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La controverse entre Hans Kelsen et Eric Voegelin en théorie du droit et en théorie politique
Il s'agit de la version de soutenance. Pour la version publiée : La controverse entre Hans Kelsen et Eric Voegelin en théorie du droit et en théorie politique, Préface du Pr. R. Baumert ...
d. La recherche d’une Grundnorm transcendante ?
841. On a vu que pour Kelsen, la validité d’une norme ne peut avoir comme fondement que
la validité d’une autre norme qui lui est supérieure au sein d’une hiérarchie de normes. Voegelin
considère que cela revient à former un ordre clos refermé sur lui-même à l’aide de la supposition
d’une « norme fondamentale », ce qu’il rejette avec véhémence. Selon lui, le système juridique n’est
pas auto-fondé et ne peut pas être fermé sur lui-même. La hiérarchie des normes ne doit pas être
close en son sommet par une norme fondamentale coupée de tout rapport avec la transcendance.
Pour Voegelin, la Grundnorm de Kelsen a le défaut d’être immanente, purement humaine et créée
par les hommes, même s’il s’agit pour Kelsen que d’une hypothèse heuristique. Dans les Religions
politiques, il dénonçait déjà « la hiérarchie immanente à l’Etat des fonctions et des normes [qui] s’est
autonomisée et fut capable, après la décapitation de Dieu, de s’accorder avec n’importe quelle
symbolique de légitimation »2323. Comme le fait remarquer P.B Cliteur, le sommet de la hiérarchie
des normes kelsénienne se trouve être « the human-norm-beyond-which-there-was-no-norm »2324. Et comme
nous venons de le voir, il est impensable pour Voegelin de croire sérieusement que la validité des
normes ne peut s’apprécier qu’au strict niveau juridique et intramondain2325. Il écrivait déjà dans La
Nouvelle science du politique que « la science commence à partir de l’existence préscientifique de
l’homme, de son insertion dans le monde avec son corps, son âme, son intellect et son esprit » 2326.
La hiérarchie des normes doit donc se poursuivre au-delà du droit, jusqu’à la loi divine, afin de faire
l’expérience de « la réalité transcendante »2327. Autrement dit, le droit doit se comprendre au-delà
de lui-même, et pas uniquement en lui-même. De sorte que, face à la Grundnorm immanente de
Kelsen, Voegelin semble chercher la fondation juridique d’une Grundnorm transcendante. C’est en
ce sens que la conception du droit de Voegelin présente de très grandes similitudes avec celle de
Bodin où « la hiérarchie se poursuit jusqu’à Dieu »2328, tout particulièrement dans le troisième livre
de la République 2329. Voegelin oppose ainsi dans son cours la hiérarchie des normes de Kelsen qu’il
rejette, et la hiérarchie des normes de Bodin à laquelle il semble souscrire2330. Pour lui, cette
hiérarchie prend la forme d’« un seul et unique flux de puissance divine qui s’écoule depuis sa
source sur toutes les marches de la pyramide pour atteindre la base »2331.
842. Comme Voegelin fait culminer la norme fondamentale en Dieu, plus exactement dans
l’expérience tensionnelle des hommes avec la transcendance, la validité des normes ne repose plus
sur le fondement d’une Grundnorm « relative » (parce que hypothétique), mais transcrit au contraire
la vérité divine. La norme devient alors « une proposition vraie concernant le « devoir-être » dans le
sens ontologique »2332. En effet, comme le fait remarquer P.B Cliteur, « Voegelin parle du droit
comme articulant l’ordre vrai »2333. Cette recherche de la vérité constitue un des points de divergence
les plus marqués avec Kelsen : en effet pour celui-ci tout droit fonde une valeur morale
nécessairement relative et il est impossible de parler de vérité à propos des normes elles-mêmes.
On observe donc qu’en totale opposition avec le positivisme juridique, Voegelin nie la dualité
Sein/Sollen et affirme la possibilité de découvrir, à travers l’expérience de la participation des
hommes à la transcendance, le statut ontologique du devoir-être. Comme il le dit dans la Nouvelle
science du politique : « l’ordre véritable de l’âme peut devenir le critère pour mesurer à la fois les types
humains et les types d’ordre social, dans la mesure où il représente la vérité concernant l’existence
humaine à la frontière de la transcendance »2334. Une telle conception du droit fait aussi penser à la
François LECOUTRE | Thèse de doctorat
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théorie du droit naturel de Thomas d’Aquin dans la Summa Theologiae pour qui, il était évident que
le droit naturel n’était rien d’autre que la participation des créatures rationnelles au droit éternel2335.
Ainsi, on constate que Voegelin réintroduit le droit naturel au sommet de la hiérarchie des normes,
et comme les jusnaturalistes, ne fait pas la distinction Sein/Sollen puisque le droit naturel est censé
refléter l’ordre vrai. Un tel « cognitivisme axiologique » vient ici clairement s’opposer au non-
cognitivisme des valeurs et à la neutralité axiologique défendus par Kelsen dans sa théorie pure du
droit.
843. La vérité divine, – ou pourrions-nous dire encore la vérité humaine comme les deux « ne
font qu’un »2336 –, est perçue par certains hommes via des symboles. Ces symboles représentent
donc la vérité et constituent « la source de l’ordre juste dans l’expérience humaine »2337. Voegelin
distingue trois types de vérités dont l’homme ne doit pas se couper : « les récits mythiques, nés des
hiérophanies primitives, sont à la source d’une vérité dite « cosmologique » ; la découverte grecque de
la psychê comme source de différenciation induira une vérité dite « anthropologique » ; et la perspective
eschatologique du christianisme inaugurera un type de vérité dit « sotériologique » »2338. Ces trois types
de vérité donnent lieu à trois formes de symbolismes différents, dont chacun exprime « un rapport
propre de l’homme à la réalité »2339. C’est entre ces trois symbolismes différents que Voegelin
semble établir une sorte de hiérarchie, en insistant sur le niveau de réflexion supérieur de la
théophanie grecque et surtout chrétienne par rapport au caractère compact du symbolisme des
sociétés archaïques et au caractère déformé du symbolisme contemporain. Voegelin accorde donc
plus d’importance aux vérités anthropologique et sotériologique qu’aux vérités cosmologique et
contemporaine. On retrouve plus spécifiquement encore dans Race et Etat des symboles de deux
types : des symboles politiques religieux, plus anciens, comme celui du corpus mysticum Christi, et des
symboles politiques sécularisés, plus récents, comme celui de la race. Comme à son habitude,
Voegelin déplore la perte de la transcendance car pour lui « l’ordre politique repose
fondamentalement sur une expérience « religieuse », au sens où l’homme s’expérimente lui-même
comme « adressé » par le divin »2340. Ainsi, le religieux constitue la substance du politique, et la
substance du politique constitue le fondement de la normativité du droit.
e. Le devoir-être au sens ontologique
844. Pour Voegelin, l’ordre de l’existence d’une société n’a rien de mécanique ou
organique mais dépend de la volonté des hommes de trouver et maintenir cet ordre dans le cadre
d’une tension ontologique fondée dans le transcendant2341 : « Il y a la tension […] dans l’ordre social
entre le principe et la réalisation, entre la réalisation et la potentialité de sa faillite, entre un
tâtonnement pour la croissance de l’ordre et la cristallisation de cette connaissance en règles
articulées, entre l’ordre tel que projeté et l’ordre tel que réalisé, entre ce qui doit être et ce qui
est »2342.
845. Au lieu de faire du Sein et du Sollen deux domaines séparés comme Kelsen, Voegelin
cherche à les réconcilier à l’aide de son concept de « tension ». Comme le commente Timothy
Fuller, « l’ordre est découvert par essais et erreurs dans une tension inévitable entre ce qui est et ce
qui doit être »2343. Dès lors, la philosophie du droit ne doit pas se satisfaire de l’un ou l’autre de ces
deux domaines car l’ordre de la société est concerné par les deux pôles, l’être et le devoir-être, le
fait et la norme.
846. Voegelin écrit dans son cours : « L’homme a l’expérience de la participation à travers
son existence dans un ordre d’être qui embrasse non seulement lui-même, mais aussi Dieu, le
monde et la société. C’est l’expérience qui peut devenir articulée par la création de symboles de
l’ordre […] tels que la maât égyptienne, le tao chinois ou le nomos grec »2344. Cette citation
correspond précisément à la présentation de sa philosophie de l’histoire dans son premier volume
d’Ordre et Histoire, Israël et la Révélation, où il expose sa « symbolisation de l’ordre ». Dès la première
phrase, il nous indique que « Dieu et l’homme, le monde et la société forment une communauté
d’être originelle ». Pour lui, cette forme quaternaire de la communauté est une « donnée de
l’expérience humaine » à travers la participation de l’homme au « mystère de l’être » ; mais n’en est
pas une « à la manière d’un objet du monde extérieur
847. Voegelin ajoute dans son cours que « l’homme expérimente l’anxiété d’une chute
possible de cet ordre de l’être », que la réalisation de l’ordre de l’être dans la société constitue « le
fardeau de l’homme »2346. Cette idée, on la trouvait déjà dans son manuscrit Rechtslehre (1930) où
l’« angoisse » heideggérienne, constitutive du Dasein, était au cœur de son anthropologie
philosophique du droit (voir supra). En des termes encore plus proches, on la retrouve à nouveau
dans Israël et la Révélation (1956) où il qualifie l’homme non pas de « spectateur autonome » mais
d’« acteur qui joue un rôle dans le drame de l’être » sans pour autant connaître la pièce dans laquelle
il joue ni son rôle2347. C’est même « du plus profond de cette ignorance ultime que sourd l’angoisse
de l’existence ». Cette angoisse ou cette inquiétude de l’homme au sujet du sens de son existence,
au lieu d’être refoulée, doit permettre de créer des symboles capables d’« acquérir d’importantes
connaissances en ce qui concerne l’ordre de l’être » et de « rendre intelligibles […] les tensions entre
les termes »2348. Et c’est bien ce qu’essaye de faire Voegelin dans son cours puisque c’est à l’aide du
concept de « tension » qu’il tente de rendre intelligibles les expériences du « devoir-être au sens
ontologique ».
848. Ce devoir-être au sens ontologique n’est pas un « postulat » ou une « norme », il « n’est
pas dérivé d’une volonté subjective, mais est donné dans l’ordre de l’être »2349 au sein de la tension
expérimentée entre l’ordre de l’être et la conduite de l’homme2350. Le problème de l’ordre concerne
précisément la tension entre la construction empirique et l’ordre vrai. Voegelin fait ainsi dériver la
normativité d’une règle de la « tension ontologiquement réelle dans l’ordre de la société »2351.
849. À partir de cette tension ontologique, Voegelin distingue trois composantes de la
normativité d’une règle qui, selon lui, formeraient une « unité inséparable »2352 :
a. L’information au sujet de la vérité de l’ordre : lorsque la règle décrit un type d’action
que les hommes doivent faire ou non, la règle donne une réponse vraie à la question de ce qui
« doit » être fait au sein de l’ordre concret de la société. Sous cette composante de la normativité,
la règle est « une proposition vraie concernant le devoir-être au sens ontologique »2353.
b. L’appel à réaliser la vérité de l’ordre : « la normativité de la règle contient, en tant
que seconde composante, un appel à ceux auxquels elle s’adresse pour intégrer la vérité au sujet du
devoir-être dans leurs vies »2354.
c. La troisième composante de la normativité de la règle, c’est la « prétention à être
entendue ». Le droit prétend même être connu. L’ignorance du droit ne nous disculpe pas, c’est
pourquoi le droit est rendu « public »2355.
850. On peut remarquer ici que pour Voegelin le droit est droit car il informe sur la « vérité »
de l’ordre (composante 1). De son côté, Kelsen aurait assurément rejeté l’emploi d’un tel
vocabulaire. Pour lui, une norme ne peut pas être dite « vraie » ou « fausse », mais seulement valide
si elle existe ou invalide si elle n’existe pas. La proposition qui la décrit dans la science du droit,
constitue en revanche « un jugement » et peut donc être « vraie » ou « fausse »2356 : si elle décrit une
prescription qui existe au sein de l’ordre juridique, elle sera vraie, dans le cas contraire, elle sera
fausse. C’est là toute la différence que Kelsen établit entre le droit (prescriptif) et la science du droit
(descriptive). Mais pour Voegelin, une norme constitue une proposition vraie si elle se rapporte au
devoir-être au sens ontologique (composante 1) et si elle invite ceux à qui elle s’adresse à se
conformer à sa vérité (composante 2) qui est rendue publique (composante 3).
851. Notons que parmi ces trois composantes de la normativité d’une règle de droit, deux
dimensions semblent se retrouver : d’abord une dimension substantielle relative au devoir-être au
sens ontologique (composante 1), puis une dimension formelle ou procédurale (composantes 2 et
3) qui, à nos yeux, pourrait évoquer la « moralité interne » de Lon L. Fuller dans son livre The
Morality of Law (1964), sorte de grands principes d’un « droit naturel procédural »2357. Pour Fuller,
ces principes sont au nombre de huit : les règles de droit doivent être générales, portées à la
connaissance de leurs destinataires, non rétroactives, claires, non contradictoires, ne pas exiger
l’impossible, être stables et être appliquées par les autorités publiques2358.
852. D’un côté, Voegelin reproche à la dimension « procédurale » du droit de prendre trop
d’ampleur dans nos démocraties contemporaines et d’obscurcir son sens normatif, à savoir
« l’autorité personnelle » du droit2359. De l’autre, il intègre cette dimension procédurale du droit, en
l’occurrence le « caractère public de la norme juridique », dans l’expérience préanalytique du droit.
853. En effet, Voegelin observe que, souvent, on considère que la règle nous oblige, même si
nous n’avons jamais entendu parler d’elle. « Tout cela, [ajoute-t-il], sonne comme un jeu élaboré de
faire-croire. Platon le savait quand, dans ses Lois, il parlait de « jeu sérieux » ; et un philosophe et
historien de notre époque, Jan Huizinga, soulignait ce facteur dans son Homo Ludens »2360. Platon
opposait en effet son « jeu sérieux » de l’esprit au « jeu frivole des sophistes » par lequel « la
substance spirituelle de la culture hellénique »2361 était détruite. Voegelin explique que « la question
pratique du jeu », même si elle est un peu étrange, « est prise au sérieux dans toute société » : les
règles juridiques sont réellement supposées être des normes de l’ordre ; et les membres de la société
sont réellement supposés se conformer aux types d’action projetés par les règles. Ces suppositions
sont bien plus qu’une simple « fiction théorique »2362. Elles appartiennent à la sphère préanalytique :
toute société élabore « des arrangements dans sa sphère phénoménale dans le but de réaliser la
communication réelle »2363 de ces suppositions parce que, pour que les normes deviennent valides,
il faut au moins qu’elles puissent être entendues, à défaut de l’être vraiment. Suivant l’ouvrage de
Huizinga « fortement influencé par la théorie platonicienne »2364, Voegelin fait du jeu une
caractéristique fondamentale de l’homme en ce qu’il « possède cette qualité de transcendance » qui
lui permet de devenir « le véhicule d’un développement culturel à travers la création des mondes
spirituels dans les religions, les institutions juridiques, les langues, la philosophie et l’art »2365.
854. Cette sorte de « présomption irréfragable de connaissance »2366 qu’est l’adage nul n’est censé
ignorer la loi, est donc considérée par Voegelin comme un jeu sérieux de l’esprit situé dans
l’expérience préanalytique du droit, tout comme la maxime juridique Lex posterior derogat priori qu’il
avait précédemment comprise comme telle (voir supra). En cela, le processus de fabrication du
droit, qui permet à une société d’avoir une existence ordonnée dans le temps, est interprété par
Voegelin comme étant une partie ontologique du droit.
855. Voegelin trouve donc au cœur de l’ordre concret de la société le devoir-être au sens
ontologique, sorte de « devoir-être qui a une existence authentique »2367 et qu’il présente sous la
forme d’une « tension dans la société qui exige des efforts élaborés pour créer et maintenir l’ordre
et, avec l’ordre, l’existence même de la société »2368. Au centre ontologique de cette tension, se
trouve, certes, le processus de fabrication du droit, mais ce n’est pas le seul type d’effort pour
projeter et réaliser l’ordre de la société. « Cela n’est pas surprenant [explique-t-il], car l’ordre social
n’est pas uniquement l’activité des législateurs, mais aussi celle de tout membre de la société »2369.
À titre d’exemple, l’organisation de la vie personnelle de l’homme, quant à son travail, sa famille,
ses affaires, etc. participe aussi à l’ordre social. « L’existence humaine est sociale, et il n’y a pas de
ligne claire qui séparerait l’ordre personnel de l’ordre social »2370. En fait, « toute société bourdonne
de débats au sujet de la justice et de l’injustice »2371, de ce que le droit doit être ou ne doit pas être,
etc. – ce qui traduit in fine la tension entre les projets empiriques et philosophiques de l’ordre.
856. Qu’aurait pensé Kelsen de la notion de « devoir-être au sens ontologique » dont parle
Voegelin dans ce cours ? On peut s’en faire une en lisant la note 102 de sa Théorie générale des
normes2372. Dans celle-ci, Kelsen se réfère à un ouvrage de René Marcic, Le fondement ontologique du
droit (1965)2373, d’inspiration heideggérienne. Ce livre prétend apporter une nouvelle théorie
juridique « fondée sur l’être plutôt que sur le devoir-être » pour remédier à la « crise du droit » qui
est due à « l’oubli de l’être »2374 – expression heideggérienne s’il en est. Cette crise du droit aurait
été provoquée par « la faille qui s’est ouverte entre la région du devoir-être et le monde existant »2375.
Selon Kelsen, Marcic se réfère à Heidegger et à son idée que « le droit est déjà présent dès les
origines au moment de la naissance de l’être », qu’à partir de l’être « les nomoi agissent sur l’être
humain et déterminent son existence ». L’être humain n’est donc pas celui qui pose (ou crée ou
fabrique) le droit par sa volonté, c’est-à-dire par son activité, mais plutôt celui qui le reçoit, le trouve
par une « ouverture de soi à l’influence de ce qui est assigné [prescrit] »2376. En soutenant l’idée d’un
droit qui résulterait de la réceptivité originaire de l’être humain et de son ouverture à l’être, Marcic
refuse donc de reconnaître le droit comme une activité humaine et comme une technique sociale.
Kelsen n’a aucune difficulté à rejeter cette conception : « tous ces problèmes sont [pour lui] sans
raison d’être » et il rapporte cette thèse à ce qu’elle est effectivement, à savoir la thèse « aussi
ancienne qu’indéfendable du jusnaturalisme, selon laquelle un devoir-être serait immanent à
l’être »2377. Cette thèse prétend découvrir ou révéler le « vrai » droit dans la réalité comme
« émanation de l’ordre de l’être qui préexiste à l’homme », et qui en dernier ressort est de
provenance divine, c’est-à-dire issu de « la volonté normative de Dieu réalisée dans l’être »2378
François LECOUTRE | Thèse de doctorat
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857. Cette note comme l’ensemble de la Théorie générale des normes ne fait pas mention de
Voegelin. Mais il est aisé de reconnaître dans les thèses de Marcic des thématiques proches de celles
de Voegelin dans son cours de Jurisprudence, cours auquel Kelsen n’a sûrement pas eu accès faute
de publication. Notons par ailleurs que, lors du colloque sur le droit naturel auquel participèrent
Kelsen et Voegelin en 1963, Marcic était aussi présent et défendait, comme en témoigne la
discussion, une théorie du droit naturel fondée dans l’être très proche de la conception
voegelinienne du droit ici décrite. On trouve en effet chez eux un même rejet de la dualité
Sein/Sollen, une même assimilation de la validité à la vérité, de la norme à l’énoncé, du droit comme
objet d’étude à la science du droit. On relève aussi la même recherche d’un droit « vrai » et d’une
« ontologie du droit », ainsi que la même idée d’une réceptivité profonde de l’être humain dans
l’ordre de l’être. En somme, l’idée d’un droit ou d’une norme inscrit dans la réalité et que l’homme
n’aurait qu’à déchiffrer. Ce à quoi Kelsen avait très clairement répondu à Marcic, Voegelin et les
autres, lors du colloque de 1963, que « cette idée ontologique est une idéologie politique ! »2
Avec hypothèse de Réparations, en la création d'un NEW Master in " Archives-Testimonies-History of Philosophy-History of Right and Arts " , en actualisation de " Vers une Éthique appliquée " p...