N°7 : Avril 1846 :
. De la recherche des BIENS MATERIELS (5) : Y aura-t-il toujours des pauvres . ? ( Leroux P)
. Poésie : Rêveries après une journée de travail E Tissier
N°7 : Avril 1846 :
. 1 - De la recherche des BIENS MATERIELS (5) : Y aura-t-il toujours des pauvres . ? ( Leroux P)
Un contre prêche de Leroux qui défairt une tentative de falsification de l'Evangile pour encore analyser la complicité entre l'église et les capitalistes, résignés en soi par grande ignorance à la croyance en tant leur fausse science économique que leur ignorante fausse interprétation de l'évangile : un Must ...
Le sens du Christianisme est si clair, qu'il paraît fort difficile d'abaisser ainsi aux pieds de la Ploutocratie régnante le Christ, dont le règne est promis.
Mais à quoi ne parvient-on pas avec un peu d'adresse? Plus l'Evangile résiste, plus on mettra de subtilité pour en altérer le sens. Le manége de ces brillants orateurs in·.:tcr, au nom de la religion, à »les rétablir et à les afermir sur les bases éternelles de la charité et de la justice, et à entrer par fü dans l'ordre réparateur de la Pro~ » vidence. » Cela dit, et pour mieux convaincre ses auditeurs qu'il n'y aura ' rien de factieux clans ses paroles, il annonce que s'il se permet de traiter la question du paupérisme, c'est qu'il y sait une réponse qui satisfera les plus méticuleux : « Je ne soulèverais pas cette grave question, si je la savais sans réponse. » A bon entendeur salut! Il déclame alors pendant un quart d'heure, au nom de la religion. contre «les déclamateurs et les sophistes qui n'ont jamais manqer aux nations vaines, aux siècles orgueilleux. »C'est le moyen pour lui d'achever de bien séparer la cause du clergé de celle des réformateurs. Malheureusement il ne s'aperçoit pas, le pauvre homme, qu'il prêche en plein contre l'Evangile, contre Jésus-Christ, contre ses apôtres, contre ses saints, contre les Pères de l'Eglise, (...)
Depuis le Sépher de Moïse jusqu'aux écrits des Pères, avec l'Evangile au milieu, ce diamant de l'idéal le plus pur qui prend sa lumière dans la Bible et la transmet aux divins docteurs qui ont fondé le Christianisme, tous les monuments, sans exception, proclament qu'il n'y aura pas toujours des pauvres.
Il y a un péché originel qui pèse sur notre espèce; je n'en fais aucun doute, et j'en vois la preuve dans les efforts que vous faites pour le perpétuer. C'est bien, vous dis-je, et votre formule est vraie, sauf pourtant cette explication que vous ajoutez et qui pourrait prêter à l'erreur: tant qu'il y aura des passions; car pour détruire le mal sur la terre, ou plus exactement dans la vie, il n'est pas nécessaire d'abolir la vie. Le mal, comme je vais le prouver tout-à-l'heure, n'est pas la conséquence indispensable des besoins et des facultés naturelles de l'homme, lesquels besoins et facultés sont l'origine de ce que nous appelons les passions; le mal, en ce sens, n'est pas dans les passions des hommes, qui en elles-mêmes et par leur essence peuvent se tourner vers le bien comme vers le mal. Le mal véritable est DANS NOTRE IGNORANCE. Avec cette correction, j'adopte votre formule, et je dis avec vous : Tant que le péche originel et ses lamentables conséquences domineront le monde, il y aura des pauvres. Nous verrons plus loin en quoi consiste précisément ce péché originel auquel vous attribuez une durée sans limite. Mais dites-moi, je vous en supplie, que faut-il faire pour que le péché originel cesse de dominer le monde? Faut-il, comme vous, diviser l'Humanité en castes, et distinguer deux humanités, une humanité riche et une humanité pauvre?
Faut-il, comme vous, ériger en axiome qu'il y aura toujours des pauvres?
Faut-il, comme vous, traiter l'égalité humaine de rêve creux, de chimère?
Ne voyez-vous donc pas, aveugles que vous êtes, que faire que vous faites, dire ce que vous dites, penser ce que vous pensez, c'est éterniser le péché originel, et faire que ses lamentables conséquences dominent éternellement le monde! Vous créez, si je puis m'exprimer ainsi, le péché originel, vous le créez en vous et dans ceux qui vous écoutent ! puis vous raisonnez ainsi : " Il y aura toujours des pauvres, à cause du péché originel. " Mais c'est très mal raisonner. , Qu'est-ce donc à vos yeux: que le ChristiJnisme? Ne dites· vous pas que Jésus est venu ôter la tache du péché? Si Jésus est venu oter cette tache, le péché ne subiste donc plus. Il ne subsiste, du moins, que parce que la doctrine de Jésus n'est pas suivie; c'est-à dire qu'il ne subsiste plus en essence. Donc quand vous dites, sous la loi du Christianisme, sous la loi de grâce, pour employer vos termes, que les conséquences du péché originel sont éternelles et qu'il y aura toujours des pauvres, vous dites la chose du monde la plus contradictoire à votre doctrine du rachat du genre humain par celui que vous nommez le divin Lédiateur et le Sauveur des hommes. (... )
1 : Autrement pourquoi admirerions-nous la pauvreté et la mort de Socrate, la pamreté et le sacrifice de Jésus? Pourquoi y aurait-il des saints et des martyrs honorés dans l'Eglise? Je ''ous le demande, en effet; si tous les hommes pouvaient s'élever à ce point de sainteté et de divinité que la torture du corps laissât leur âme saine, entière, invulnérable, et constamment tournée vers l'idéal, pourquoi la théologie chrétienne aurait-elle admis une réversibilité des saints et des martyrs sur le reste du genre humain? Ou supprimez les honneurs que vous rendez aux saints, ou com·cncz qu~ s'ils ont souffert dans leurs corps, c'est afin que la nature hu- mame ne soit pas toujours exposée à souffrir corporellement.
2 : Otez du monde l'orgueil qui fait les despotes, et il n'y aura plus d'esclaves; détruisez l'avarice, et il n'y aura plus de pauvres; abolissez l'envie, la fraternité régnera sur la terre; sauvez les hommes de la luxure, le couple humain sera sanctifié; flétrissez la dureté égoïste, tous les hommes seront libres; que la gourmandise et la dissipation des dons du Créateur deviennent une flétrissure, et il y aura du pain pour tous; détruisez l'oisiveté, mettez le travail en honneur ! .et vous ne verrez plus des travailleurs mourant de faim et des Oisifs vivant dans la paresse et dans le luxe. Que veut donc dire ce mauvais raisonneur qui croit à la rédemption des âmes, et ne croit pas à la destruction des péchés qui ont provoqué cette rédemption; ou bien qui s'imagine que l'on peut guérir l'âme de l'Humanité sans guérir le corps de cette même Humanité, comme si la manifestation de l'être n'était pas toujours adéquate à la virltualité de l'être! En vérité, ce logicien qui se contredit d'une façon si criante me paraît être plutôt un détestable ouvrier clans la vigne du Seigneur. Il se dit qu'il y a trop de ronces à enlever, trop de labeur à supporter, pour détruire les vices qui souillent encore l'homme, et il aime mieux tolérer, sinon cultiver ces vices.
3 : En troisième lieu, enfin, quel outrage pour l'Evangile que cette interprétation de la rédemption, qui la fait impuissante à guérir· l'homme tout entier, ou plutôt qui, sous prétexte que cette rédemption ne s'applique qu'à l'âme, et non au corps, ne lui fait pas même guérir la moitié de l'homme, ne lui fait rien guérir! Quel outrage, dis-je, pour l'Evangile, où jamais n'apparaît cette futile distinction ! Est-ce que Jésus, quand il guérit quelqu'un dans l'Evangile, ne guérit que son âme? L'Evangile est plein de miracles qui se rapportent au corps comme à l'âme. Quelquefois le Christ guérit l'âme par sa seule présence et par la foi que le malade prête à sa mission, et la guérison du corps suit; mais d'autres fois il guérit le corps le premier, et la foi vient après le miracle. Il 1 ne dit jamais:" .Je ne suis venu guérir que les âmes, je ne suis pas venu guérir les corps; ,, de même qu'il ne dit pas non plus : "Il y aura toujours des riches et des pauvres. » C'est une horrible imposture, comme je l'ai montré plus haut, que d'altérer un texte de l'Evangile pour faire dire au Sauveur du genre humain une pareille impiété. Il dit au contraire à ses disciples que nul n'entrera dans le royaume du ciel, s'il n'abandonne ses richesses par avance et ne les distribue aux pauvres. Il, blâme partout l'avarice, et ne ' veut pas même de prévoyance; il! veut que nous demandions à Dieu notre pain de chaque jour; il veut que nous nous reposions sur Dieu de toutes choses, que nous soyons comme les oiseaux du ciel et le lys de la vallée; il déclare que nul ne peut servir- Dieu, s'il sert Mammon. Donc •. suivant lui, il n'y aura pas toujours des riches et des pauvres; ou bien il aurait jugé lui-même sa mission inutile , et la réformation du genre humain impossible. Or il l'a jugée possible, et c'est là précisement en quoi consiste ce que vous appellé vous-même sa divinité. Il était tellement le fils de Dieu, ou fils de Dieu, pour parler plus exactement et comme lui, qu'il ot cru et senti en lui que le royaume de Dieu viendrait sur la terre. et qu'il l'a dit, et qu'il a été perséculté pour cela, et qu'il est mort pour cela, et que ses apôtres édifiés par lui ont cru cela et ont souffert et sont morts pour cela, et que Saul leur persécuteur l'a cru comme eux après avoir été éclairé divinement , et que , changeant son nom de Saul, qui dans la langue des Gentils voulait dire faible ou seul, en Paul, qui dans la même langue voulait dire la multitude (1), il s'est fait l'apôtre de l'Humanité et a appelé le genre humain tout entier à ce qu'il nomme. après Jésus, l'héritage. Or quel est cet héritage? C'est Ia terre. vous . dis-je. Vous ne me croyez pas; ouvrons l'Evangile. Jésus monte sur .la montagne, e.t dit : . "Heureux les humbles, car ILS HERITERONT LA TERRE ."
Certes, en un sens, Jésus, bien qu'il prenne partout dans l'Evangile le parti des pauvres contre les riches, n'est ni pour les pauvres ni pour. les riches; il ne connaît que les enfants de Dieu. Sa doctrine est, comme il le dit lui-même, que nous sommes tous enfants de Dieu (3), et quo nous pouvons et devons redevenir ce que nous' sommes nés, et rentrer dans l' héritage. Cet héritage, je viens de vous . dire ou plutôt l'Evangile vient de vous dire que c'était la terre, et ,c'est en elîet la terre; mais c'est aussi le ciel. Car, suivant la doctrine de l'Evangile, Dieu, prenant possession de toute l'Humanité, , fera régner sa propre nature dans ses enfants transformée; et c'est . ainsi que le Christ entend que les désintéressés, les affiigés, les .,doux, Jes justes, les miséricordieux, ceux qui ont le cœur pur, ,les pacifiques, ceux qm souffrîrent la persécution pour la justice , :prendront possession du royaume céleste qui est en même temps . la terre: · "Heureux les pauvres don.t le cœur est détaché des richesses, car »le royaume céleste est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils .. »seront consolés. Heureux ceµx qui sont doux et humbles, car ils possèderont la terre. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, Car Ils seront rassasies. Heureux les miséricordieux car ils , 11 ?blie!1dront-1?1iséricorde. Heureu: ceux qui ont le cœur pur, car ils verront_Dieu. Heureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu. Heureux ceux qui souffrent persécution pour Ia justice, car le royaume céleste est à eux (4). » Ne voyez-vous pas dans ce passage que la terre et le ciel sont mêlés, et que Jésus promet indifféremment le ciel ou la terre, par- " ceque c'est tout un pour les hommes régénérés, n'y ayant pas , d'autre terre et d'autre ciel que la vie, et la dualité du ciel 'et de la terre n'étant que le résultat de vos vices et de notre impiété? Ne voyez-vous p~s que c'est en cela que consiste cette rédemption que S.· Paul explique en effet de cette façon lorsqu'il dit que comme héritage, les choses du ciel et celles de la terre (5).. » · En verite, quand on a l'honneur d'être les ministres d'une telle doctrine, n'est-ce pas une abomination que de soutenir froidement _comme une thèse agréable à Dieu et digne de l'Evangile l'éternité , de l'enfer que font aux homme,s les vices réprouvés parl'Evangile, de plaider pour l'inégalité des conditions, d'ériger ,en maxime divine qu'il y àura toujours sur la terre des ·pauvres et des riches· d'argumenter froidement, pendant des heures entières, devant les fidèles assemblés dans les somptueuses églises qui ont coûté tant de sueur et tant de sang ·au" pauvres travailleurs de l'Humanité ( maçons de la Creuse ! ) pour démontrer·, au nom de ce qu'on appelle · la religion et la raison, que l'inégalité même la plus excessive et la misère même la plus profonde sont _la· conséquence de la nature humaine; que rien ne peut les détruire, qu'on les détruirait aujourd'hui qu'elles renaîtraient demain; que les bases de la société sont ainsi faites. et que ni la rédemption ni la doctrine du rédempteur n'ont rien changé à ces bases, qu'elles n'ont fait au contraire queJes confirmer et les affermir ! Mais, vous qui dites cela en présence de Jésus sur la croix, et . sous l'autorité de son nom déifié par les soupîrants de la terre qui ont cru en lui, assurément vous auriez crucifié Jésus , comme firent les Scribes et les docteurs du Pharisaïsme, si vous aviez vécu de son temps ; car vous le crucifiez aujourd'hui même, après qu'il a prodigué et son sang et les trésors de sa doctrine pour éclairer votre âme. (...)
Et vous parlez de l'éternité du mal, quand nous portons l'harmonie dans notre être, et quand la perfectibililé nous accompagne! Quoi ! étant ainsi faits à l'image de Dieu, recelant en nous la puissance créatrice, parce que nous recelons une étincelle de la Trinité sainte; susceptibles de progrès dans tout notre être , par un effet de cette puissance de créer qui nous a été donnée , et par là capable . .; de dominer divinement la nature extérieure, au sein de laquelle nous avons été placés; liés d'ailleurs à cette nature, qui se trouve résumée dans cc que nous appelons nos organes et notre corps; appuyés sur elle comme la statue d'un Dieu sur son piédestal; maîtres de découvrir ses phénomènes divers, tous produits par une seule loi, la loi de la vie, qui est en nous; grandissant ainsi en nous-mêmes et dans notre milieu lié à nous, l'univers; grandissant en science, en amour, en puissance; grandissant tous, parce que nous sommes solidaires, parce que nous sommes tous en un, un en tous; grandissant par notre diversité dans l'unité, qui fait refluer dans chacun les dons des autres; en un mot créateurs à trois titres,
1° en nous, c'est-à-dire chacun en lui-même;
2° chez nous, c'est-à-dire chacun dans les autres;
3° hors de nous, c'està-dire chacun et tous dans la nature et le monde extérieur;
étant , ainsi faits, dis-je, si nous dirigions les rayons de notre âme vers un but permis ou marqué par Dieu même, vous nous refuseriez la puissance d'atteindre ce but! Mais vous n'.y pensez pas! Nous l'atteindrions aussi infailliblement, ce but, que Dieu existe et que nous sommes faits à sen image. L'harmonie en essence, et l'harmonie manifestée parfaite à la limite, voilà la loi immanente de l'Humanité. L' Humanité a été créée dans et pour le bien , et elle manifestera ce bien pour lequel et dans lequel elle a été créée! Elle porte en elle-même et dans sa création sa fin et sa loi. Fille de Dieu, elle doit glorifier et représenter son créateur; émanation de Dieu , elle doit incarner Dieu sur la terre. (...)
Du Principe moteur de la Perfectibilité ou de la Rédemption. J'ai dit que je voulais m'écarter du champ de la théologie, et j'ai peine, Je l avoue, a le faire, parce que nulle part cette grande vérite de la PERFECTIBILITÉ INDÉFINIE DU GENRE HUMAIN en laquelle, comme je l'ai prouvé il y a déjà bien des années est venue se resumer toute la Philosophie, ne brille d'un éclat plus magnifique que dans les monuments de la Religion: preuve certaine de l'identite au fond de la Religion et de la Philosophie. (...)
L'homme est sensation-sentiment-connaissance; mais le désir est tout cela à la fois, car le désir comprend à la fois le sujet et l'objet. Ainsi le verbe de l'homme est l'homme tout entier, de même que ; dans la nature divine, le Verbe de Dieu est la Trin.ité tout entière sous une de ses hypostases. Mais cc désir qui crée en nous, et qui au fond est un, bien qui cause
Du Désir collecti que Dieu a donné à l'Humanité en la créant, du Verbe général mis' par Dieu dans l'Humanité. Niera-t-on que tous les hommes soient semblables, c'est-à-dire un et divers, qu'ils aient au fond la même nature, les mêmes facullés, les mêmes besoins, ]es mêmes droits? Non, on ne niera pas cela. L'espèce humaine est une, et c'est ce' que vous exprimez en disant, avec le Sépher de Moïse, qu'elle est sortie tout entière d'Adam. Donc, malgré l'incohérence de tous nos désirs, malgré la profonde anarchie du genre humain, malgré les ténèbres où l'homme est tombé sur ses vrais besoins et sur ce qu'il appelle le bonheur, malgré tous nos vices, tous nos crimes et toutes nos misères, au font le même type humain se reproduisant dans chaque homme , tous nos désirs ne sont que des manifestations plus ou moins altérées du Désir ou du Verbe que le Créateur a mis dans notre espèce, Or ce Désir typique, c'est le Verbe Divin lui-même; par ce ne peut être autre chose, puisque Dieu nous a créés à son image, puisqu'il n'a pu d'ailleurs nous créer que par son Verbe, son Verbe seul etant createur, ou plutôt son Verbe étant comme vous I' êtes, Dieu créateur. Donc, au fond, et clans quelque abîme de tenebres que nous soyons tombés, nous retrouvons en nous à la base de notre être, à la source de notre vie, le Désir divin, le Verbe de Dieu, moteur éternel et infini qui nous sollicite et nous fait vivre .Donc, prêtres, vous avez raison, ou plutôt vos monuments on't raison ;·le Verbe de Dieu illumine' tout homme venant en ce monde· Oui, le verbe de Dieu. c.si en nous, et nous appelle tous au bonheur· en suivant les lois divines. Nous n'avons pas pu être créés par un acte divin sans que cet acte se continue en nous· donc cet acte n'est pas achevé. Dieu, qui crée éternellement, crée éternellement ' en nous. · Donc le Verbe de Dieu immanent en nous créera l'harmonie sur la terre. . . N'est-il pas écrit dans le livre que vous vénérez par-dessus tous les; livres que cette terre ne passera pas jusqu'à ce· que la Loi soit accomplie:" Je vous le dis en vérité, le ciel. et la terre ne passeront point que toute la Loi ne soit accomplie, Jusqu'à la dernière lettre "et au dernier point." Or la Loi est-elle accomplie jusqu'à la derniere lettre et au dernier point! La loi n'est pas accomplie, puisque le Verbe divin gémit et pleure dans tous les hommes. ' La loi, c'est l'Harmonie. Donc la loi n'est pas accomplie. Donc elle s'accomplira.
Leroux pense l'immanence du Verbe divin dans le principe créateur en l'Humanité comme en l'Homme: ce Désir divin est aussi révélation de l'harmonie, à savoir par l'Egalité réalisée par la PERFECTIBILITE humaine, singulière et collective.
Contre l'esprit de famille caste et de sociétés inégalitaires, de nations guerrières, Leroux défait 3 niveaux de maux sociétaux : il inaugure une nouvelle ère dénonçant les incuries sociétales et crimes contre l'Humanité, achevant de détruire le mal dans les formes pathologiques qu'on prise tant la famille ( caste ) que la société ( féodales et capitalistes ) puis l'humnaité elle-même criminelle et écocidaire par l'anthropocène : reste à soigner, depuis la familel ( psy ) et la société ( socialisme) , l'Humanité elle même ( éco-socialisme ) pour ramener de l'Humanité aux sociétés les familles en harmonie avec tant la nature et la faune, flore et animaux qu'avec les niveaux d'organisations sociétales connus et expérimentés, à perfectibilisés selon nos savoirs et connaissances, depuis la perception, le sentiment et la Connaissance Universelle.
Ah! combien nous sommes loin déjà du temps où tous les politiques considéraient la guerre comme l'état naturel des sociétés, où Bodin, Machiavel, Hobbes, Bacon, Grotius, Pulîcndorlî, et Montesquieu lui-même, érigeaient en principe que les nations n'avaynt pas d'autre règle à consulter que leur intérêt égoïste; que la guerre en elle-même était une bonne chose, et, comme ils disaient, un exercice salutaire, nécessaire à la stabilité des empires. Que nous sommes loin, dis-je, d'une pareille doctrine! L'ère de tous les combats qui ont formé l'homme moderne, et composé les grands corps de l'Europe, est donc passée, à jamais passée! Nous entrons dans l'ère où, d'un bout de l'Europe à l'autre, comme dans une seule patrie, la justice combattra contre l'iniquité, la vérité contre l'erreur, l'égaiité contre l'inégalité, la liberté contre le despotisme, la fraternité contre la division.
L'homme est sensation-sentiment-connaissanre. De là trois formes essentielles de sa nature, qui ont toujours accompagne l'homme, et qui l'accompagneront toujours: la propdété, la fa mille, la cité. · Mais ces trois formes de la nature humaine pe.uvent se manifester dans le bien ou dans le mal. Elles ont été attribuées à notre nature par le divin Créateur pour se manifester dans le bien; mais , par un effet de l'imperfection du fini, elles ont dû se manifester dans le mal et tendre vers le bien. C'est là ce que le Sepher de Moïse appelle l'entrù dans la connaissance par la distinction, c'est-à-dire, par la manifestation libre d'une nature finie qui se sépare de la natu re infinie dont elle est émanée, pour la rejoindre un jour. Et c'est là ce que l'Evangile de· Jésus, suite et complément du Sepher de Moïse, appelle la réparation du peclié par le retour à l'unité ( 1 ).
La propriété dans l'unité, clans la communion, dans le bien, s'appelle fonction. La propriété dans la séparation, dans la désunion, dans le mal, s'appelle propriété.
La famille dans l'unité, dans la communion, dans le bien, s'appelle fa mille en général. La famille dans la séparation , dans la désunion. clans le mal, s'appelle caste ou noblesse.
La cité dans l'unité, dans la communion, dans le· bien, est l'Humanite en germe, et s'appelle cité ou patrie, c'est-à-dire Egalite. La cité dans la séparation, dans la désunion, dans le mal, s'appelle empire, domination, dynastie, et d'autres noms semblables.
Or l'histoire est conforme à la psychologie; l'histoire n'est autre chose que la manifestation catégorique et successive du progrès que l'Humanité a dû faire et a fait sous le rapport de ces trois formes essentielles de notre nature, se manifestant d'abord dans Ie mal, mais tendant à se manifester dans le bien. ta famille, manifestée dans le mal, a produit une première époque de l'Humanité, l'antiquité primitive, ou l'époque des castes de. famille. La cité, manifestée dans le mal, a produit une seconde époque de l'Humanité, l'antiquité moyenne, ou l'époque des castes de patrie. La propriété, manifestée dans le mal, a produit une troisième époque de l'Humanité, le moyen-âge ou la féodalité, qui dure encore, et qui est l'époque des castes de pro.priété. Telle a été la marche de la civilisation, c'est-à-dire de l'affranchissement successif de l'homme. D'abord esclave de la famille, ensuite esclave de la cité, l'homme et aujourd'hui esclave de la propriété. Il a mis d'abord son moi dans ses ancêtres, ensuite dans une infiniment petite fraction de l'Humanité reliée à lui par l'intérêt et l'égoïsme : aujourd'hui, il ne ·connaît plus guère d'autre loi que ce qu'il appelle son intérêt privé, c'est-à-dire qu'il a mis son moi dans la portion du monde matériel qu'il s'est adjugée.
Nous savons bien que les faux savants nommés économistes ont prétendu élever la négation de la subsistance humaine à la hauteur d' une loi de la Nature; et quand les prêtres répètent aujourd'hui' qu'il y aura toujours des pauvres, nous savons bien qu'il font cause commune avec les économistes, profilant de leurs prétendues lumières, et mettant la religion en société collective avec la doctrine des Scribes du Capital. Mais la Nature , comme nous avons commencé à le démontrer en réfutant Malthus et les économistes, proteste contre une telle impiété; la Nature crie par toutes ses voix que la dépopulation du genre humain vient de l'homme, et non pas de l'auteur de la Nature. La Nature donne en preuve sa fécondité et son asservissement aux volontés de l'Homme, son favori, son fils, qui est en même temps son seigneur et son maître. Comme elle a tout fait pour lui et s'est résumée en lui, nier la possibilité d'existence de l'Homme, c'est nier la fécondité de la Nature, et c'est nier aussi l'existence de l'infinie Sagesse, de l'infini Amour, et de l'infinie Puissance en qui la Nature repose et vit éternellement.
Ce manque de subsistance des peuples de l'Europe qui réagit sur ces peuples en un déluge de crimes et d'actions coupables de tout genre, et qui, à chaque minute, les frappe de mille maladies aussi variées dans leurs formes que funestes dans leurs résullats, ce manque de subsistauce qui, comme nous venons de le voir, a empêché de naître ou a tué en France, depuis 1789, c'est-à-dire dans l'espace de moins d'un dèmi-siècle, un nombre d'êtres humains double de la population actuelle de cette France, n'est que le résultat de la mauvaise organisation de la production sous la loi cle la caste. (...)
Mais jusqu'ici l'homme, dans ce nous appelons avec Lessing son éducation successive, s'est attaché à ces trois sources de bien et de mal, la famille, la patrie, la propriété, prises en elles-mêmes, au point de vue du fini, et indépendamment du grand principe de l'unité du genre humain et de la solidarité de tous les hommes .... J'étais hier au sommet d'un mont. La terre était couverte de neige; un vent glacial souillait; tout l'immense horizon qu~ je découvris autour de moi était rempli de brouillards. A l occident, le soleil, près de terminer sa course, semblait lutter conte une armee de nuages qui obscurcissaient son disque. On le devinait. seulement la frange brillante d'une ligne rénébr;use. Longtemps, J 'attendis qu il parût. Je craignais que la nuit ne vint, et Je pensais a ce mot de Rousseau avant de mourir : " Ouvrez cette fenetre, que Je voie encore ce beau soleil " . Il parut enfin, mais terne, d'un rouge de sang et coupé de bandes noires. Je me. retournai; J embrassai de l'œil 'tout l'horizon: tout l'horizon était illunune des rayons du soleil couchant; tous ces nuages naguère si sombres reflechissaien! I.e soleil sous toutes les couleurs. du prisme; la terre elle-même etait sillonnée de lumière. Le Soleil avait triomphé.
. 2 - Poésie : Rêveries après une journée de travail E Tissier
Muse de. la raison, de la sagesse antique,
Descends du ciel: la terre a suspendu son bruit;
Seule, la voix du temps, l'heure mélancolique Eveille le silence et pleure dans la nuit.
J'ai pai·fumé mon âme ainsi qu'un sanctuaire. La poésie est sainte autant que la prière.
Fille de Dieu , Sagesse , éclaire mon esprit.
Le groupe éolien des anges d'harmonie, Invisible , voltige et forme un léger chœur
Autour des cordes d'or de la lyre bénie. Je voudrais exhaler tous les chants de mon cœur !
Comme un rayon de feu, la raison illumine Les diamants tombés de ta bouche divine,
Poésie, ô martyre en ce monde moqueur. Malgré les cris, l'injure, et le lâche sarcasme,
Le désespoir amer, et les déceptions, Tu conserves toujours ton noble enthousiasme,
Et ton amour sacré des saintes passions. Tu sembles l'Homme-Dieu mis.sur la croix impure:
Le miel coule à flots d'or de ta large blessure, Et ton cœur est rempli de bénédictions. (...)
0 frères, votre vie est un sombre poème
Aux chants entrecoupés de sanglots et de pleurs;
Vos chagrins ont lassé l'espérance elle-même,
Qui, l'effroi dans le sein, s'est envolée ailleurs; Car vous avez connu, dans votre voie austère,
Ce qu'on sait de plus grand', de plus saint sur la terre: Toutes les pauvretés, et toutes les douleurs.
Le vieux monde est jugé: la maée prolétaire S'élance, au pas réglé de tout le Genre Humain
Aux champs de l'avenir promis à sa misère, Et rougit ses pieds nus aux débris du chemin.
Rapsodes, au combat! la Muse est prophétique:
Nos âmes ont besoin d'encens et de cantique;
Marchez tous en avant une lyre à la main.
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Etudes sur Pierre Leroux : De la Revue Sociale - Boussac : de septembre 1845 à juillet 1850
Etudes sur Pierre Leroux : De la Revue Sociale - Boussac : de septembre 1845 à juillet 1850