eu foi en la puissance de la religion (catholique) pour soulager l'humanité souffrante, pour rallier les hommes et les conduire à un bonheur réel •••• non je n'aurais pas quitté ma paroisse. •Depuis Iongtemps je voyais la décadence de la religion; je n'ignorais pas que les Luther, les Cahin, les Voltaire, les Rousseau, les Volney sapaient les fondements de ce bel et antique édifice. Je ne comprenais point quels motifs pouvaient porter ces esprits éminents à faire une guerre si acharnée à une religion qui avait fait tant de bien à l'Humanité : Dieu, disais-je, a promis d'ètre avec son Eglise jusqu'à la fin des siecles; d'où vient qu'un Dieu vrai et tout puissaut permet à l'homme de porter la main sur son ouvrage? D'où vient que les peuples, QUI se trouvèrent heureux de vivre pendant des siècles sous l'influence de cette religion, s'en éloignent aujourd'hui, désertent les temples, font plus, irrités parfois par de trop grandes douleurs, maudissent la religion chrétienne et, passant devant l'image du Christ: Non non, disent-ils en branlant la tête, tu n'es pas notre rédempteur, tu ne nous a pas rachetés de l'esclavage du démon; car le démon du peuple, c'est la misère et l'ignorance, et cette misère et celte ignorance pèsent encore sur sa tête, l'accablent ! D'où vient que la religion, autrefois l'amie, la protectrice du peuple, qui défendait si dignement sa cause devant César, s'abandonne aujourd'hui à la merci des tyrans? . C'est . ainsi que, réfléchissant sur l'état actuel de la religion dont j'étais ministre, Je ne comprenais point cet état. C'est pourquoi lorsque j'ai entendu dire aux pauvres: «La religion n'est plus notre mère, et ses ministres ne sont plus nos pères!» alors, le cœur navré, j'ai eu honte de mon ministère, et, songeant à ma position sociale, j'ai eu horreur de moi-même. De lâches considérations,- Je ne crains pas de les caractériser ainsi,-me firent continuer encore pendant deux ou trois mois mes fonctions ecclésiastiques, quoique je n'eusse plus foi en la sainteté de mon ministère; mais Dieu sait avec quelle répugnance l Quoi l aimer ses semblables et les tromper l croire en Dieu, se dire son ministre, être payé comme tel par mon pays, et enseigner le mensonge l je ne puis y songer sans frémir! .... Si Jamais, adressant la parole à mes semblables au nom de la Divinité, je parle autrement que je pense, que ma langue sèche dans mon . palais, et que mes bras se pétrifient! "

. 4 - Hygiène : De la réversibilité des maladies (2) : Charles Soudan

D'une " incroyable" ACTUALITE en 2021 ....: symbole des ravages du capitalisme naissant et finissant aujourd'hui dans l'absurde industriel mondialisé : là où l adoctirne Lerouxienne comprend toute sa sainteté scientifique interdisciplinaire, 170 années plus tard ...

Dans un précédent article, nous avons essayé de démontrer comment, dans notre société d'égoïsme et d'exploitation de l'homme par l' homme, les maladies de toute nature qui accablent les classes ouvrières sont forcément inoculées aux classes privilégiées par le fait même de l' immoralite de ces dernieres. Et, argumentant de cette solidarité étroite, nous avons conclu en faisant appel à l'intérêt de nos gouvernants, à défaut de cœur, pour qu'il s'occupent sérieusement de l'amélioration physique et morale des populations laborieuses des villes. Aujourd'hui nous reproduirons la même conclusion relativement à une classe d'hommes qui est, sans contredit, la plus nombreuse et la plus souffrante de l'échelle sociale; nous voulons parler de la grande famille des cultivateurs.

Est-il un citoyen qui soit plus utile à ses semblables et mérite plus l~ sollicitude des philanthropes que le pauvre habitant des campagnes? Toute sa vie, consumée dans le cercle des plus rudes trava.ux, n'est à vrai dire qu'un dévouement perpétuel à la chose pubhq~~· On peut le d(~clarer hardiment, de tous les hommes que Dieu a crees, le, paysa:i es.t celui qui travaille le plus pour la société, et pourtant c est lm qm est le plus mal nourri, le plus mal vêtu , le plus mal. logé, le plus.exploité .et le plus méprisé. Chaque année, et chaque Jour, du œatm au smr, sa vie est consacrée au rude travail de la terre.

Il faut qu'il en retire d'abord à tout prix de quoi nourrir les villes, et ensuite, s'il est possible, de quoi faire subsister sa famille. Il livre son meilleur blé; il abandonne les meilleurs produits de ses vignes, les plus beaux fruits de ses vergers, le lait, la laine et la chair de ses troupeaux. Il fournil à l'Etat ses défenseurs les plus nombreux, les plus fermes et les plus fidèles. C'est encore lui qui, your une triste récompense, paie, à la place du bourgeois, cet impot de la chair et du sang que l'on appelle le service militaire. Enfin, au moindre signe du riche, il envoie sa femme ou sa fille dans les villes, pour régénérer, par un lait généreux, le sang appauvri des, enfants ui viennent de naître dans l'opulence. Et, your tant de services, quelles récompenses la société donne· t-elle a ces précieuses familles de travailleurs? Il faut le dire à la honte de notre prétendue civilisation, le sort des habitants des campagnes est aujourù'hui, comme par le passé, celui que l'on pense le moins à améliorer, sans doute parce que le pauvre cultivateur est pacifique et résigné de sa nature, et que, s'il est celui qui souffre Je plus, c'est aussi celui qui se plaint le moins.

Dès à présent l'on peut remarquer de quelle manière funeste l'ignorance et la soif immodérée du lucre chez les paysans réagissent sur toutes les classes de la société. Ainsi, toutes les races d'animaux  qu'ils possèdent étant mal nourries, accablées de mauvais traitements  ou de travaux excessifs, tendent de plus en plus à dégénérer et à s'abâtardir. L'insalubrité des étables et le manque de soins causent  parmi elles des altérations graves, qui tantôt mettent leur vie tantôt se manifestent extérieurement par ces horribles  maladies contagieuses particulières à certaines races d'animaux, ou  bien encore donnent naissance à cet autre mal profond qui ne pardonne jamais et que l'on appelle la phthysie pulmonaire.

Ce n'est pas tout; dans un grand nombre de départements, les  paysans ne consentent à abandonner au boucher leurs bestiaux que  quand ils sont trop vieux ou atteints de maladie mortelle.

 On sait que les environs de Paris sont habités par une classe de paysans appelés nourrisseurs, et dont la profession est d'apporter  chaque jour à la capitale des quantités considérables de laitage plus ou moins falsifié.

Mais on ne sait pas combien il peut être dangereux  de se nourrir d'un semblable aliment; non pas à raison de l'élément de falsification, qui est en général assez innocent, mais parce que  ce laitage provient la plupart du temps d'animaux pulmoniques.

Les  nourrisseurs, pour obtenir de leurs bestiaux le plus de lait possible,  les tiennent constamment prisonniers dans l'étable, et leur donnent  à profusion les substances les plus nutritives et les plus propres à  la sécrétion lactée. Or ce régime contre nature a pour  r ésultat inévitable d'épuiser rapidement les forces de ces malheureux animaux et de développer en eux, au bout de quelque temps, le germe funeste de la phthysie. Quand le mal est arrivé à un certain degré, le nourrisseur conduit l'animal au marché, où, moyennant une prime de laisser-passer à l'inspecteur, il est acheté pour la petite boucherie.

ll existe en France une foule de villes autres que Paris, où ce même système de falsification et de détérioration des substances  est pratiqué depuis longtemps et avec la même impunité. 

Eh bien! croira-!-on qu'il soit sans danger pour les habitants des villes de se nourrir , eux et leurs enfants , de lait ou de viande  provenant d'animaux à l'état de phthysie plus ou moins avancée? Sans doute il n'a point encore été fait, que nous sachions, d'analyses chimiques rigoureuses de pareilles substances; mais il y a tout lieu de croire que les principes alimentaires qu'elles contiennent sont viciés, et qu'une fois introduits dans l'organisme débile de l'habitant des villes, ils y doivent causer, après un laps de temps plus ou moins long, les plus graves désordres et souvent la mort.

Et quand, d'après les statistiques, nous remarquons que l'implacable phtysie pulmonaire, vulgairement appelée maladie de poitrine, sévit surtout avec violence · à Paris et dans les villes les plus populeuses de notre France, nous ne pouvons nous empêcher de penser que l'une des causes les plus actives de la naissance ou du développement de ce fléau est due principalement à la détérioration des aliments. S'il en est. ainsi, s'il est vrai que le sort malheureux de l'habitant des campagnes réagisse d'une manière aussi funeste sur celui des classes privilégiées, il est évident que ces dernières ont le plus grand intérêt à s'occuper immédiatement de l'amélioration physique et morale de la classe nombreuse des cultivateurs.

. 5 - De la réhabilitation du travail Physique : par LP de Belgique

L'auteur, un lectuer belge écrivant à la Revue Sociale, analyse la sociét en deux groupes : les travailleurs physiques, exténués et ruinés physiquement et les oisifs intellectuels ne faisant plus aucune action physique et ne ressemblant ainsi plus à l'Homme : 

Aussi voyez autour de vous les résultats de ce système: les fruits sont en tout dignes de l'arbre qui les a produits. Ici, ce sont des êtres atrophiés dans leur nature morale, et n'ayant presque plus de  l'homme que la forme extérieure; ailleurs, c'en est d'autres ruinés dans leur constitution physique, impuissants pour tout ce qui  ne ressort pas immédiatement de l'intelligence, raffinés, exaltés  aux choses de l'esprit, gens enfin aux desirs d'aigle, aux ailes de chauve-souris. Quant à nous, dans notre complexion toute  plébéienne, vivement porté, et nous le sommes chaque jour davantage,  à prendre en dédain les professions exclusivement pensantes, nous l'avouons, nous méprisons ceux-ci autant que nous plaignons les autres. Aussi, tout plein d'ailleurs de charité pour tous, nous ne  saurions plus guère professer d'estime que pour ces bataillons sacrés  de l'Humanité, que pour ces deux phalanges parties de rangs opposés, et qui, marchant incessamment l'une au devant de l'autre, sont  aujourd'hui tout près de se toucher et de se confondre.

Aussi nous ne saurions nous élerer assez contre un système délétère, et que nous regardons à bon droit comme l'un des plus grands vices radicaux de l'organisation sociale actuelle. Aussi longtemps que, de par l'argent, il y aura de fait des classes privilégiées, aussi longtemps que la société sera divisée en deux camps opposés, bien souvent hostiles; que, les classes supérieures méprisant les travaux du corps et n'étant exclusivement réservé les fonctions intellectuelles, les classes inférieures resteront forcément et fatalement condamnées,  sans compensation, à tous les travaux les plus abrutissants et les plus rudes; aussi longtemps que le travail physique· n'aura pas été remis en honneur , et que, grâce à la constitution actuelle, il sera justement considéré comme une peine, voire même comme un châtiment; il n'y aura ni paix solide, ni vrai bonheur pour personne, l'égalité ne se fera pas sur la terre, le règne de la fraternité ne nous adviendra pas.(...)

nous concevons que le travail physique, si bon pour le corps, sain pour l'esprit, peut être relevé, sanctifié même aux yeux de tous. Pour cela, il faut avant tout parvenir à lui enlever son caractère affectif; il faut que son organisation soit telle qu'il puisse être librement et volontairement accepté par tous, comme chose honorable et bonne en elle-même autant qu'indispensable et salutaire,  quant à ce qu'il pourra conserver inévitablement encore de pénible et même d'abject, il faut, pensons-nous, qu'il soit exalté par cette pensée du Christ appelant et consolant les humbles : "Celui-là se ra le premier, qui aura eté le serviteur de tous."

. 6 -Fusillade à St Étienne

Les tristes événements· qui viennent de se passer à Saint-Etienne inspirent à M. Cabet, dans le dernier numéro du Populaire(1)  des plaintes touchantes et de sages réflexions:

Près de six. mille ouvriers passent leur vie dans les houillères dans le bassin de la Loire, vers Saint-Etienne. Leur travail souterrain est  pénible dégoûtant périlleux les exposant souvent à la mort par l'eau' Je feu' l'asphyxie, les éboulements; et leur salaire est si faible  qu'à peine gagnent-ils assez pour vivre de pain, de pommes de terre  et d'eau sans plaisir sans avenir.

Mais les nombreuses compagnies qui exploitent les mines de houilles se réunissent, s'associent, ou se coalisent et se concentrent achètent même le chemin de fer et le canal pour ne plus se nuire  par la concurrence' pour diminuer les frais' pour réaliser plus d'économies, pour accaparer et monopoliser, pour dicter la loi à tout  le monde pour diminuer le salaire des ouvriers pour augmenter le prix de la houille , pour s'enrichir aux dépens des travailleurs de l'industrie et du public.

Les ouvriers refusent de travailler, et engagent leurs camarades à  faire grève avec eux. On appelle les gendarmes, qui en arrêtent six. Leurs camarades veulent les délivrer. On appelle le général et le procureur du roi,  qui accourent avec une compagnie d'infanterie, et qui, après avoir  fait charger les armes, ordonnent d'emmener les prisonniers en présence 1e leurs camarades, de leurs femmes et de leurs enfants.

Alors des cris, même quelques pierres sans que ceux qui les  lancent réfléchissent qu'ils vont fournir un prétexte à de barbares  violences, et tout compromettre en se compromettant eux-mêmes.

Sans aucune, dit-on, des sommations prescrites par la loi, sans le moindre sentiment d'humanité, on fait tirer sur ces malheureux  comme s'ils n'étaient pas des hommes! Deux tombent morts, et  plusieurs sont grièvement" blessés.

Vous devinez l'irritation et la colère! Nouvcaux cris nouvelles  pierres .... mais nouveau feu roulant, nouveaux morts et beaucoup  de blessés: ... Puis la troupe emmène ses prisonniers.

Vous devinez encore l'indignation et la fureur dans toute la  contrée .... Tous les  mineurs quittent leurs puits. Que de sang va peut-etre couler! Mais le pays est inondé de soldats apportés sur les chemins de fer; et si l'on bouge, gare la fusillade!

. 7 - Poésie : par Edmond Tissier

Rubezahl(Nous trouvons dans Je livre cité plus haut de M. Dupont-White une'ballade Inspirée à un poëte allemand, M. t'rciligrath, par les souffrances des ouvriers de la Silésie, et qui se lie d'une façon très ingénieuse à une légende populaire. -Rübezahl est un esprit bienfaisant des montagnes, un gnome qu'on se représente com'me fantasque et précieux, espiègle et lutin, mais bon,-et secourable aux voyageurs, surtout aux enfants, dont il égaie les promenades par des mystifications inoffensives, et qu'il ramène au logis lorsqu'ils s'égarent.)

L'enfant de tissier va dans la forêt pour vendre une chemise à Rubezhal : il l'appelle et en attendant racionte ses espoirs : au bout de trpois appels et d'espoir grandissant, l'enfant pleure et se résoud à rentrer, épuisé, ou son père devra encore tisser sans avoir vendu et peut le linceul même pour son enfant.

Le suicide : Edmond Tissier, ouvrier imprimeur lytographe

Dier le maître lui..d!t : «Votre corps est sans ·force, »

Comme un ârbre trop vieux vous n'avez que l'écorce; ,,

Je ne puis plus longtemps vous occuper chez moi. »

Lors il envisagea l'avenir sans effroi. Il vit qu'il lui fallait gueuser sa nourriture,

Ou mendier des grands la noble signature

Pour avoir la faveur d'un lit à l'hôpital. Il se dit qu'après tout, si la vie est un mal,

De ce vieux vêtement l'homme fort se délivre, :Et qu'une belle mort vaut mieux que de mal de Vivre

D'ailleurs, si Dieu défend d'attenter à nos jours, Notre pain quotidien, il nous le doit toujours.

Il arrangea sa mort avec un calme antique. A force de souffrir, cet homme était stoïque.

Né sans place au soleil, pauvre et tout seul, alors Il avait combattu quarante ans, corps à corps,

L'implacable misère; et le hideux squelette N'avait pu fatiguer les membres de l'athlète, (...) 

Quand, le trom ant trop vieux, on le jette aux ferrailles,

Il peut, comme Caton, déchirer ses entrailles,

Plutôt que de salir sa vie et son honneur

Des haillons repoussants d'un mendiant moqueur.

Il meurt, mais sans draper sa toge consulaire,

Et sans montrer au ciel le poing avec colère,

Sans sourire à la mort comme un gladiateur,

Doux , calme, résigné, comme un homme de cœur

Qui sent un glaive nu déchirer sa poitrine,

Et,. sans jeter un cri, rend son âme divine.

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