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28 Novembre 2023

LBSKMC-CRIAEAU-IGSC E3R3 : Etude d'une possibilité de création d'intervention Criaeau, genre performance " France-Génocide des Tutsi au Rwanda : Biographie de l'archive / Témoignages / Histoire de la Philosophie : Réparations en Justice-Educations-Arts " dans la cadre du 30ème anniversaire avec l'association Cauri à Bègles-Bordeaux. Voire aussi Théâtre d'Or, Ibuka Usa & Ubumuntu International Festival Kigali 2024 :

Résiliences d'écrivains avec Adélaïde Mukantabana - Bien en Périgord

Résiliences d'écrivains avec Adélaïde Mukantabana - Bien en Périgord

MOT À MAUX. Adélaïde Mukantabana, rescapée du génocide rwandais, est autrice d'un récit poignant, L'innommable, publié en 2016 et d'une sorte de dialogue imaginaire et posthume avec son frè...

https://www.bien-en-perigord.fr/resiliences-decrivains-avec-adelaide-mukantabana/

« Les autorités françaises ont fait preuve d’un aveuglement continu dans leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent. L’alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État »

Témoigner , en Littérature ou Théâtre-Danse, relève d'un Acte de Citoyen(ne ) de la Terre, d'un Droit comme d'un Devoir, selon le Corpus de Lois Internationales ONU-UNESCO 1948, dont la Convention pour la prévention et la répression des crimes contre l'Humanité et génocide.

 

La récidive de génocide que fut le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, ébranla la communauté internationale , exactement 50 ans après les crimes contre le peuple Juif perpétrés par les nazis et condamnés au Tribunal de Nuremberg.

Depuis 30 ans, un courant négationniste français a tenté - sans commune mesure - d'altérer la pratique du Droit International, jusque par des productions de Faux en Justice ( condamnés par la Justice française en 2020 ) , par des propagandes du " double génocide ", par des propagandes ethnico-racistes, par des minimisations et censures, qui n'ont cessé d'entraver la publication des Témoignages, la recherche, l'éducation, la Justice et donc l'application du Droit International.

La publication du rapport Duclert, après la condamnation de la propagande fausse de l'affaire Bruygières, donne à voir combien en ces 30 années, la France est passée d'un déni total ancré dans une vision raciste et ethniste, à un déni agressif ayant tenté d'accuser le FPR de double génocide, puis d'un déni minimisateur reconnaissant une " responsabilité française dans le génocide des Tutsi", jusque donc une reconnaissance factuelle d'une lourde responsabilité, dans une vision raciste et ethniste, tentant encore néanmoins de nier la complicité juridique de la France dans le génocide des Tutsi : « Les autorités françaises ont fait preuve d’un aveuglement continu dans leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent. L’alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État »

En ces 30 années de négationnisme larvé, La France est passé d'une obstruction totale en Justice, à un déblocage minimaliste, jusque une pratique très lente qui a donné lieu néanmoins à quelques procès de génocidaires rwandais ayant été dissimulés en France pendant de longues années.

Par ailleurs, la recherche internationale jusque au Rapport Muse depuis le rapport Mucyo, a été documentée par un ensemble de Témoignages, de publications et d'articles, voire de créations Arts ( Groupov-Criaeau ) où nombre d'auteurs, de survivant(e)s, d'associations et ONG ( Ibuka - Survie - CPCR - Fédération Internationale des Droits Humains, entre autres ...) n'ont cessé de dénoncer le REEL d'une complicité juridique de la France dans le génocide des Tutsi, depuis les ventes d'armes et logistiques et aides-supports à la formation de l'armée génocidaire dans le savoir d'une idéologie raciste, ethniste et exterminatrice :  le Turning Point de février 1993, démontre à toutes et tous que, sur la base du Rapport Carbonare, le gouvernement français fut informé de la réalité prouvée par une commission d'enquête internationale d'un génocide déjà en cours au Rwanda, quand encore " toute la chaîne de la structure française " s'accorda sur le nécessaire retrait alors de l'armée française complice et formatrice des tueurs génocidaires : c'est ainsi que Jean Varret, chef de l'armée française au Rwanda condamna cette implication française, que les services secrets français publièrent une note au gouvernement pour acter ce retrait, que le ministre de la Défense Pierre Joxe, fit de même.

Or malgré ces 4 degrés d'alerte normative, FIDH, Armée française au Rwanda, services secrets français et ministère de la Défense, le gouvernement français nia le rapport Carbonare pour s'impliquer doublement dans l'envoi de nouvelles troupes et d'informaticiens pour constituer les fichiers racistes et ethniques des dits Tutsi à génocider.

Encore, outre la complicité de politiques et militaires français, des mercenaires français participèrent de l'aide dite " indirecte " de la France aux génocidaires rwandais, de l'opération dite " insecticide " jusque la formation du gouvernement génocidaire à l'ambassade de France en avril 1994.

L'envoi d'armes aux génocidaires malgré l'embargo de l'ONU est encore documentée voire même avouée par de hauts responsables français.

Encore, lors de la Mission ONU de niveau 7, la France en la mission dite " turquoise" manqua à tous les principes d'application de la Convention pour la prévention et la répression des crimes contre l'Humanité et génocide, en collaborant encore avec les génocidaires, en laissant massacrer encore de nombreux Tutsi à Bisesero, en n'arrêtant pas les génocidaires dans la zone dite " de sécurité " et , pire, en les réarmant encore au Zaïre en ce que sont toujours aujourd'hui les milices génocidaires dites " FDLR " qui sévissent toujours contre les tutsi congolais en 2023.

Aussi, malgré un savoir international porté depuis les survivant(e)s rwandais - FPR compris - et par un ensemble de chercheuses chercheurs internationaux jusque au rapport Mucyio et Muse, la France durant ces 30 longues années, s'est enfermée dans un tabou négationniste, entravant donc la pratique du Droit International, la Justice et l'Education, là où le rapport Duclert, qui n'est même pas à la hauteur d'une thèse de doctorat en sa méthodologie et éthique, a tenté de voir instrumentalisé par des historiens, le réel de la Justice : des historiens ont empiété sur la Justice et ont cru pouvoir conclure à une non complicité juridique, sans que les Juges français aient été convoqués, sans que les Juges français aient eu accès aux mêmes archives, sans que les Juges français aient en soi, été saisi par le gouvernement français , au su et au vu des études internationales, témoignages, reconstitutions et mises en Justice constituées par des ONG telle Survie.

La Performance Criaeau en élaboration, s'évertuera sur la base de Témoignages inédits, de rendre compte en ce constat, de la nécessité  de poursuivre les mises en Justice des complices français du génocide des Tutsi, pour encore devoir actualiser les structures en " genocides studies ", tant il est vrai que, depuis la conférence IGSC-CNLG de 2008 à Kigali intitulée " Le génocide des Tutsi et les champs de reconstructions des savoirs ", nombre de thèses de doctorats et études critiques philosophiques nous permettent, des archives au Corpus de Témoignages, de l'histoire de la Philosophie à la Littérature et Théâtre-Danse, et jusque la Psychanalyse, de rendre compte contre les pathologies négationnistes ( perdurées jusque contre les réparations de l'écocide ) de situer en la Matrice de Khun, l'évolution qui , des anciens paradigmes faux aux nouvelles coupures épistémologiques, invite à élaborer collégialement une " Matrice de réparation" dans la création d'un Centre de Recherches Internationales dédié à l'étude spécifique depuis 1994, de ce que représenta pour la communauté internationale, cet acte manqué, ses conséquences désastreuses jusque en les pathologies de dénis, et les récidives encore aujourd'hui de génocide-écocide.

Contre l'impunité et la continuation d'une destructivité génocidaire et écocidaire toutes deux suicidaires pour l'Humanité, cette Performance Criaeau exhorte à l'actualisation de la structure en " genocide studies " pour encore situer en la recherche internationale, le manque à penser qui depuis 30 années, a laissé une régression irresponsable conduire aux pires catastrophes récidivistes, tel qu'aujourd'hui ce mouvement antisémite mondial , symptôme 80 ans après la Shoah, d'un refoulement aussi hideux que criminogène, portés par des courants négationnistes de la Shoah, du génocide des Arméniens et du génocide des Tutsi, et qui doivent être condamnés pour que soient poursuivies les mises en éducations internationales telle ce que la Task Force Force For International Cooperation and Researches on Holocaust Education and Remembrance, avaient acté depuis 2010.

L'écriture et la mise en Work-In-Progress de cette Performance Criaeau sont basées sur le réel de biographies de l'archive, de témoignages, de publications doctorales et académiques internationales telle qu'en histoire de la Philosophie, de Lois internationales comme de décisions de Justice, dans la composition active d'une intervention interpellant, en ce 30ème anniversaire du génocide des Tutsi, le réel de la communauté internationale en la compréhension de ce que la résolution du cas de jurisprudence du dossier Rwanda " France complice de génocide des Tutsi " constitue aux yeux de toutes et tous, des Droits et Devoirs de la Communauté Internationale à appliquer le Droit International et enrayer la spirale de destruction et suicide conséquente aux pathologies négationnistes avérées depuis 1994, de la France aux autres pays.

Le tabou et négationnisme français a laissé la porte ouverte à une déresponsabilité internationale dont l'actuel de la situation mondiale et planétaire démontre les cas de récidives et l'impossible continuation du déni, cause du suicide international.

Ainsi, retrouver une Ethique appliquée en les bases normatives du Droit International, dans l'actualisation des structures de recherches et d'éducation ( jusque aux praxis arts ) , relève du DEVOIR de la communauté internationale, en sa promesse depuis le tribunal de Nuremberg et le corpus de Lois ONU UNESCO 1948, de garantir les Droits Humains à toutes et tous comme à chacune chacun, pour encore progresser en une perfectibilité de la Connaissance humaine et Responsabilité collective, et engager les Réparations concrètes pour la survie de l'Humanité et du Vivant, faune, flore et animaux au 21ème siècle.

Inachevé et en cours.

Laurent Beaufils-Seyam, écrit à Boussac le 28 novembre 2023 à 10 heures.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 / Intro Séductions du Bourreau / CL : 7 pages

 

On a fini par se lasser des victimes photogéniques qui constituent depuis près d'un siècle, le spectacle médiatique quotidien nous renvoyant à notre impuissance. Leur souffrance fait toujours l'ordinaire de nos journaux, et les survivants ont même acquis un certain statut à partir des années 1960 avec l'avènement de ce que l'historienne Annete Wieviorka a appelé « l'ère du témoin » , mais nos capacités d'empathie sont allées s'amenuisant. Après les cadavres squelettiques enterrés à la pelle mécanique au camp de Bergen-Belsen, les corps fondant d'Hiroshima, les suppliciés des guerres dites «  froide » et de décolonisation » soumis à la question ou brûlés au napalm, le ventre gonflé des enfants biafrais, la détresse des boat-people, les charniers cambodgiens et les écoles jonchés de Tutsi machettés, la victime reste un sujet vendeur donnant lieu à toutes sortes de concours entre artistes photographes, mais qui ne saurait soutenir notre intérêt plus que quelques secondes. Quant aux témoignages de rescapés, on ne s'y arrête pas davantage, surtout s'ils ont la dimension d'un livre entier. Les victimes, on les préfère en photos ; c'est encore ainsi qu'elles « parlent » le mieux. Dès lors à qui confier la rédaction des textes qui cernent ces clichés d'agonie ?

Au bourreau, bien sûr, figure montante de notre temps qui, profitant de ce qu'à « l'ère du témoin » tout le monde peut s'improviser « témoin », s'engouffre dans la brèche : détournant à son profit l'attrait suscité par ces images d'apocalypses, il vient concurrencer ses victimes sur leur propre terrain et les y battre à plat de couture, leur infligeant par là, une (deuxième) bonne correction.

Cette usurpation de la parole testimoniale par les bourreaux se pare volontiers d'un prétexte ( l'origine du mal ne doit-elle pas être recherchée dans le discours de celui qui l'inflige ? ) se recommande d'une pratique ( le tortionnaire a acquis une expérience voire une sagesse ), et suppose que le meurtrier se fasse passer lui-même pour une victime – mais de première catégorie, dolente créature mis au ban de la société pour avoir exterminé ses semblables quand on le lui ordonnait, cet éternel incompris traîne derrière lui un long chapelet de douleurs ardentes qui lui font regretter de n'avoir pas péri lors de son premier meurtre. Survivre lui a toutefois permis d'en voir ( et d'en commettre ) davantage, et ainsi d'en apprendre plus long sur la nature du Mal, à propos duquel il n'en finit pas d'avoir des révélations à nous faire ; et ses lamentations prometteuses ont fini par attirer l'attention sur lui.

En effet, le bourreau ne serait pas parvenu à imposer ses vues sans la complicité d'un réseau d'intellectuels diversement intentionnés, romanciers, journalistes, essayistes ou artistes qui, sans toujours mesurer la portée de leurs actes, le secondent activement sans sa tentative de recouvrir la parole des témoins survivants, en lui prêtant voix dans ses œuvres qui trouvent un écho souvent favorable auprès du public français, et un relais auprès d'une certaine critique qui se croit finement transgressive quand elle encourage ce genre d'entreprises, alors qu'elle ne fait hurler avec les loups. Las, quand ceux qui se font fort de revisiter la psyché des massacreurs s'emparent du sujet par la fiction, tout se simplifie. Le bourreau se plaint-il ? C'est qu'il est malheureux. Le bourreau cite-t-il Kant ? C'est qu'il est kantien. Résultant : c'est un meurtrier décomplexé qui sort aujourd'hui du purgatoire où on l'a trop longtemps relégué, et sa disgrâce passée ne fait que rehausser son prestige. Rachat lucratif pour certains : sa cote de popularité est telle, à l'heure de sa rédemption, que lorsque retentit le chant du bourreau l'on s'approche irrésistiblement, on achète Les Bienveillantes sans regarder à la dépense ni au nombre de pages. S'abîmer dans le monologue d'un nazi, même fictif, mérite bien quelques sacrifices.

C'est cette tendance à la réhabilitation des criminels politiques qui a cours aujourd'hui dans différents domaines – de la littérature au cinéma, en passant par le droit et la philosophie – et la dynamique relativiste qui l'anime, que nous entreprendrons de rendre manifestes dans cet essai. Nous examinerons le phénomène dans ses différentes configurations – réflexe de victimisation du bourreau en littérature, revalorisation des « penseurs nazis » en philosophie, bienveillance croissante de la République française à l'égard des criminels contre l'Humanité dans le domaine politique, etc. -, et confronterons à la parole creuse des bourreaux non fictifs, exaspérant de bonne conscience, les discours sensés, parfois même émouvants, que leurs adjuvants s'ingénient à leur faire tenir dans la fiction, afin de dégager les enjeux éthiques, politiques et idéologiques à l’œuvre dans ce genre de productions.

La faveur dont bénéficie aujourd'hui le meurtrier de masse – auteur de crimes de guerre, crime contre l'Humanité ou crime de génocide – nous semble procéder d'un sentiment troublant qui hante les esprits de nos contemporains et pourrait se résumer en un syllogisme :

 

Tous les bourreaux sont des hommes ordinaires

Or les hommes ordinaires, c'est nous tous,

Donc nous sommes tous des bourreaux

 

La majeure de ce syllogisme boiteux provient du titre ( très souvent cité ) d'un ouvrage ( trop peu lu ) de l'historien Christopher Browning consacré au 101è bataillon de la police allemande du Troisième Reich, qui fit quelque 83 000 victimes civile en seize mois : Des hommes ordinaires. Le bourreau a forme humaine, en effet, et des circonstances atténuantes, certainement ; de là à considérer que ses assassinats ne l'ont pas fait dévier de la norme humaine « ordinaire », il y a un pas...que l'on franchit allègrement aujourd'hui. Et tant pis si, en entérinant l'humanité des criminels, on banalise leurs crimes, car cela permet de retomber sur une autre formule en vogue, la « banalité du mal », qui ( pour peu que l'on déforme la définition qu'en a donné Hannah Arendt ) donne à peu près ceci : l'espèce humaine étant vouée au mal par nature, le bourreau ne fait rien d’extraordinaire ; alors cessons de le dédiaboliser et employons notre énergie à être plus suspicieux envers nous-mêmes. Quoi qu'il en soit de la validité de la première prémisse, apparemment inoffensive, elle accouche donc, au contact d'une mineure elle-même bénigne, de milliards de monstres. En effet, si les bourreaux sont des hommes ordinaires, les innocents ordinaires que nous sommes se révèlent être in fine des monstres sanguinaires. La réhumanisation des criminels, qui permet que l'on se reconnaisse en eux, conduit en fait à diaboliser les criminels qui s'ignorent auxquels conclut le syllogisme, c'est à dire nous tous. On se croyait hommes et l'on se découvre fauves, voilà qui est pour le moins excitant.

Faute toutefois d'être passés à l'acte comme ceux qui ont actualisé leur potentiel de destruction massive, on écoute les bourreaux nous raconter leur voyage en terre d'inhumanité – dans les camps de concentration, les centres de torture ou les marais rwandais. Vivre l'extermination coté bourreau, c'est l'assurance de s'offrir les sensations fortes que les victimes à elles seules, trop commotionnées pour être fiables, c'est bien connu, ne sont pas en mesure de nous assurer : censément plaintifs, leurs livres sont trop démoralisants, et l'on souhaite de plus dynamisantes lectures. Le bourreau , lui, a fière allure et dit les choses comme elles sont – du moins, c'est ce qu'il prétend. On prête donc grande attention au récit de ses exploits dévastateurs censés illustrer les excès dont les hommes ordinaires que nous sommes, ne se seraient pas cru capables. Son mystérieux dévoiement, qui en fait un héros autrement plus affriolant que le Juste, permet à tout à chacun de se rêver en brute.

 

Il ne manque plus, dès lors, qu'un alibi pédagogique pour pouvoir assister en toute bonne conscience au spectacle réjouissant de la mue d'un alter ego. Alors on se persuade que l'on va découvrir dans les méandres de sa conscience, le secret des égarements de l'âme humaine – puisque, étant passés à l'acte, le bourreau en sait sur nous que nous-mêmes -,voire déchiffrer, en prêtant l'oreille à ses divagations, le sens même de l'Histoire. Car qui mieux que ses perpétrateurs pourraient de comprendre les raisons de ce mystère insondable que constitue le meurtre de masse ? Cette dimension révélationnelle que l'on attribue à la parole du bourreau est l'ultime argument permettant de s'y laisser aller comme au chant des sirènes : irrésistiblement, on l'écoute pour apprendre de lui et pour comprendre, sur un mode d'emblée compassionnel, comment on devient un bourreau.

Cette question à la mode, qui est au cœur des œuvres que l'on étudiera ici, n'y reçoit de réponse satisfaisante dans la mesure où les auteurs choisissent généralement pour la traiter, de confier la parole au bourreau lui-même qu'ils mettent en scène dans des fictions vouées à faire valoir ses raisons. Fi de la distance critique, que l'on avait crue indispensable, pour penser l’événement historique ; on est désormais prié de pénétrer les motivations de l'exécutant, de marcher sur ses brisées et, en se laissant happer à sa suite dans «  l'engrenage » qui ( dit-il) , l'a broyé, de s'apitoyer. L’entreprise aurait des vertus thérapeutiques : l'empathie, à base de terreur et de pitié, qu'es- censé nous inspirer le génocidaire au travail, doit nous faire passer l'envie de l'imiter, une envie posée en principe par la majorité des auteurs dont il sera question ici, qui vont spéculant sur les penchants exterminateurs de leurs frères humains.

Or là où le témoin dénonce, le bourreau cité comme témoin « témoigne » toujours à décharge ; il se justifie et, en se justifiant, justifie le crime. Son récit a donc vite fait de tourner au plaidoyer, et l'on a d'autant moins de mal à compatir qu'il est comme nous – et que nous sommes comme lui, ainsi qu'il nous le rappelle constamment. Et pour cause, puisque ce bourreau de papier dont on dissèque les oracles afin de comprendre l'origine de la violence de masse, a été fabriqué de toutes pièces par un auteur qui l'a équipé de caractéristiques incitant le lecteur à se reconnaître en lui, avec toujours ce même prétexte : le mettre en garde contre ses propres démons. Pour favoriser l'identification censée présider à la catharsis, on nous propose donc des bourreaux, en mieux : plus savants, plus sensibles, plus raffinés que nous. Forcément : on sera d'autant plus prompt, à se reconnaître dans le miroir que l'on nous tend, que l'image qui s' y reflète est valorisante. C'est tout de même plus agréable pour le lecteur d'avoir à faire à un être raffiné qu'à une pauvre victime que décervelle l'horreur....

«  On n'est pas spirituel quand on souffre », disait Albert Cohen dans Ô Frères Humains. Spirituel, le bourreau lui, se targue de l'être, et sa parole aux accents néo-darwiniens rencontre aujourd'hui une large audience : une fois admis que les raisons du plus fort sont toujours les meilleurs, le but du jeu consiste à ne pas se faire manger sans autre forme de procès ; de ce jeu-là, les victimes tirent bien mal leur épingle, et les bourreaux sortent grands vainqueurs, eux qui, les premiers, ont compris l'évidence : mieux vaut commettre l'injustice, que la subir. Se distinguant, par sa force et son audace, de la masse indifférenciée des victimes, grandes perdantes, le bourreau , ce winner de l'Histoire, est le héros des temps modernes, figure solaire qui irradie sur fond de souffrances.

C'est dans ce contexte que se comprend le succès médiatiquement orchestré des Bienveillantes, roman-symptôme qui cristallise toute la fantasmagorie pousse-a-crime dont il sera question ici, et jusqu'à la déformation de la formule arendtienne – puisque l’instinct génocidaire devient, sous la plume de Jonathan Littell, la chose au monde la mieux partagée. Son narrateur nazi, qui invite les lecteurs à une fraternisation dans le mal, le temps d'une visite guidée du génocide juif, est un pur produit de l'air du temps, lequel s'obscurcit tant et si bien de nos jours, que le dilemme qui parcourut la littérature du XXème siècle - «  Parlerais-je ou non sous la torture ? » - est en passe d'être supplanté par celui-ci, qui a envahi la fiction contemporaine : « Résisterai-je à la tentation d'assassiner si on me l'ordonnait ? » 

 

Les témoins survivants de la violence de masse, auxquels on redonnera ici la parole, nous avaient pourtant mis en garde : les bourreaux ont beau avoir une figure humaine, ils n'en sont pas moins exclus de l'humanité ordinaire ». Vouloir les y réintégrer, c'est se laisser prendre à l'image avantageuse que les meurtriers cultivent d'eux-mêmes, à leur rhétorique mystifiante, à l'air respectable et aux bonnes manières qu'ils affectent ( ou qu'on leur prête ) ; c'est leur donner raison et y perdre la sienne, car, comme l'écrit Henri Alleg dans sa préface au Camp d'Abdelhamid Benzine, «  la raison se perd lorsqu'elle cherche à comprendre comment les hommes peuvent être si cruels et descendre aussi bas dans la sauvagerie ». Mais le message des témoins n'a pas été entendu. On leur préfère la prose ornée de leurs bourreaux, dont on renifle le quotidien et dont on réinvente les mobiles, de manière à les rendre recevables, à l'instigation d'auteurs qui se voudraient hétérodoxes ( alors qu'ils attirent tous les suffrages ) en offrant à ces SS sophistiqués et autres paras délicats, des tribunes où faire valoir leur droit à la justification, où développer leurs harangues anti-manichéistes, et où se faire applaudir en venant ressasser leur histoire, leur douleur, et leurs bonnes intentions.

Le bourreau à visage (sur)humain est à l'honneur.

 

Charlotte Lacoste, introduction aux Séductions du bourreau, négation des victimes. Puf, 2010 .

 

3 / Témoignage Rocard en seconde gauche nouvelle gauche contre mitterrand françafrique depuis l'algérie jusqu'au Rwanda , ancré donc en Pierre Leroux : montrer l'essai Criaeau.

 

LBSKMC-CRIAEAU IGSC E3R3 : Contre un courant négationniste français vieux de 30 ans jusqu'encore l'actuel de la NUPES et PS ( LFI soutenant encore les FDLR génocidaires en RDC ! ! ! SIC ! ) , voici un rappel des positions que Michel Rocard prit de 1990 aux années 2000 : " Au Rwanda, nous nous sommes mal conduits. La France a maintenu en activité un traité d’assistance militaire (comme nous en avons avec une douzaine de pays d’Afrique) beaucoup trop longtemps et bien longtemps après qu’on eut découvert que le régime Habyarimana était, n’était rien de plus qu’une forme jusque-là inconnue de nazisme tropical, un régime raciste et génocidaire. Et de plus nous avions des raisons fortes – qui ont été niées par le pouvoir – de le savoir à temps.[69]

A la question de savoir « à quoi est imputable une telle myopie française ? », il poursuit en désignant les responsables en charge d’une telle politique :

Je ne le sais pas. Je n’étais plus au pouvoir à ce moment-là. Je vous rappelle d’ailleurs que, constitutionnellement, la politique étrangère est faite en direct par le Président de la République (ce qu’aucun d’eux n’a oublié de faire), et que cela ne change un peu que quand il y a cohabitation. C’est institutionnel, je ne vise pas des personnes en disant cela. Seulement, la personne dont il s’agit – qui est François Mitterrand- a peut-être agi pour des raisons linguistiques, puisque le Rwanda est francophone…

Michel Rocard s’applique à ce stade à définir la portée de son propos critique :

Je ne suis ni juge ni magistrat. J’ai le regret que l’honneur de mon pays soit compromis dans cette affaire. Je n’ai pas d’informations qui me permettent de dire qui a fait quoi , ni d’accuser. Je n’ai d’ailleurs pas une stature à porter des jugements au nom de l’Histoire, ce n’est pas mon genre. Simplement, la France est en complicité inconsciente dans quelque que chose qui, au total, a tourné à la mauvaise action, c’est-à-dire au soutien trop long du régime d’Habyarimana. C’est tout ce que je peux dire et c’est suffisamment grave à mes yeux." :

 

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