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Revue sociale, ou Solution pacifique du problème du prolétariat. Boussac :  P. Leroux, 1845-1850. ISSN 2021-1066.

N°5 : Février 1846 :

. Correspondance parisiennes par T..

. De la recherche des BIENS MATERIELS (3) : L’Économie Politique ou l’Évangile ( Leroux )

. Poésie : H de la touche et Edmond Tissier

1 - . Correspondance parisiennes par T..

Les bourgeois de Paris viennent de recevoir pour leurs étrennes les circulaires annuelles des municipalites demandant a la charite des classes riches et aisees une aumône pour les indigents, qui ne forment qu'une seule et même famille, distincte apparemment de la famille humaine.

La famille des indigents, ou si l' on veut la caste des pauvres est de plus en plus nombreuse à Paris; car on y entre quelquefois du dehors, mais on n en sort pas. La porte de la misère ne s'ouvre point en dedans, comme dit le poète. Ils sont environ quatorze mille dans le douzième arrondissemeut tout seul, sans parler des incurables placés daus les hospices, des malades soignés dans les hôpitaux, et des convalescents. Quatorze mille indigents inscrits au bureau de charité , sans compter les indigents honteux, comme on les appelle, honteux probablement d'une organisation sociale qui laisse manquer de tout quatorze mille personnes dans un seul quartier de Babylone; sans compter les pauvres qui n ont point recours à la charité officielle, et qui vivent comme ils peuvent, au hasard de la charité particulière raccrochée au coin des bornes, sans compter les travailleurs misérables dont le salaire suffit à peu près à acheter du pain. Voilà les éléments de la caste de Job, suivant le mot anglais, de la caste excommumée, dont la statistique n'a pas osé faire le dénombrement. Cette catégorie inférieure a pour pendant la caste dangereuse, ainsi nommée par les philanthropes patentés, et composée des voleurs de profession , des repris de justice, et des prostituées de bas étage. Immédiatement au-dessus, -vient la caste prolétaire, qui vit petitement d'un salaire fixé par les entrepreneurs. Cette catégorie des travaux forcés est la plus nombreuse, sans comparaison, à Paris. Sur un million d'habitants, elle en réclame au moins cinq à six cent mille. Les domestiques sont quatre-vingt mille selon le Constitutionnel. Le reste a l'honneur d'être appelé la classe aisée, que surmonte uue aristocratie d'environ trente mille riches à des degrés différents, quinze mille électeurs à deux cents francs pour Paris tout entier pouvant offrir à peu près ce chiffre de privilégiés. M de Rothschild à lui seul possède presque autant de capital et M. d'Aligre presque autant de terre que tous les autres ensemble. (...) 

Paris est sans doute le plus saisissant exemplaire de ce monde à rebours où l'injustice seule se tient la tête en haut. Mais I'insitution des villes manufacturières est encore plus déplorable, mais la situation des paysans dans la moitié de la France est encore ce qu'elle était avant la Révolution, et pourtant on disait alors sans partialite: Les esclaves des colonies sont moins malheureux que nos campagnards !

J'ai connu un homme de grand sens qui prétendait que tout le mal social provenait de l'agglomération des villes. Il maudissait sans cesse le premier inventeur des maisons à pltusieurs étages, comme Rousseau maudissait le premier inventeur de la propriété. Cette superposition des hommes les uns sur les autres, quand la terre offre tant d'espace inoccupé sur le gazon salubre des campagnes, est, en effet, la plus surprenante folie, quoiqu'elle témoigne, en même temps, du besoin de communication et de solidarité. La facilitités rapprochements, la victoire remportée sur la distance par les chemins de fer, pourraient bien dans l'avenir rejeter les hommes dans des conditions plus normales, au sein de la vie agricole .Mais c'est notre institution sociale elle-même et l'état de nos ames qu'il s'agit de régénérer, puisque avec l'inégalité actuelle le mal est partout, dans les campagnes et dans les villes.

On demandait à Newton comment il avait fait ses découvertes scientifiques: " C'est, répondit-il, en y songeant toujours. » Songeons donc toujours à ce problème terrible du prolétariat dont la solution vaudrait bien les découvertes du philosophe anglais. Un autre _grand chercheur d'inventions présentait rècemment comme infaillible la méthode de l'écart absolu. C'est aux antipodes des croyances actuelles qu'il croyait trouver la vérité. Il est certain quela société. applique à la misère la médecine homœopathique : Similia sumlibus. Elle donne à un indigent affamé une parcelle infinitésimale de pain; elle entretient l'inégalité quand l'inégalité est la source de toutes les douleurs. Il serait plus logique de proclamer l'inverse.

2 - . De la recherche des BIENS MATERIELS (3) : L’Économie Politique ou l’Évangile ( Leroux )

Ou Leroux donne une leçon de morale aux catholiques et monarchistes, soit disant " économistes " quant à la morale authentique chrétienne et de l'Evangile contre le meurtre organisé des enfants, l'infanticide industriel, qui forme la dead-line pour Letoux et les authentiques socialistes : ceux-là cherchent authentiquement une Loi nouvelle, une Science nouvelle, à travers le Socialisme, en épistémologie des Sciences, au sens premier du terme, qui abolira cette criminalité génocidaire contre les enfants, datant de l'antiquité et du Moyen âge;  quand leur combat en Socialiste interdisciplianire contre l'industrialisation capitaliste à outrance est déjà en éco-socialiste la prise de conscience des criminalités INDUSTRIELLES ( tel qu'à Auschwitz ) faites contre les enfants et aussi la Nature . Leroux est limpide, lumineux, aussi touché qu'en colère et ACTE, straight et droit au but contre l'infanticide industriel depuis 1840 et contre Malthus, contre les caissons à gaz pour les enfants, contre le travil des enfants, dans les mines et ou dans les champs, ou dans les usines et dans les métiers à tisser : cette Ethique anti-criminogène est toujours valable depuis Spinoza et Ultima Barborum, qu'au temps de Leroux et aujourd'hui 80 ans après la Shoah, dans les récidives de génocide et écocide actuelle. / Cette Revue Sociale produira d'ailleurs la première Déclaration des Droits des Enfants au monde : voire les prochains numéros : CQFD.

Un ami de Caton l'Ancien lui demandait un jour ce qu'il pensait de l'usure, de l'intérêt de l'argent, du lucre que l'on retire. des richesses antérieurement acquises, ou de ce qu on nomme aujourd'hui le Capital : Qum EST FOENERARI? Caton répondit : « Que pensez-vous de l'homicide ?  : Qid HOMINEM OCCIDERE? » C'est Cicéron ( 1) qui nous a conservé cette réponse . . Cette réponse est toute profondeur.

Tuer les hommes par le fer, ou les tuer par la faim, c'est toujours les tuer.

Comment le Capital ne serait-il pas aussi meurtrier que la guerre ! Malthus a remarque que l'accroissement des subsistances na lieu, tous les vingt-cinq ans, qu'en proportion arithmétique; or l'accroissement du capital a lieu, après vingt ans, en proportion géometriqte. •Donc le capital tue. Voilà une vérité aussi évidente qùe toute vérité mathématique.

J'ai démontré, dans le précédent article, qu'il y avait au MoyenAge deux principes en lutte. Ces deux principes s'appelaient, l'un Richesse l'autre Noblesse; mais tous deux se ressemblaient au fond. L'esprit de Lucre était, au fond, l'esprit de Conquête; l'esprit de Conquête était, au fond, l'esprit de Lucre. J'ai montré encore comment l'esprit de conquête a été remplacé par l'esprit de Lucre .. Révolution du Moyen-Age, jusqu'à nous inclusivement, a consisté en ce que la troisième des castes de ce Moyen-Age, la caste des capitalistes industriels, a pris la place des nobles et des prêtres. . . , . En présence du triste spectacle que nous offrent auJourd' hui l'Angleterre et les nations qui marchent à sa suite, je me suis écrié: «Qui pourrait m'empêcher de dire que le Lucre, comme la Conquête, est un mal, une action coupable, la marque d'une honteuse déchéance dans la nature humaine! J'ai pour moi, quand je soutiens cette opinion, et les lumières de la raison et l'autorité  de tous les sages. J'ai pour moi le Christianisme tout entier, qui défend non seulement ce qu'on appelle vulgairement l'usure, mais toute espèce de gain et de bénéfice.

 Je venais d'écrire ces mots, et ma conscience était celle d'un homme qui a énoncé un vérité incontestable, lorsque les journaux de Paris m'ont apporté le compte-rendu d'une Conférence du M. P. Lacordaire sur la propriété. Inutile de dire que cette conférence a, pour employer les termes mêmes de ces journaux, attiré un nombreux auditoire dont l'attente n'a pas été trompée. Or, dans ce discours du célèbre prédicateur, loin de trouver l'anathème prononcé, suivant moi , par le Christianisme tout entier, contre ce qu'on appelle aujourd'hui le Capital, je trouve la justification de ce Capital, et de tout ce qu'il engendre, sous le nom respectable de propriété; je trouve te droit de tous à la propruété réduit à un droit l'aumône, sou sle nom de charité chrétienne. Est-ce moi qui ait tort ou est-ce M Lacordaire ? Je n'héiste pas à le dire : c'est M Lacordaire. M Lacordaire est catholique, prêtre, et moine ! N importe, !l a tort; et il a doublement tort, en tant que prêtre et moine: et il devrait avoir lu les Pères et les Conciles; il devrait avoir médité l' Evangile , il devrait avoir réfléchi sur le profond mystère de l'EUCHARISTIE. M Lacordaire a tort; et Je veux aujourd hui, pour prouver  mon dire, évoquer, en partie du moins, la tradition constante du Christianisme. ( ...) 

De même, dites-vous encore, les orphelins peuvent, sans danger être élevés par la bienfaisance. Les orphelins peuvent être élevés; il n'y a pas de devoir à cela, mais on peut se permettre de les élever: pourquoi ? parce que cela est sans danger. C'est toujours la même raison que vous avez donnée pour les fous, les infirmes et les malheureux privés de l'usage de leurs membres. On ne se rend pas orphelin à volonté, on ne tue pas à volonté son père et sa mère, dans le ! but d'aller à l'hôpital; cela est trop évident. Par conséquent, dites vous, il n'est pas à craindre que de telles fondations augmentent le nombre des orphelins ainsi secourus. On peut donc se permettre cela sans danger. Mais ici revient mon scrupule, et l'objection que je vous ai faite relativement aux fous et aux infirmes. Sans doute, si le nombre des orphelins qu'il s'agira d'élever ne détruit pas improductivement un trop fort capital, on pourra se permettre de les élever; mais s'il survenait un trop grand nombre de ces orphelins, s'il y avait danger, que faudrait-il faire?

Oh l je vous entends! et nous touchons ici à un horrible mystère de l'économie politique! Dites, dites, pourquoi parlez-vous des orphelins, c'est à-dire de ceux qui ont perdu leurs parents après les avoir connus ou avoir été reconnus d'eux (car c'est la le sens que ce mot présente dans la langue française, comme dans la langue des économistes), et ne parlez vous pas des enfants trouvés? Vous ne parlez pas des enfants trouvés; vous ne les mentionnez pas dans vos listes de permissions et clans votre catalogue de charité. Donc votre silence en dit assez (2). Ceux-là, il y a du danger à les recueillir, à les élever: c'est une prime donnée à l'imprévoyance, une amorce à l'accroissement de la population! Ils sont nés, et vous les rayez du nombre des vivants. Ils sont nés, ils ne devraient pas naître : que la loi de Malthus s'accomplisse! / J'adjure ici la nation toute entière. Comment peut-elle tolérer ce meurtre organisé depuis quelques années par l'abolition d'une des plus saintes institutions du Christianisme ! Parceque Malthus a mal raisonné en Angleterre (ce que je me charge de démontrer jusqu'à l'évidence) , faut-il donc que Saint Vincent de Paul , qui reçut du Ciel une inspiration pour sauver les enfants abandonnés  et qui fit passer son inspiration dans le cœur même de la nation, soit traité comme un fou et un imbécile l La moralité mise du côté de Malthus, l'immoralité du côté de Vincent de Paul! Et qu'on ne dise pas que j'exagère l'outrage fait à ce type clu Christianisme. Non, je n'exagère rien

De quel côté donc est la moralité, sinon du côté de Malthus? et de quel côté est l'immoralité, , sinon du côté de Vincent de Paul? Le Saint du Christianisme et de la France n'a pas connu le devoir, il n'a pas connu la morale; il a enfreint l'ordre moral; il s'est laissé entrainer trop loin par l'instinct aveugle d'une sympathie maladive ou par l'excitation fébrile d'une dévotion également maladive; il n'a pas su se soumettre aux sévères décrets de la morale. Donc ce prétendu saint est immoral, comme il serait immoral de suivre ses préceptes et ses exemples. La mor.ale, étant du côté de MalLhus, n'est que de ce côté; et entre ces deux hommes, c'est Malthus qui a été bien inspiré, et c'est lui qu'il faut canoniser. En attendant, de même qu'Hérode ordonna le meurtre des enfants nouveau-nés, craignant la venue du Messie, qui naquit en effet dans la pauvreté et dans l'abandon de tous les biens du monde, de même un gouvernement, fasciné par les dangereuses erreurs de l'économie politique anglaise, ordonne de fermer les asiles ouverts à tous les enfants sous cette invocation plus que sublime: Infuntaœ Jesus . Non, je ne puis écrire ces lignes sans verser des pleurs; et si j'avais l'honneur qu'à M. Laconfaire d'appartenir à un sacerdoce organisé, rien au monde ne pourrait m'empêcher de faire retentir les temples de  Jésus, de mes plaintes et de mes gémissements. Sommes-nous donc des payens, et la France va-t-elle ressembler à la Chine, où les enfants sont abandonnés dans les rues, et où on ramasse leurs cadavres avec les tas d'ordures? S'il en est ainsi, de quel droit punissez-vous l'infanticide! Je dis que la nation qui met dans ses lois l'abandon des enfants commet ce crime même, l'infanticide, et par conséquent perd le droit de le punir. C'est une loi de l'espèce, en effet, que de prendre soin des enfants privés des soins de leurs parents. Manquer à cette loi de l'espèce, et se constituer ensuite juge du crime des parrents, c'est comme si un juge montait sur un tribunal les mains souillées de sang humain.

LES POLITIQUES: " Les savants ont dit la vérité. Soumettons-nous au Destin, conformons-nous à ses lois. Qui pourrait vaincre une loi de la Nature! Notre fonction est d'empêcher le développement de l'espèce. Créons des checks à la population."

 LES ARTISTES : " Qu'il y ait un Dieu ou qu'il n'y en ait pas, c'est le mal qui l'emporte. A quoi sert de s'occuper d'une chimère! Soumettons~ nous au Destin. II n'y a de bon dans le monde que le plaisir et la volupté. C'est l'or qui gouverne le monde, c'est l'or qui procure la volupté. Célébrons l'or et la volupté. »

LES INDUSTRIELS : «Soignons nos revenus. Alerte au gain! Ce monde est une forêt où chacun est occupé de dépouiller son voisin. Vous entendez bien ce que disent les savants, ce que répètent tout bas les politiques,  ce que chantent les artistes. Nous sommes les plus sensés, nous qui songeons au gain, et qui ne connaissons pas d'autre Dieu. »

(Ah croyez-moi, le principe religieux de la charité détruit'" il suffisait de laisser l'homme à son penchant, si bien résumé dans cet aphorisme : Chacun pour soi, ou dans cet adage : Charité bien ordonnée commence par soi-même . .Mais il paraît que la philanthropie même vous fait ombrage! elle pourrait détruire improductivement un trop fort Capital! La charité chrétienne vous semble passée et de l'autre monde; elle s'est brisée, dites-vous, sur des écueils; mais voici la philanthropie moderne qui aspire à remplacer la charité du Christianisme : nouveau fléau que vous voulez détruire dès sa source !)

Or combien y a-t-il en france d'enfants de six à douze ans? Il y en a, au minimum, comme le reconnaissent tout les statisticiens quatre millions. Ainsi tandis que nos ministres et nos députés accorclent huit millions à cinquante-cinq mille enfants appartenant à la classe riche, ils prélèvent sur les mêmes fonds du budget, fornis ju,,qu' à concurrence des trois quans par les classes pauvres, une somme qui n'est pas beaucoup plus forte pour l instruction des trois millions 945 mille enfants qui restent !  L'aumône publique faite aux enfants des riches par tous (puisque le budget est payé par tous) est donc cinquante fois plus considérable que l'aumône faite aux enfants des pauvres. Aussi aujourd'hui même plus d'un million des enfants de la France n'apprennent pas seulement à lire.

Les économistes auront du moins rendu ce service de montrer que tout se tient dans la vie des nations, que la question de la charité ne peut pas se séparer de la question de la population; que celle-ci ne peut pas se distinguer de la question des subsistances et de la production; que cette dernière, à son tour se lie indissolublement à la question de la propriété; que la question de la propriété, d'où dépend la possibilité ou l'impossibilité de l'intervention mutuelle des hommes les uns en faveur des autres, ou en d'autres termes de la charité, est ainsi une question de morale; et qu'enfin morale , politique, économie politique, sont au fond du domaine de la religion.

Grâce à eux, ce qu'on l'on séparait à tort se rejoint. On séparait à tort la religion de la vie civile et politique, et ou ne laissait à la religion cl'autre rôle crue de prêcher ce qu'on appelle l'aumône. Ils ont providentiellement attaqué la religion jusque dans cette fiche de consolation qu'on lui avait abandonnée; ils ont, par d'impitoyables chaînes de raisonnements, détruit clans la main du prêtre jusqu'à sa dernière raison d'être, la charité chrétienne telle qu'on l'entend vulgairement. C'est à la religion aujourd'hui' à reprendre ses droits, et a leur demander compte de leur prétendue science. Et, en leur demandant ce compte, elle doit rayonner de nouveau surtout le domaine de la connaissance et de l'activité humaine. Elle doit porter partout son regard investigateur; et puisqu'ils ont fait, pour ainsi dire, une synthèse, si l'on peut appeler synthèse l'universelle destruction dont ils ont été les derniers agents, elle doit, à son tour ériger une synthèse; car tout se tient: le problème de l' economie politique est le problème même de la religion.

3- . Poésie : H de la touche et Edmond Tissier

Comparaison en deux poésies, des dîners du Riche et du Pauvre....

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